12/07/2014
Au sommaire des "Carnets de Gilbert", dernière mouture :
– Carnets de Gilbert (1929-1944)
– Carnets d'un Personnage (1944-1960)
– Qui parle ? (1960-1964)
– J'écoute (1965)
Pour accompagner, tout d'abord une page extraite du premier ensemble :
"Derrière l'amour, derrière l'orgueil, derrière l'intérêt, le secret moteur de nos actions, c'est le désir d'être en paix, le goût du néant, qu'un homme apporte en naissant, et qui ne fera que croître jusque-là qu'il soit comblé pour toujours. Je hais cela, que toute ma vie peut-être (je le crois du moins) s'est passée à fuir. Mais comme je le comprends !
Nous portons notre vie comme une monstruosité, et n'avons de cesse que nous ne l'ayons oubliée. Seigneur, dissipez tout ce qui nous empêche de dormir : le bruit du sang, la vue des choses, et les tenaces étoiles – celles-là surtout qui nous guettent par-delà les tombes."
Et puis, pour compléter, deux pages extraites de "Qui parle ?" :
"Mais il y a les instants de grâce, toujours imprévus. Je me suis trouvé sur la côte, ce matin, à l'heure où la marée d'équinoxe dénudait autour de l'île une immense étendue rocheuse. Dans les trous, entre les sombres lueurs des varechs : de minces miroirs, d'un bleu d'argent, si purs que j'en étais ébloui. Mais plus loin, c'était le bleu apaisé des grandes eaux ; à l'horizon, la vague blondeur du continent ; blond aussi, le ciel sur ses bords, mais passant, à mesure qu'il montait, par d'imperceptibles dégradations, jusqu'à un bleu souverain, de sorte qu'il unissait tout, que toutes choses semblaient formées d'un même élément, et que je ne voyais plus qu'un seul et merveilleux visage. Je m'y suis offert, je l'ai reçu en moi, aucun de ses traits qui ne me fût une atteinte, mais la plus douce, et je ne savais qui remercier de ce don.
J'en ai remercié, faute de mieux, le destin qui a fait de moi cette façon d'homme, ce vivant qui ne sait pas vivre, qui s'est partout déchiré, mais en qui la grâce, quand elle vient, épouse exactement les meurtrissures."
Marcel Arland
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