31/08/2015
Dario Bellezza (1944-1996)
René de Ceccaty nous parle aujourd'hui d'un poète italien, Dario Belleza :
Entré en littérature à l'âge de vingt-sept ans avec des Invectives et Licences (Garzanti, 1971) typiques de son tempérament violent et vibrant, Dario Belleza était une figure exceptionnelle de la poésie romaine. Romaine, plus qu'italienne, car il n'avait jamais quitté la capitale, où il était né en 1944.
Dario Belleza a abandonné le monde sur une pirouette, après avoir suscité une très vive polémique où les noms les plus divers de la littérature italienne s'étaient associés pour le soutenir. Lui, le marginal impénitent, réclamer son droit à l'aide de l'Etat ? Dario Belleza, atteint du sida, était dans une situation financière désastreuse. La loi Bacchelli, créée pour venir au secours des écrivains nécessiteux, tardait à lui être appliquée, et seule une pétition largement médiatisée a réveillé la torpeur de l'Etat.
Accueilli par un parrainage à sa mesure, celui de Pasolini, Dario Belleza avait signé des recueils sans concession dans leur ton et dans leur style. D'une facture classique et limpide, ils étaient pour la plupart inspirés par ses amours difficiles et mêlaient une langue crue à une parfaite rigueur prosodique. Ami-ennemi d'Elsa Morante, il lui avait consacré un admirable poème, Petit canzoniere pour E. M., peu après la mort de la romancière, puis un roman, L'Amour heureux (Rusconi, 1986, Salvy, 1990).
Dès la parution de son roman Il Carnefice (Le Bourreau), en 1973, Pasolini avait perçu d'émouvantes contradictions chez Belleza, qui désirait simultanément condamnation et absolution. Une incontestable proximité stylistique unissait les deux poètes. "La vie est donc magma", écrivait à son propos Pasolini, hanté personnellement par ce thème.
L'assassinat du poète-cinéaste obsèdera Dario Belleza, qui publiera à ce sujet deux récits : Mort de Pasolini (Mondadori, 1981, Persona, 1983) et Turbamento (Trouble, Mondadori, 1984). "Le passé était passé, le présent invivable ; il ne pouvait pactiser avec lui ; la mort était l'unique sortie de secours, depuis que le sentiment de sa jeunesse enfuie avait recommencé à le tourmenter. (...) Retrouver ces jours, désormais vides et disparus, n'était plus possible, et Pasolini marchait maintenant dans un désert sans hallucination."
Bien que seuls deux récits aient été traduits en français et que Belleza soit aussi romancier (Lettere da Sodoma, Garzanti, 1972, et Angelo, Garzanti, 1979) et dramaturge, c'est essentiellement comme poète qu'il s'est affirmé en Italie où il avait obtenu le prix Viareggio en 1976 pour Morte segreta (Garzanti). Paraphrasant Oscar Wilde, Belleza écrivait :
"L'amour tue ce qu'il aime :
tu ne sais pas qui l'a dit, toi
lointain dont le souvenir ou la mémoire
m'assassine, me rend insensible
et repu d'événements ; quelle autodestruction
sera la première, la tienne ou la mienne ?
criais-tu..."
(Libro di poesia, Garzanti, 1990, cité dans l'anthologie Lingua, Le Temps qu'il fait, 1995). Dario Bellezza poursuivait une oeuvre d'autant plus assurée qu'elle était ironique.
René de Ceccaty
17:03 Publié dans Poésie italienne | Lien permanent | Commentaires (0)
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