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Marché de la Poésie : Isabelle Lévesque

      Vous présenter sans plus tarder la poète Isabelle Lévesque, qui sera présente sur le stand de Diérèse et des Deux-Siciles, au Marché de la poésie :

Isabelle Lévesque fait partie du comité de rédaction de la revue Diérèse dont elle a co-dirigé les numéros spéciaux Thierry Metz et Nicolas Dieterlé.

Elle a publié en 2011 Or et le jour (Anthologie Triages, Tarabuste), Ultime Amer (Rafael de Surtis), Terre ! (éd. de l’Atlantique), Trop l’hiver (Encres vives). En 2012 : Ossature du silence (Préface de Pierre Dhainaut – Les Deux-Siciles). En 2013 : Un peu de ciel ou de matin (Dessins de Jean-Gilles Badaire – Postface de Pierre Dhainaut, éd. Les Deux-Siciles) et Va-tout (éd. des Vanneaux). En 2014Ravin des Nuits que tout bouscule (Préface de Pierre Dhainaut – Ecrits du Nord – Editions Henry, Prix des Trouvères).

En italien (livre d’artiste) : Neve, photographies de Raffaele Bonuomo, traduction de Marco Rota (Edizioni Quaderni di Orfeo, 2013). Voir la note sur ce blog, en date du 30/4.

Elle publie également des articles sur des sites internet (Terres de Femmes, Poézibao, La Pierre et Le Sel). En une seule ligne, reportez-vous à ce lien :

http://terresdefemmes.blogs.com/mon_weblog/2014/06/pierre-

dhainaut-progr%C3%A9claircie-suivi-de-largesses-de-lair-

par-isabelle-1%C3%A9vesque.html

 

La couverture du livre qu'elle signera le 14 juin à partir de 16 heures, stand 214 :

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Un peu de ciel - couv 2.jpg

* *

Un peu de ciel ou de matin, d’Isabelle Lévesque, éditions Les Deux-Siciles 

                                  Pour être, la poésie n’attend que notre regard.

                                                                                                    Andrée Chedid

Quelque chose s’est passé.

   Déjà sous forme de traces dans Va-Tout, le précédent livre d’Isabelle Lévesque, on distinguait, au-delà de l’emportement d’un verbe jamais en repos et dans les espaces souvent torturés de la dislocation, des moments appelant la réconciliation et une espèce de douceur, certes poignante, mais annonciatrice.

L’introduction du « Tu », du « Toi » établit une tout autre dimension de l’écriture, une introduction du murmure – ce qui à l’oreille est murmuré – une proximité avec  ce troisième personnage de l’accord, amant peut-être, partenaire, troisième terme de la parole. De l’écriture brusquée du précédent livre, on entre ici dans une douceur  du phrasé, dans lequel on aenvie de fermer les yeux, « nocturne paupière arrimée ». La présence de ce tiers est un gage d’inspiration et essentiellement de partage. Douceur retrouvée dans la légèreté extrême : « D’une libellule » « tu fais couleur », « lune ou reflet », et bien différente de la sécheresse, actuelle, du commentateur qui constaterait la métamorphose d’un œil distant. Il faut laisser au lecteur le temps et l’espace de se couler dans la joie du souffle, à mots couverts, où tout devient (redevient) couleurs. « J’attends que tu lèves des opérations silencieuses », comme si, à l’évidence, « Tu » était chargé de l’autre partie du sens, comme ami penché sur ce qui là se travaille. Ici, une musique nouvelle réunit et rassemble, le heurt des phrases entrecoupées ou blessées semble se résoudre  dans une « paix du soir ».

