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19/04/2014

"Roman de l'île" de Gérard Cléry

Relisant hier dans le Transilien qui me ramène tous les jours de la place d'Italie à Ozoir le malheureux Paul de Roux, que des proches me disent ne plus reconnaître, je reste quelques instants suspendu à ces quelques lignes des "Intermittences du jour, Carnets 1984-1985", qu'il publia au Temps qu'il fait en septembre 1989 : "Envie de se détendre dans le petit matin, comme on laisse aller une main dans un cours d'eau pour la rafraîchir. L'avant-soleil."

Sur les tuiles du toit ce matin, un oiseau tentait d'arracher quelques mousses sans doute, je l'entendais gratter doucement, puis mécaniquement. Un autre se loge régulièrement au-dessus de la bouche d'aération et on l'entend siffler au petit matin, de joie j'imagine, aux premiers signes du soleil. Ah oui, aller, venir par l'esprit entre dedans et dehors; "Et comme un bon nageur qui se pâme dans l'onde..." (Baudelaire), absolument, c'est d'une nage qu'il s’agit, bienheureuse. L'esprit fonctionne comme le jardin d'enfance. En se souvenant, il se transforme. Il n'élimine rien, manduque tout. La mise en scène se fait toujours au présent.

Reçu par le courrier de ce matin un recueil de Gérard Cléry le Quimperlais :

"le voyage (grand ordonnateur)
n'a plus qu'à mettre la mer en place
rendre au brasier ses flammes
sentir au bout des doigts le déroulement du fruit
restituer chaque ruelle en l'île..."

et je me replonge dans celle où j'ai vécu près de dix ans, celle de Djerba (Tunisie). Il est des liens mentaux que l'on habite à demeure, et parfois c'est exact, on cherche à se constituer un présent en manipulant des histoires anciennes. La littérature est semblable à ce jardin de mon enfance, où la mort était un morceau de la vie, à ces combats de fourmis rouges et noires sur le sable, batailles dont j'attendais vainement l'issue, avant d'être appelé au repas. Ces luttes me paraissaient interminables et je n'y voyais pas encore l'image de notre humanité, ivre de puissance, à ces conflits que Claude Simon assimilait à des désirs de bouts de terrain gagnés à l'ennemi, à des jalousies inextinguibles, des haines tenaces de paysans entre eux.

J'en suis un, pourtant... Des torches d'aube continuent de brûler dans le frêne à la fenêtre du bureau. Bleuité infinie répandue sur le ciel que je peux toucher en levant la main…

Daniel Martinez 

09:34 Publié dans Recueil | Lien permanent | Commentaires (0)

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