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Rechercher : Henri Thomas

Charme andalou, depuis Almería (Espagne)

Étonnant symbole andalou : le fameux Indalo, peint par un artisan, comme pour dire, avec Federico García Lorca : "pourrais-je jamais / m'accorder à l'envol spirituel des oiseaux..."

BLOG ALMERIA.jpg

ou encore, en citant cette fois Henri Michaux : "Qui ne fait mieux que sa vie ?", histoire de ne pas en rester . Les jeux ne sont pas faits.
... Anecdote à propos de Michaux, rapportée par Pierre Soulages : "Une des dernières rencontres, c'était à Sète. Michaux venait m'y voir pour la première fois. Le portail du jardin à peine ouvert, il s'arrêta. Le regard aigu et mobile parcourait ce lieu de galets où, devant l'horizon marin, à flanc de colline, pousse une flore de plantes grises et blanches. Après un silence, sans transition et sans désigner quoi que ce soit, il me dit : "Vous avez raison, c'est comme cela qu'elles sont le plus dans leur mystère."

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16/05/2021 | Lien permanent

Les ”Bonnes Feuilles” de Diérèse opus 73

Bonjour à toutes et à tous, comme annoncé, je me lance à présent dans la rubrique des critiques des livres et recueils à paraître dans le prochain Diérèse, soit 30 recensions, voici :

ARABO Silvaine : Arcanes majeurs, éd. de l'Atlantique, 2013
ALHAU Max : En cours de route, éd. L'Herbe qui tremble, 2018
BOURG Lionel : Un oiseleur, Charles Morice, éd. Le Réalgar, 2018
BARBIER Eric : D'un silence inachevé, éd. Alcyone, 2017
CARTIER Gérard : L'ultime Thulé, éd. Flammarion, 2018
CHERBUT Gilles : En ces nuits de juillet que traverse la foudre, éd. Henry, 2018
COMMERE Pascal : Territoire du coyote, éd. Tarabuste, 2017
DANJOU Chantal : Journal de la main, éd. Orizons, 2017
DEGOUTTE Christian : Ghost notes, éd. Potentille, 2017
DHAINAUT Pierre : En secret, à l'air libre, Diérèse 72, 2018
DHAINAUT Pierre : état présent du peut-être, éd. Le Ballet royal, 2018
DUPOUY Christine : Jacques Réda ou la généalogie d'une œuvre, Hermann Savoir lettres, 2017
DUPUY Armand : L'avaleur avalé, éd. Le Réalgar, 2017
ESPONDE Jean : Le désert, Rimbaud, et si l'eau elle-même avait soif ?, Atelier de l'Agneau, 2018
JARRETT Catherine, La mémoire nue, éd. Unicité, 2017
LUEZIOR Claude : Clames - poèmes à dire, éd. Tituli, 2017
MALTAVERNE Patrice : Le sucre du sacre, éd. Henry, 2017
MARTINEZ Daniel : Le Temps des yeux, éd. Le Lavoir saint-Martin, 2016
MASSE Olivier : Poèmes préhistoriques, éd. L'Harmattan, 2013
MINAUX Sébastien : Le fruit des saisons, éd. Alcyone, 2017
MEYNADIER Valéry : Divin danger, éd. Al-Manar, 1997
MORIN Evelyne : Anthologie, éd. Le Nouvel Athanor, 2018
POELS Jeanpyer : La mort et la vie se parlent, éd. La Porte, 2018
PIROTTE Jean-claude : Ajoie, Passage des ombres, Cette âme perdue, éd. Gallimard/Poésie, 2018
PROUTEAU Marie-Hélène : La petite plage, éd. La Part commune, 2015
ROGNET Richard : Les frôlements infinis du monde, éd. Gallimard, 2018
SCHAEFFER Christophe : aImer à quatre temps, éd. Librécrit, Hors collections, 2017
SAINT-PAUL Christian : Toiles Bretagne, éd. Monde en poésie, 2017
TISON Frédéric : Aphélie, suivi de Noctifer, éd. Librairie-Galerie-Racine, 2018
WAUTIER Véronique : Continuo, éd. L'Herbe qui tremble, 2017

Amitiés partagées, Daniel Martinez

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03/05/2018 | Lien permanent

Edgar Allan Poe (1809-1849)

Poe fut le rédacteur en chef de la revue Southern Literary Messenger de 1835 à 1837 : il y publia des critiques, des histoires, des poèmes, des essais, - même après son renvoi pour intempérance alcoolique - dont "Berenice" (mars 1835), "Morella" (avril 1835), "Hans Phall" (juin 1935), "Manuscript found in a bottle" (décembre 1835), "The Narrative of Arthur Gordon Pym" (janvier-février 1837) et "The Raven" ("Le Corbeau", mars 1845). Il permit ainsi d'augmenter spectaculairement sa diffusion.

