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18/08/2016

"Baudelaire", de Claude Pinchois et Jean Ziegler, éd. Julliard opus 2

Dès 1840, entre Baudelaire et Aupick, la guerre est déclarée. Le général décide d'envoyer son beau-fils sur un bateau qui part pour l'Inde afin qu'il puisse "rentrer dans le vrai et nous revenir poète peut-être, mais poète ayant puisé ses inspirations à de meilleures sources que les égouts de Paris". Débarqué à l'Ile Maurice après trois mois de voyage, Baudelaire n'a qu'une idée en tête : rentrer à Paris. Le capitaine, navré, fait son rapport au général : "Rien dans un pays, dans une société, tout nouveaux pour lui, n'a attiré son attention, ni éveillé la facilité d'observation qu'il possède." En août 1842, Baudelaire atteint sa majorité. Il devient maître de sa fortune : il achète du mobilier, des objets d'art, et entretient sa maîtresse Jeanne Duval. Il engloutit en quelques mois près de la moitié de sa fortune. Sa famille choisit les grands moyens : elle réclame auprès d'un tribunal que la prodigalité de Charles soit établie et qu'il soit pourvu d'un "conseil judiciaire". C'est chose faite en 1844.

Pendant plus de vingt ans, le notaire Ancelle exercera sa tutelle financière sur Baudelaire reconnu irresponsable. La même année, il contracte la syphilis, dont il se croira vainement guéri quelques mois plus tard. Il commence à écrire des vers qu'il ne publie pas. Le "culte des images" est alors "sa grande, son unique, sa primitive passion", comme il le proclame dans Mon coeur mis à nu : il projette un traité de théorie esthétique qui ne verra jamais le jour, sauf à l'état de fragment dans le Salon de 1845. En juin 1845, il tente de se suicider d'un coup de canif : "Je me tue - sans chagrin. (...) Je me tue parce que je suis inutile aux autres - et dangereux à moi-même. - Je me tue parce que je me crois immortel, et que j'espère."

Il en réchappe et coupe les ponts avec sa mère pendant quelque temps. En 1847, il découvre Edgar Poe, à travers qui il aura la révélation de lui-même : "Il y a des destinées fatales, il existe dans la littérature de chaque pays des hommes qui portent le mot guignon écrit en caractères mystérieux dans les plis sinueux de leurs fronts. (...) On dirait que l'ange aveugle de l'expiation s'est emparé de certains hommes, et les fouette à tour de bras pour l'édification des autres". Le guignon de Baudelaire, son châtiment fut ce qu'il désigna lui-même comme son "oisiveté" : "Supposez, écrit-il à sa mère, une oisiveté perpétuelle commandée par un malaise perpétuel, avec une haine profonde de cette oisiveté, et l'impossibilité absolue d'en sortir, à cause du manque perpétuel d'argent (...)".


                                                                         Michka Assayas

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17:00 Publié dans Critiques | Lien permanent | Commentaires (0)

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