13/04/2021
"Œillades" de Daniel Boulanger, éditions Gallimard, 18 janv. 1979, 160 pages
Retouche à l'enfance
Bateau de papier
avec ton nom mal écrit
descends la rue des Grandes Indes
soleil et givre dans tes flancs
sans souci de l'homme aux grands pieds
qui s'en vient balayant
Deuxième retouche à l'enfance
la mémoire montre du doigt
au bout du chemin qui s'efface
l'ombre en cape de vent
qui vient voler la terre
Daniel Boulanger
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Infinitives
Gaëlle et Diane se sont endormies
l'une tient entre ses mains encore
une encyclopédie des papillons
l'autre rêve décoiffée
de rouges abeilles
sous un soleil châtain
à la couleur de ses cheveux
Daniel Martinez
"Croire que j'ai rêvé" dessin aux feutres de Gaëlle
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12/04/2021
Maurice Blanchard, dixième Cahier de "Habitude de la poésie", chez GLM, 1937, 16 pages sur papier glacé recto jaune/verso bleu, 50 exemplaires
Tous les vivants
Tous les vivants ont l'âge du monde. Le vieillard livre à l'enfant les clefs de la ville, que cela lui plaise ou non. Les revenants n'y comprennent plus rien, ils sont fixés, papillons bleus de la Guyane, papillons bleus de la nuit.
Tous les vivants rompent les faisceaux quand l'aube fuit. Tous les rêves ficelés, tous les rêves entassés, linges inutiles, à coups de bottes joignez votre ombre et votre honte ! Les genoux pèsent sur les poitrines. L'ordre doit régner. Les clairons sonnent la diane quand la lune disparaît.
Tous les vivants chantent l'avenir. Pour apaiser les mondes morts. Pour des mots qui enivrent, venus on ne sait d'où, de quels terribles déclenchements et qui font heurter les peuples en rivières de murmures, en rivières de blessures, paquets de chaînes, lambeaux d'amour.
Tous les vivants fuient la maison natale. Les chevrons pourrissent, les parquets se disjoignent en reliefs géographiques pour jouer au soldat, les fenêtres battent comme des voiles quand on vire mal, quand on manque la passe bienheureuse. La racine pousse son couvercle, le vieux prunier renaît dans le cuivre des lampes, la chute des grands pans dans l'eau du lac.
Maurice Blanchard
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11/04/2021
"Marasme clos", de Jacques Girard, éditions Mannes, avril 2010, 40 pages
Contre-chant
TA VACANCE silencieuse me ravit,
J'entre avec toi dans le tuf des années
Muettes qui me font l'honneur d'une élégie :
Ta soif m'attend, avec elle la nostalgie
De l'antre où, déclinant, l'eau croupit sans retour
Comme à l'extérieur mon amoureuse tour
A jamais l'obscurcit, devenue, indicible,
Un passéiste larmoiement qui se repose,
Et sans regret, sans renouvellement - morose.
* * *
L'Hiver lucide
TU t'insinues dans un balayage de blancs,
Vieil avare que je protège
En toute impunité, nouvelle neige
Associée à son allure : pack tremblant
Tout au long de ce fleuve glacé, la débâcle
Te représente disloqué, en mal d'oracle.
Jacques Girard
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