Voici à présent une lettre inédite à l'avocat new-yorkais Edgar Simeon Van Winkle, qu'il entend convaincre de lui réserver un texte  en se recommandant du frère dudit Van Winkle. Elle a été écrite le 12 novembre 1836, traduite par mes soins pour les visiteurs de ce blog (figure sur cette lettre une apostille autographe de l'ami de Poe et directeur du Southern Literary Messenger).

"Cher Monsieur, sur les conseils de votre frère, le rédacteur de "The Natchez Courier", je prends la liberté de m'adresser à vous et de vous solliciter pour une contribution au "Southern Literary Messenger" publié [à Richmond, en Virginie] par Thomas Willis White.

Si vous pouviez répondre favorablement à mes attentes, cela me ferait grand plaisir. M. Peter G. Van Winckle [futur sénateur] de Parkesburg, en Virginie, a écrit pour notre magazine, et votre frère, in Natchez, nous a garanti son aide.

Il nous a informé que vous avez (très probablement) un manuscrit, sur le "Study of the Law in the US", texte que nous aurions plaisir à publier dans le Messenger, si aucune proposition plus intéressante ne vous a été déjà été faite.

Très sincèrement,

                                   Edgar A. Poe"

NB : On remarquera la subtilité de la demande qui, par parenthèse, n'a rien à envier aux tractations de mise dans l'édition contemporaine, où, pour un premier contact, les intermédiaires en arriveraient à être aussi importants (auprès de certains rédacteurs/éditeurs) que les auteurs eux-mêmes. Rien de nouveau sous le soleil.

Thomas Willis White (1788-1843), fondateur de la revue le Messenger, se séparera la mort dans l'âme de Poe qu'il soutenait et essayait d'aider en lui proposant de l'accueillir pour l'éloigner de la taverne. A l'occasion d'une absence de Poe affaibli par son alcoolisme, il lui avait par exemple écrit : "Vous avez du talent, Edgar, - et le respect lui est dû ainsi qu'à vous-même. Apprenez à vous respecter et vous verrez très bientôt que l'on vous respecte. Détachez-vous de la boisson et des compagnons de boisson, pour toujours !" (29 septembre 1835). DM

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05/05/2017 | Lien permanent

Rien de précieux ne s'efface

   … Pour répondre à ma curiosité, Lucie m’avait présenté sa collection, des têtes de série d’éditions originales illustrées. Au fil des pages, entre des gouaches de Saura et de Tàpies, ce Shri Yantra avait retenu mon attention. Peint par un artiste indien avec, au-dessous, des lignes d’Henri Michaux bien dans le ton de l’homme : il évoquait je crois les « privilèges des qualités »* Le crépuscule tombait à mesure, bordé d'ombres violettes, de courts nuages flottant sur le monde, remodelés, triturés à l'infini. Flammes rouges de ses cheveux au couchant, coupant la grande rumeur des voitures plus bas.

   Les derniers souvenirs du mage Henri Michaux ? Au téléphone : « Avec vous, Lucie, je suis toujours dans le rose. Dans mon dernier rêve, je vous revoyais en Inde, au moment où nous réalisions Yantra. C’était, ma foi, fort agréable (un dieu dans chaque main, pour les creux de la route… rires). Et tout cela, mon recueil juste sorti de vos presses, les couvertures de bois verni qui maintenaient le papier Japon aux pages délicatement pliées sur elles-mêmes, en accordéon, y redessinaient comment dire ?... le désir d’harmonie, qui est d’abord celui de pouvoir dépasser le cadre restreint de sa condition propre : non ? » Lucie avait acquiescé, enchaînant sur une phrase pas tout à fait de circonstance, surprise par la question. Lui, encore : « Au-dessus et non hors du temps, je veux parler de cette perte du sentiment du présent, comme si ce qui avait eu enfin lieu n'était en dernière analyse que le fruit de fiévreuses prémonitions. »

   Son petit bureau où nichent bricoles, pinceaux mal nettoyés, photographies, carnets divers. L’hélice, la spirale, la conque ; la coquille et sa nacre, teintée de la dernière aquarelle. Ce qu’elle avait peint ces jours-ci, je ne m’en souciais pas vraiment. Là, toutefois : une silhouette grise perdue dans une vaste plaine neigeuse qui, virant au bleu, aurait pu tout aussi bien être un ciel. A l’instant juste, d’une oreille rien moins que distraite, j’entendis claquer derrière la porte le petit marteau en main bagué remarqué en entrant. Nous convînmes alors d’un autre jour où nous rencontrer.

