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02/02/2017

Melancholia

Pour Victor Hugo, « La mélancolie, c’est le bonheur d’être triste ». Sans parler de l’humeur noire (la mélaina cholè), l’ambivalence est la force de la mélancolie, elle est notre pierre philosophale. Saturne, chassé de l’Olympe, retrouve sur l’île des Bienheureux un âge d’or, celui de la connaissance de soi, de l’accomplissement, de la sagesse. Ainsi, d’un don des dieux, nous sommes passés à une quasi pathologie, la musique s’en moque bien, qui en est l’expression sublimée, la plus ancienne, la plus populaire (fado, flamenco, blues, bossa nova, tango…). Mais voilà, elle est devenue, cette Melancholia, sous la plume de Nerval, un soleil noir, alchimique, qui le conduira jusqu’où l’on sait.

La mélancolie ne serait-elle pas, à bien y réfléchir, le moteur du génie humain, et, en tant que telle ne serait-elle pas vitale ? C’est ce qu'il me semble : précisément, une manière de ne plus abdiquer devant le monde, ses grandes lames sous-jacentes. Une manière de faire la lumière en soi, en se plongeant dans l’anonymat du vieux sang qui bat en contre-haut de toute vie. Il s’agirait bien de retrouver, au bout du compte, le vrai visage que j’aurai tenté de ne jamais totalement démasquer. La rumeur au loin d’un nuage, les coups d’aile de la lumière quand le regard sur soi, essentiel, joue de la mémoire et de l’oubli, élargit la poitrine et la cadence s’accélère.

Pour Mo Yan, son « cœur en fut comme martelé par les sabots d’un petit faon » : ainsi retranscrites ses premières émotions face à Perle (« Enfant de fer », éditions du Seuil, 2004). Ici nostalgie d’un premier amour oui, mais inscrite dans la même logique du revoir, déchirant l'ancien filet sensible pour restituer en soi dans toute son évidence cette expérience de la fascination. Autant qu’elle est grisante, la vie est éprouvante, les jours se présentent à nous escortés de leur clarté et de l’épaisseur de leur mystère dont la subite densité, dans tout son imprévisible, provoque la mémoire qui à son tour, par le jeu de la pensée dans son travail de cohérence transpose pour le mieux l'instant premier afin que "cela" soit. Et demeure.

Le rien ne sera jamais plus important qu’un peut-être. Et nous sommes composés de peut-être, qui s’additionnent à mesure et sont nos chiffres intérieurs, indéracinables en tant que tels. Quand la loi générale est celle d’une perpétuelle transformation, la mélancolie serait donc une manière d’exception, de sauvegarde si l’on veut, prise qu'elle est dans une vaste anamorphose. Prémonitoire tout à la fois, car elle poursuit son chemin intérieur jusqu’à l’horizon, proche et lointain (aussi lointain qu’il peut se rendre proche).

                                                                    Daniel Martinez

 

20:05 Publié dans Remarques | Lien permanent | Commentaires (0)

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