Lieu où les voix viennent s’emmêler dont celle, permanente, d’un « chant éternel », comme lorsqu’on devient l’autre, non plus seulement cela qui nous habite mais qui aide à porter « le phare venu de loin ». « …danses lumineuses », « porte ultime », « seuil parfumé des sons », on ne peut mieux décrire ce qui est une des origines de l’écriture actuelle d’Isabelle Lévesque, hymne à un poétique bonheur retrouvé, dans la tradition française des chants d’amour. Une exaltation en sourdine, loin des grincements de Va-Tout. Cependant, il ne s’agit pas seulement de littérature mais de vers qui ont pris corps : « je glisserai entre tes mains    forme nouvelle  / et prendrai corps si près des vers  / que nous dirons     d’une même voix  / une même prière », d’une dimension érotisée de l’écriture où «  les mots de l’encre / font au papier un vœu de foi », lorsqu’un « sésame laisse  passer nos caresses  /et [que] les courbes font chemin ». Comme si encore l’encre et l’être aimé étaient des substituts de l’écriture – ce qui ici est aimé et traversé– captée dans des invocations  : « Tu es mon encre … », « Tu es    entre deux pages », « Tu es la sève… », « Tu es l’inespéré… », cet autre « Tu » du corps ou le « Tu » de l’écriture.

Celui ou celle qui vient éveiller les sens en jachères, qui reconnaît les « valeurs », « …les herbes fines / des coquelicots couvrant / parce qu’ils sont vifs, / les promesses oranges ». Et quelque chose de nouveau brûle qui invite à la danse quand « le feu se penche / riant  lumière ». Une présence désormais qui soufflerait sur les braises des mots et des sons associés « pour qu’un seul vers, peut-être, /  rende à mes nuits le souffle ? ». Couleurs extrêmement vibrantes, souvent unies à la flamme – le coquelicot en est un des représentants – mais toujours dans cette tonalité du murmure, « à pas couverts des mots … », dans « … l’onde légère de nos terres ardentes » , une délicatesse, à l’instar des toiles et des signes de Chine. Ce qui implique nécessairement des choix linguistiques : « Nous oublions pronoms, / même les verbes, terminaison volée . /  Seuls les gestes déclinent / et je maudis petits mots dits, / articles / et les signes qu’il faut trouver / pour échapper / à la nuit. », révoquant une certaine lourdeur d’une langue articulée et subordonnée, pour laisser comme de l’espace à d’autres articulations plus enfouies, espaces relayés par les dénominations de silence, mystères, crépuscule, ombres… ; ce qui implique aussi que dans les signes enchevêtrés, il faille dénouer les trames de ce qui s’est tissé, fonction probable de ce « tu » toujours mystérieux, aux frontières du texte, parfois caché en son centre et qui tente de « conjuguer » les trois termes de l’écriture : « aimer   respirer   écrire », à l’image du poème, du poète et de l’autre.

Isabelle Lévesque invite ainsi à une  réflexion sur la poésie, comme pluralité des différents acteurs de l’écriture, c’est-à-dire aussi comme partage d’une expérience de la complexité, ce qui implique le tissage et le dénouage. C’est dans cette respiration légère que quelque chose « a trouvé sa flamme », morceau de ciel ou de matin, avec la conscience constante et douloureuse de l’impermanence même du poème : « Souffle humide et léger / de ce qui reste, / l’haleine du ciel et le dernier regard / avant / ce qui s’éteint. ».

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08/06/2014 | Lien permanent

Le poète Thierry Metz : comment le numéro 52/53 de Diérèse qui lui était consacré a-t-il pu voir le jour ?

Ce fut une aventure extraordinaire que la naissance de ce numéro 52/53 de Diérèse, livraison codirigée par Isabelle Lévesque et votre serviteur. Pas assez remarqué par la critique au moment de sa sortie, sauf par Jérôme Garcin dans Le Nouvel Observateur.

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Le point de départ :
je prends le train depuis Paris jusques à Agen, pour rendre visite à Françoise Metz, la veuve de Thierry. La raison de ce déplacement ? Françoise possédait des 'inédits de son défunt époux. Un homme, un auteur qui n'était pas du sérail, un esprit libre, toujours en quête, happé par le monde, déboussolé face aux vents du destin... J'avais dans ma valise une boîte de chocolats Jeff de Bruges, pour m'annoncer, en quelque sorte ; au premier coup d’œil, la veuve de Thierry m'apparaît, brune aux longs cheveux longs, les yeux d'un bleu limpide. Simple aussi, mais jamais résignée face au malheur de sa vie : avoir été la femme d'un poète hors norme, l'avoir suivi dans ses errements, avoir vécu la rupture avec Thierry au décès de son fils Vincent - dont il avait la garde -, percuté mortellement sur une route nationale, en allant récupérer son ballon.