   Non, pas exactement :

   « Demain, au petit matin, je dois prendre l’avion pour Oslo. Je vous appellerai au retour. A bientôt. »

   Au fond, traversant les livres que nous avions feuilletés, toujours et encore, la nuit des mots : une manière de se tenir face au silence ? Lisse, imprenable. Surtout, j’avais vu peu à peu se dégager la double acception du mot « jeu » : le léger et le grave, tour à tour. Derrière le réel brut le poète, changeant de peau s’en amuse, il entre dans ce qui est. Progresse dans l’invention d’une matière – moins pour l’affronter que pour parvenir à en mériter l’assentiment – à figurer, toujours. Jusqu’à la voir, au final, s’échapper dans un livre, nature morte. Toute visée simplement ludique hors de propos.

                                                                                            Daniel Martinez

___________________

*« Isolées, quelques couleurs, à part
    disent et ne disent pas

    les privilèges des qualités. »

NB : ces vers de Henri Michaux sont inédits

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15/10/2015 | Lien permanent

A la manière d'un conte : les éditions Marchant Ducel (1982-1995)

Il s'agit de l'histoire d'une petite maison d'édition - qui a donné lieu à un conte de mon cru d'ailleurs, intitulé : "Rien de précieux ne s'efface", vous pouvez vous y reporter dans la catégorie du blog correspondante.

Cette maison s'appelait "Marchant Ducel", soit Marcel Duchamp dans le désordre. Vous l'aviez deviné, je sais. La directrice de publication, une certaine Lucie Ducel, aquarelliste de talent, habitait alors 79 rue du Chemin vert. Elle était slave et son compagnon l'avait quittée. Résultat : il lui fallait vendre ce qu'elle avait édité à grands frais pour se payer seule son voyage de retour au pays, en 1995. Je devais - le hasard fait parfois bien les choses - la rencontrer dans ses appartements ; âgée, elle avait bien du mal à se déplacer et le parquet, un peu trop ciré, laissait craindre le pire. Elle s'était endettée, en fait, avec des éditions de luxe, pour des poètes de son choix. Mais desquels au juste parlez-vous, je vous prie ?

Elle me narra ce qui fut son aventure, sans ambages. Tout cela avait commencé par la publication, en Inde, du Convalescent, de René Char, imprimé en mai 1982 par Neesa Press, à Katmandu, un recueil enté d'une peinture tantrique. Le tirage était alors de 25 exemplaires sur Népal. Un joyau, naturellement ! Vous me connaissez mieux à présent, je ne dis pas cela à la légère... "Mais quel homme charmant, prévenant, ce René Char !, vous ne pouvez l'imaginer. Nous avons partagé un moment de vie, inoubliable."
Dans la foulée, il y eut le Dernier Chant de Milarepa, traduit du tibétain par Lopsang Lama, à 40 exemplaires cette fois-ci, toujours auprès du même imprimeur.

Et tant d'autres : Brug'pa Kun'legs, Lokenath Battacharya (Des aveugles très distingués), Roger Munier (Comment dire ?). En août 1983, le couple décida de rentrer en France. Yves Bonnefoy, qui habitait alors le onzième arrondissement publia chez elle, Lucie Ducel, deux livres : Par où la terre finit, à 45 exemplaires sur papier de jute du Rajasthan, avec une miniature indienne, imprimé en juillet 1985 par Franck Meyer, à Paris.
Vous l'avez compris : dans leurs bagages, le couple Ducel avait ramené des miniatures indiennes, pour la bonne cause. Et grand bien leur en a pris, puisque Yves Bonnefoy récidiva avec Là où creuse le vent, tiré à 49 exemplaires sur Larroque (en juin 1986), recueil rehaussé de deux peintures tantriques. Le même mois de la même année précisément, Philippe Jaccottet se fendit d'un bel ouvrage illustré par une aquarelle de Anne-Marie Jaccottet : Le Cerisier (49 exemplaires, imprimés par Gilles Couttet, Le Pontet). Lucie adorait les aquarelles, il est vrai...

