14/01/2020
L'éditeur Pierre André Benoît (1921-1993) et René Char
PAB : il est vraisemblable que pour le grand public ces trois initiales ne disent pas grand chose. Aux yeux des bibliophiles en revanche, elle renvoient à une maison d'édition où, pendant plus de quarante ans, ont été publiés des livres illustrés par quelques-uns des plus prestigieux peintres du XXe siècle - Picasso, Braque, Miro, Picabia, Dubuffet... Et ces initiales sont celles de Pierre André Benoît qui a un musée portant son nom dans sa ville natale (Musée PAB, 52 montée des Lauriers, 30100 Alès). Ouvert en 1989, ce musée est installé au cœur du domaine de Rochebelle et il est constitué d’œuvres d'art contemporaines, essentiellement tournées vers l'abstraction des années 50 à 70.
Ce que PAB a régulièrement recherché : "Ah ! surtout ne pas faire un livre mais en jouant faire un je ne sais quoi qui délivre du livre." Le poète qui a le plus souvent collaboré avec Pierre André Benoît est René Char. Les "petits formats" qu'ils ont réalisé en commun à partir de 1951 sont extrêmement nombreux. Voici reproduite une double page de "A Braque", une plaquette in 24 (76 x 71 mm) parue en 1955 comprenant 14 feuillets, tirée à 73 exemplaires :
En 1957, on en dénombre six dont De moment en moment contenant deux gravures de Miro, alors qu'il y en a sept en 1961, parmi lesquels on relève "La Montée de la nuit", "L'issue" et "Ainsi va l'amitié", illustré par Braque. Dans cet ensemble imposant, on remarquera que plusieurs titres sont enrichis de photographies, de gravures ou de gouaches dues à Pierre André Benoît lui-même. Compte tenu du fait que leur tirage a été restreint, ils sont d'ordinaire très rares et très chers, et il suffit qu'ils soient reliés pour que leur prix grimpe davantage encore.... En 1987 par exemple, "Elisabeth petite fille", dans une reliure de Pierre-Lucien Martin, a atteint en vente publique 42 000 F (6 300 €).
Jean-Baptiste Baronian
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25/12/2019
Jean Cocteau (1889-1663) écrit à René Char, le 20 mai 1959
Voici aujourd'hui une lettre illustrée, inédite, en date du 20 mai 1959, adressée à l'auteur des Matinaux depuis la villa "Santo-Sospir" à Saint-Jean-Cap-Ferrat. Elle est écrite au stylo-bille sur un papier à en-tête, autour d'un portrait de René Char.
Cette demeure était celle de la grande amie de Cocteau, Francine Weisweiller : elle l'avait rencontré sur le tournage du film Les Enfants terribles (en 1949), là même où sa cousine Nicole Stéphane tenait un rôle. Francine W. devint dès lors son amie la plus proche, séjournant chez lui à Milly, l'accueillant à Santo-Sospir (où elle lui fit construire un atelier), baptisant son yacht Orphée II, voyageant régulièrement avec lui, organisant chez elle une fête pour célébrer l'entrée du poète à l'Académie française...
Cocteau orna de fresques la villa de Santo-Sospir et dédia sa pièce Bacchus (1951) à Francine Weisweller.
"Mon très cher René, je le savais qu'il existe quelques flaques de bonheur permis - mais on nous en chasse très vite et nous tournons la tête comme les enfants du dimanche soir qui sortent du théâtre. Mais je n'oublierai jamais que vous avez eu la bonté de me faire partager votre découverte. Je vous embrasse"
Jean
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29/12/2018
La vocation du poète : René Char
Ce poème de René Char (dont vous savez l'admiration que je lui voue : 4 poèmes manuscrits inédits, de sa plume, ont d'ailleurs été reproduits au fil des livraisons dans Diérèse) paru en 1934 dans Le Marteau sans maître, est repris dans l'anthologie à laquelle il donne son titre : Commune présence. C'est ici un authentique art poétique au centre duquel sont proclamées les vertus essentielles du poète, vertu du moraliste autant que de l'artiste. Il y écrit notamment, un vers toujours - ô combien -, d'actualité : "Quartier suivant quartier la liquidation du monde se poursuit...". Mais écoutez plutôt :
Tu es pressé d'écrire
Comme si tu étais en retard sur la vie.
S'il en est ainsi fais cortège à tes sources.
Hâte-toi.
Hâte-toi de transmettre
Ta part de merveilleux de rébellion de bienfaisance.
Effectivement tu es en retard sur la vie,
La vie inexprimable,
La seule en fin de compte à laquelle tu acceptes de t'unir,
Celle qui t'est refusée chaque jour par les êtres et par les choses,
Dont tu obtiens péniblement de-ci de-là quelques fragments décharnés
Au bout de combats sans merci.
Hors d'elle tout n'est qu'agonie soumise, fin grossière.
Si tu rencontres la mort durant ton labeur,
Reçois-la comme la nuque en sueur trouve bon le mouchoir aride,
En t'inclinant.
Si tu veux rire,
Offre ta soumission,
Jamais tes armes.
Tu as été créé pour des moments peu communs.
Modifie-toi, disparais sans regret
Au gré de la rigueur suave.
Quartier suivant quartier la liquidation du monde se poursuit
Sans interruption,
Sans égarement.
Essaime la poussière.
Nul ne décèlera votre union.
René Char
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