Nous déjeunons avec Françoise dans un restaurant point trop éloigné de la gare, les confits de canard y étaient absolument excellents. Tout en elle est vrai, rien ne défaut. Le contact s'établit : nous avons eu trois enfants, Thierry en voulait six. Je relis Jérôme Garcin dans "Littérature vagabonde" (Flammarion, janvier 1995) : "Thierry Metz est un autodidacte qui, aux confins de l'aphasie et du poème, nous réapprend les égards dus à la syntaxe de la vérité, aux locutions du coeur. Avec sa pioche, Thierry extrait des diamants noirs". Puis j'apprends que Gallimard lui a fait des misères, pour la réédition en poche du "Journal d'un manœuvre", qui a bien tardé, à nouveau épuisé dans la collection.

Nous sommes le 29 novembre 2010. Françoise Metz me confie une valisette contenant le dernier agenda que Thierry a eu entre les mains avant de passer de vie à trépas. Au téléphone, elle m'a prévenu : "Ces quelques lignes de Thierry ne présentent sans doute pas grand intérêt." ! Et pourtant : il s'agit du tout dernier livre que Thierry envisageait de publier chez son ami Didier Periz, son dernier éditeur, en fait. Plus qu'une esquisse,un antélivre où se lit toute la charge affective qui s'y rapporte. Mais quel en est le sujet, je l'ignore encore et vais le découvrir.

... J'avais en poche mon billet de train pour le retour dans la capitale, où je devais reprendre le travail le lendemain, rue du Charolais, dans le douzième arrondissement. Muni de ma valisette (qui contenait le précieux Carnet d'Orphée manuscrit, sur un agenda de poche, des photographies...), nous nous quittons, vers 15h00, Françoise et moi. Je me rends alors, pour attendre mon train de nuit, au Musée des Beaux-Arts d'Agen, pour y découvrir cinq tableaux de Francisco Goya, joyaux un peu perdus dans une ville de province. Son autoportrait, évidemment, où le peintre à mon sentiment ne se ménage pas. Très peu de visiteurs, je passe pour un original mais qu'importe. Question d'habitude. Non sans avoir acheté quelques cartes postales, je traîne donc jusqu'à l'heure de la fermeture, l'employée me rappelant à l'ordre, à 17h55 : "la sortie Monsieur, c'est par là".

J'ai de la lecture dans mon bagage, un livre de Pascal Pfister, Celui qui se tait,à la page 9 où je m'étais arrêté dans le train :
     Cette douleur n'est rien
     qu'une torche jetée dans le réseau
     des nerfs, l'image
     entr'aperçue de la mort
     aussitôt revoilée
     rien qu'un point
     tenace, ressouvenir sans corps
     sans voix - et peut-être
     tout le passé, tout
     l'avenir, cette douleur"

Après cet intermède, il convenait de me sustenter un peu. Un sandwich garni d'une tranche de roastbeef, quelques cornichons maculés de moutarde ont fait si je puis dire mon affaire ; puis une Desperados pour me désaltérer. Sur le quai, il était près de 21 heures, la nuit a gardé pour moi un goût de journée. On entend la motrice faire des essais, ça tremble un peu, un peu plus, on dirait que ça fume, puis flop, flop ! Tout s'arrête, j'ai un mauvais pressentiment. Au bout de 20 minutes de tentatives infructueuses, les gens se regardant, toussotant, s'impatientant poliment, un agent nous annonce au micro que la motrice rencontrant d'insurmontables "problèmes techniques", il convenait que les passagers descendent sur le quai et empruntent le prochain train pour Toulouse.