Mais, ce qui m'importait le plus était bien ces deux recueils de Henri Michaux dont vous savez tout le bien que je pense, mis en vente à la défunte librairie Nicaise sur le boulevard Saint-Germain, remplacée par je ne sais trop quoi qui s'accorde à notre temps d'inculture (assumée ?)...
Ce fut d'abord, en juin 1983 - Michaux n'avait plus qu'un an à vivre -,  Yantra, 15 pages en accordéon, tirés en tout à 36 exemplaires sur Népal, tous rehaussés d'un shri yantra traditionnel (je ne suis pas sûr que la BNF en dispose d'un seul, mais peu importait à Henri Michaux, libertaire d'esprit, qui se moquait souverainement des officialités !, un poète authentique largement trahi post-mortem). Quelques jours avant de passer de vie à trépas, il avait téléphoné à Lucie pour lui dire qu'il l'avait rêvée dans les tons roses, de la couleur précisément du shri yantra de son opus.

Il y eut aussi, du même auteur aujourd'hui "pléiadisé" (il s'y était toujours opposé de son vivant) Fille de la montagne, publié en mai 1984 à 60 exemplaires par Gilles Couttet toujours, sur Arches. Je vous en ai donné ma lecture, reportez-vous à la catégorie "Henri Michaux".

Voilà... Ce fut un grand regret que de quitter Lucie Ducel, repartie dans ses contrées peu de temps après que nous nous soyons rencontrés. Elle avait vécu une aventure formidable, avait côtoyé parmi les plus grands poètes du XXe, et, las, elle n'est plus de ce monde à présent. Daniel Martinez

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30/04/2019 | Lien permanent

La revue ”Science Advances”, 20 décembre 2019

Ce n’est pas une sonnette d’alarme, c’est un carillon désespéré. « Notre précieuse Amazonie vacille au bord de la destruction fonctionnelle, et nous-aussi », écrivent les chercheurs Thomas Lovejoy, de l’université George Mason, et Carlos Nobre de l’université de Sao Paulo. Ces deux experts lancent un appel dans la revue Science Advances, ce vendredi dans une tribune titrée : « L’Amazonie à un tournant : dernière chance pour agir.»

Selon leurs recherches, le taux de déforestation atteint désormais 17 % sur tout le bassin amazonien et 20 % sur la portion brésilienne. Le problème central est l’impact sur le cycle hydrologique. Les arbres absorbent l’eau des précipitations, puis en rejettent une partie par transpiration végétale, l’humidité s’évapore et se condense, ce qui crée des nuages et de nouvelles précipitations. Avec la déforestation, « jusqu’à 50 % de l’eau de pluie n’est plus disponible pour être recyclée », écrivent les chercheurs.

Risque de réaction en chaîne

Selon eux, si la tendance continue, l’Amazonie va « se transformer en savane », en commençant par les zones au sud et à l’est. Les premiers signes sont déjà là, avec une saison sèche qui dure plus longtemps et des températures en hausse. La bonne nouvelle, écrivent les chercheurs, « c’est que l’on peut reconstruire une marge de sécurité avec un programme ambitieux de reforestation ».
Les chercheurs le rappellent, il ne s’agit pas que de l’Amazonie. Avec la fonte du permafrost (sol gelé à forte densité en carbone) de l’Arctique et de la banquise du Groenland, on risque une réaction en chaîne irréversible qui pourrait transformer la terre en étuve. Tic, tac...

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22/12/2019 | Lien permanent

”Meidosems”, éd. du Point du Jour, 1948

Livre fondamental, pour ne pas dire à mon sens le plus abouti dans l'oeuvre d'Henri Michaux, c'est effectivement Georges Raillard qui en a trouvé l'origine du titre, soigneusement choisi par l'auteur, le sème meido. J'y reviendrai naturellement. L'humour, l'ironie plus encore, pour donner moins de poids au Réel ; en ouvrant les portes d'un imaginaire actif.

