25/06/2014
Poèmes à Gaëlle II
II
Les yeux mis-clos le coeur battant
et ce petit quelque chose qui s'échevèle
à l'ombre des hauts conifères
un souffle infus, jusqu'à la lisière avec en contrebas
la lande bossuée ses haillons d'ailes
au fil desquelles renaissent de leur feu
l'une ou l'autre de ces phrases aimées
qui nous font vivre, trament le monde.
Dans l'espace d'un regard
l'aura de l'amandier en fleurs :
alors, tout alentour semble
s'effacer à mesure, dans un présent perpétuel.
D'un blanc rose, les doigts comme gouttes d'eau
traversées de lumière touchent l'air
devenu palpable, une phrase
en sa délicate alchimie
fait au-dedans son chemin.
Omnes appetitum appetitur
sub specie boni, disent les Latins
oui, tout ce qui est désiré l'est
sous l'angle du bien.
Cet adage de la théologie médiévale
a plongé mon esprit ce matin
dans l'eau verticale du Miroir.
Daniel Martinez (26/6/14)
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24/06/2014
Pierre de Ronsard (1524-1585)
Livre 1
Ode 10
Strophe 1
Errant par les champs de la Grâce
Qui peint mes vers de ses couleurs,
Sur les bords dircéans* j'amasse
L'élite des plus belles fleurs,
Afin qu'en pillant je façonne
D'une laborieuse main
La rondeur de cette couronne
Trois fois torse d'un pli thébain,
Pour orner le haut de la gloire
Du plus heureux mignon des dieux,
Qui çà-bas ramena des cieux
Les filles qu'enfanta Mémoire.
Antistrophe
Mémoire, reine d'Eleuthère,
Par neuf baisers qu'elle reçut
De Jupiter qui la fit mère,
D'un seul coup neuf filles conçut,
Mais quand la lune vagabonde
Eût courbé douze fois en rond,
Pour r'enflammer l'obscur du monde,
La double voûte de son front,
Mémoire, de douleur outrée,
Dessous Olympe se coucha
Et, criant Lucine, accoucha
De neuf filles d'une ventrée,
Epode
En qui répandit le ciel
Une musique immortelle,
Comblant leur bouche nouvelle
Du jus d'un attique miel
Et à qui vraiment aussi
Les vers furent en souci,
Les vers dont flattés nous sommes,
Afin que leur doux chanter
Pût doucement enchanter
Le soin des dieux et des hommes.
Pierre de Ronsard
* de Dircé, la fontaine de Pindare, près de Thèbes
Ronsard, né au château de la Possonnière en Vendômois, ne put poursuivre, en raison de sa surdité, la carrière qu'il avait commencé comme page en 1536. Il entreprend alors d'être poète et, en même temps que Du Bellay et Baïf, se laisse guider par Dorat dans la découverte des lettres antiques.
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22/06/2014
Poèmes à Gaëlle
I
Sa bouche qui ne souffle mot qui vaille
est une offrande à la beauté pure,
aux chuchots des épicéas près de l'onde où celle
qui lui a donné le jour ce dix juin
ouvre vingt virelais de nacre
la comblant du lait qu’elle pressent
passe-velours auquel rien ne défaut.
Mêlant mes gestes et ma pensée
dans le ciel les lignes de ses doigts
silhouettent les premiers instants du monde
griffés de la sève des lys verts hâlés
jusque sur ma feuille, un sentier là-haut court
on ne sait trop où, et le temps sans mesure s’offre
à elle qui dans mes bras s’endort
comme à plaisir s'enfièvre le couchant
çà et là en ces lieux villageois.
Daniel Martinez (23/6/14)
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