Arrivés à Toulouse, ce serait à minuit passé que s'élancerait le valeureux convoi en direction de la Ville lumière. Du temps à tuer, encore. Les abords de la gare, assez sympathiques, un café pour refuge.

Les noctambules, un peuple bon enfant, partagé entre ceux qui cherchent et ceux qui ont trouvé, ceux pour qui le sommeil est un détail... Après avoir regagné le train qui rallierait la capitale, je me love dans la mezzanine, la tête vers la vitre ; un compartiment des plus étriqués, quelques banalités échangées avec mes voisins de compartiment avant que ne s'éteignent les loupiotes. J'ignorais alors qu'on surnommait ce convoi "le train des voleurs", les exactions y étant à l'époque loin d'être exceptionnelles. Bien sûr, ayant trop de respect pour cette noble compagnie, je me garderai de confirmer aujourd'hui la mauvaise réputation de ce train de nuit, aux multiples escales. Je crains de ronfler un peu plus fort qu'à mon habitude et garde mon portable à touches près de mon oreille. L'estomac gargouille déjà un peu. La valisette, vert bronze, derrière ce qui fait office d'oreiller.

L'arrivée ? : à plus de midi, c'est un vrai tortillard. Je ne pourrai donc reprendre mon travail que l'après-midi (prévenir mon employeur, en invoquant un cas de force majeure, mais pas d'appel avant huit heures). Malgré l'inconfort manifeste, il s'agit de tenter de dormir un peu, au mieux. Jusqu'à 5 heures du matin, c'est allé à peu près... Non sans cligner des paupières, j'ouvre alors le rideau du compartiment, jette un œil en extérieur : nous nous sommes arrêtés je ne sais trop où, on palabre sur les quais. J'ai tout de même eu le temps de rêver. [En haute montagne, un hélico venu me porter secours, montée avec la petite échelle de corde et descente dans la vallée, où le soleil est au rendez-vous]. Les yeux mi-clos, j'émerge abruptement du sommeil : juste le temps de m'aviser que quelqu'un ouvrait la porte à glissière, farfouillait d'une main preste dans les premiers bagages accessibles, pour repartir illico, en refermant la porte, et en nous replongeant dans l'obscurité.

A six heures et quelques, une furieuse envie d'uriner me prend. Je descends de la mezzanine, précautionneusement. Prends le couloir ; par chance, pas de file d'attente. Retour au bercail : mon voisin du dessous est en train de fouiller le bagage aux pieds de celui qui dort à poings fermés, au même niveau que moi, mais de l'autre côté. Je le dévisage, il s'arrête donc, et l'air de rien retourne à son lit. Flash : je me dirige illico vers mon semblant d'oreiller (un pull-over roulé sur lui-même) et ouf ! la valisette que dans mon empressement j'avais laissée sans surveillance côté fenêtre n'a pas bougé d'un poil, je l'ouvre pour en vérifier le contenu, tout y est, j'ai eu très chaud. Et ne la quitterai désormais plus des yeux.

Tout aurait donc pu s'arrêter là. Car c'était un manuscrit original que je transportais. Me souvenais alors de ce qui était arrivé à Henri Thomas, qui a perdu un jour un manuscrit dans un taxi ; mais ce n'était que le sien. [Rien ne vaut le numérique, drôle de l'entendre sous ma plume, n'est-ce pas ?]... Inutile d'ajouter que le sommeil m'avait définitivement quitté. Il me tardait d'arriver à Paris pour prendre un café double bien serré. J'ai repris mon Journal en main là où je m'étais arrêté la veille au sortir du musée des Beaux-Arts : calepin sur les genoux, me remettant à écrire lorsque les rideaux du compartiment tirés ont laissé entrer la lumière diurne. Stressé et heureux en même temps : un contentement tout intérieur, avec la sensation d'être passé à côté du pire et d'avoir été épargné.

Amitiés partagées, Daniel Martinez

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02/07/2019 | Lien permanent

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