La naissance de ce livre composé presque entièrement de textes inédits remonte à août 1945, le n°33 de la revue L'Arche, précisément (page 39 à 41). Des 6 textes de cette livraison, un seul sera repris dans Meidosems, avec 12 lithographies originales du poète, imprimées à même la pierre, en complicité avec l'atelier Desjobert à Montrouge. Le livre est tiré en octobre 48 à 271 exemplaires, ceux de tête ornés desdites lithos réimposées en couleur, de toute beauté. J'ai eu la chance d'en voir une à la vitrine d'une petite galerie en bord de Seine, dessin qui a disparu quelques jours après son exposition, acheté par un collectionneur chanceux. Cette litho avait, comme vous l'avez compris, été soustraite à un exemplaire de tête du livre, bien malheureusement.

Dans Dessiner l'écoulement du temps, repris in Passages (Le Point du Jour, 1963), Henri Michaux écrit, cernant de plus près cette morphocréation, où puise aussi son écriture d'alors :
"Les animaux et moi avions affaire ensemble. Mes mouvements, je les échangeais, en esprit, contre les leurs, avec lesquels, libéré de la limitation du bipède, je me répandais au-dehors... Je m'en grisais, surtout des plus sauvages, des plus subits, des plus saccadés. J'en inventais d'impossibles, j'y mêlais l'homme, non avec ses quatre membres tout juste bons pour le sport, muni de prolongements extraordinaires, suscités spontanément par ses humeurs, ses désirs, en une incessante morphocréation..."   

                                                                                  Daniel Martinez

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21/12/2014 | Lien permanent

Le poète Lokenath Battacharya (1927-2001)

"Je suis né dans une famille de brahmanes bengalis très pieux. Personne, à la maison, ne s'intéressait de près à la littérature. Mais j'ai toujours eu envie d'écrire, aussi loin que je me rappelle. Enfant, j'étais très admiratif de Tagore et puis, plus âgé, j'ai lu d'autres choses. Très peu de livres anglais, en fait. Seulement Shakespeare et T.S. Eliot, de temps en temps. Davantage de français, finalement : Rimbaud surtout et, au vingtième siècle, René Char, Saint-John Perse et Henri Michaux.
L'être qui m'a le plus marqué, c'est peut-être Buddhadeva Bose, un poète et directeur de revue de Calcutta. C'était vraiment un homme extraordinaire, une sorte de voyant. C'est lui qui m'a proposé un jour de traduire Rimbaud, en me disant qu'il avait déjà tenté l'expérience avec d'autres poètes bengalis mais que personne n'y était arrivé. Je me suis mis au travail. Buddhadeva Bose a trouvé la traduction à son goût, il l'a éditée, ç'a a été d'ailleurs mon premier livre : Une Saison en enfer. Ensuite j'en ai publié vingt-cinq autres : poèmes en prose, récits, essais, théâtre et d'autres traductions. Mais en fait je n'ai pas d'éditeur attitré en Inde, je n'ai même plus d'éditeur du tout. Je crois qu'au train où sont allées les choses, bien que très inconnu en France, j'y suis presque aussi connu que dans mon pays.

Mon travail en France, ce sont en fait des rencontres. D'abord celle d'Henri Michaux. Vous savez, à part Bose, je crois que je n'ai jamais côtoyé un homme aussi exceptionnel, d'une telle profonde compréhension. C'est étrange, la façon dont cela s'est passé. Je revenais de Belgique et j'avais quelques jours à passer à Paris. J'étais en mission officielle ; on m'avait demandé, en tant que poète indien, quel poète français je désirais rencontrer. J'ai répondu : Henri Michaux.

On m'a dit alors que c'était impossible, que l'homme était inabordable, ne voulait jamais voir personne. Je me suis résigné. Je ne sais trop pourquoi, pourtant, j'ai laissé chez Gallimard quelques pages de moi traduites en français, à son attention, ainsi que mes coordonnées de passage.

La veille de mon départ, il m'a téléphoné à l'hôtel où je me trouvais pour me dire qu'il voulait me voir. Je lui ai répondu que c'était à moi de me déranger. Il m'a dit que non, que c'était à lui, et il a raccroché. Une demi-heure plus tard il était là, dans le hall. C'est très difficile de décrire une telle rencontre. Tout ce que je puis dire, c'est que ce fut inoubliable, et que ce qui m'a alors porté est encore là. C'était en 1974, je crois. Par la suite, nous nous sommes revus assez souvent, chaque fois que je revenais à Paris.

C'est grâce à lui qu'à cette époque-là certains de mes textes ont paru en revue puis en livre : Fata Morgana, en 1976, a fait de Pages sur la chambre vraiment un beau volume. Mais pendant quelques années, ensuite, il y a eu une sorte de creux ; moi-même, je n'écrivais plus beaucoup, d'ailleurs. Ce n'est que plus tard, en 1983, que j'ai reçu un jour à Delhi la lettre d'une jeune femme, Lucie Ducel, qui avait déjà publié René Char et Henri Michaux. Elle me disait qu'elle venait de découvrir Pages sur la chambre et qu'elle tenait à éditer quelques lignes de moi. Je lui ai envoyé Des aveugles très distingués. Je crois que c'est ce minuscule volume qui a tout relancé... jusqu'à ce livre chez Granit, le Danseur de cour, qui me semble si fin en français.

Beaucoup plus qu'en bengali, je ne sais pas. Vous savez, je vois assez mal mon travail, je me demande toujours pourquoi en France, si loin de ma terre indienne, on s'intéresse autant à ce que je peux faire, à ces proses qui me viennent si vite, le matin, de façon si naturelle que j'ai l'impression de les vomir - que je relis si peu, que je ne corrige pratiquement jamais. La plupart du temps, je me sens à côté de tout, comme en réserve. La vie, vous savez, me semble si grande, si vaste. Je n'ai toujours pas compris."

                                                              Lokenath Battacharya

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28/07/2016 | Lien permanent

Jean-Paul Bota nous accompagnera in Diérèse 78

Du vent dans les grues

Errances dans la Cité des Ducs

 

Je n’avais pas fait vingt pas à la suite de l’homme qui portait ma valise, que j’ai reconnu une grande ville.

      Stendhal, Mémoires d’un touriste

 

Le vent ratisse à sa vendange
à chant confus les heures tournent
le ciel remue

      Henri Droguet, Chemin de l’écolier in Ventôses,
      Champ Vallon, 1990

 

Les rues aux noms de corsaires, ainsi de Julienne David morte à Nantes dans la misère, le monument à Jacques Cassard touchant 1 parterre de soucis et jacinthes, herbe qui les frange au rectangle de terre, quelqu’un a planté 1 branche de coton face le monument et les bouchons de bière là, panière à linge bleue renversée parmi les aiguilles de pin, c’est face les anneaux Buren Bouchain, H.A.B. et les bruits de marteau piqueur encore que porte le vent au loin grues Titan jaune & grise à la pointe ouest de l’île Gloriette ou elles à sommeiller et Notre-Dame-de-Bon-Port dans le soir qui descend...


Jean-Paul Bota

VIGNETTE ULRICH.jpg

Dessin aux feutres de Pascal Ulrich

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11/02/2020 | Lien permanent

José Pierre nous parle de l'artiste surréaliste Mimi Parent (1924-2005)

yadwigha rediviva - elle est retrouvée, la dame aux beaux seins qui, nue sur le canapé rouge au cœur de la jungle, prêtait l'oreille à la musique enchanteresse de l'orphée noir ! sans doute son image est-elle restée dans ce musée de new-york, sur la toile fameuse que peignit juste avant sa mort l'humble retraité de plaisance, henri rousseau le magicien. mais yadwigha en personne, celle qui donne au rêve prétexte et nourriture, celle qui apprivoise alentour les merveilles, la voici revenue parmi nous. elle natte parfois ses longs cheveux songeurs mais son regard demeure fixé sur ces choses lointaines qu'elle est seule à entendre tandis que sa main s'avance doucement pour cueillir ou pour caresser... mimi parent - notre yadwigha - règne en maîtresse sur le domaine des lumières rasantes. si heureuse d'entretenir avec l'ombre de coupables rapports, les présences secrètes ne s'y révèlent que par les clartés furtives qui s'accrochent à la saillie d'une griffe, à la nervure d'un regard. aux lueurs d'étain de l'aube ou aux accents cuivrés du crépuscule, entre chien et loup, - entre la lèvre et le baiser - mimi parent déploie d'invisibles antennes. à l'heure où s'engourdissent les sens communs, l'acuité de son regard et de son ouïe n'ignore rien de ce qui, fuyant les duretés du jour, va connaître une intense existence éphémère, la naissance du jour, la tombée de la nuit, moments entre tous favorables aux enchanteurs ! alors se relâchent les mailles de la vigilance obtuse, alors la peur ou la surprise se dressent sur les chemins. alors, du geste simple mais efficace du mage, mimi parent crée autour de deux cerises un fantôme charmant et durable. elle est retrouvée, la dame aux beaux seins qui, nue sur le canapé rouge...


 José Pierre

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13/04/2020 | Lien permanent

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