17/10/2015
« L’Age d’argent », décrit par Anastassia Tsvétaeva (1894-1993), opus 2
Presque centenaire, Assia précisa la méthode choisie : "Reprenant tout à zéro, comme si je tenais la plume pour la première fois, pénétrant à chaque ligne dans ce qu'on appelle l'art de l'écriture qui est une simple confiance envers le don que l'on a reçu, une écoute de la façon où naît et s'entrelace avec des mots tous semblables ce feston du thème donné dont il est impossible de s'écarter ; le chemin est unique, même s'il emprunte un courant inattendu, un virage. La plume suit un ordre intérieur, et cet ordre émane de sphères où les capacités de l'homme sont accompagnées de bienveillance, à condition que l'homme ne tombe pas dans l'autoséduction..." (1990)
Pas de risque de dérapage tout au long du millier de pages de ce texte magistral, témoignage captivant sur un monde perdu où la distance est toujours idéale. Avec en prime la marche jumelle des deux soeurs dont le rappel de l'âge, en fin de chapitre, scande le parcours. Que la jeune Moussia chute et se fende le crâne ("J'ai peur", commente laconique la cadette), qu'Assia joue, espiègle, à réciter à haute voix dans le tramway un poème symboliste de Valéri Brioussov, ayant reconnu d'après ses portraits l'homme de lettres parmi ses voisins, que les jeunes filles enfreignent les ordres de leur père, lorsqu'il leur interdit de se rendre aux funérailles du grand Tolstoï, susceptibles de dégénérer en affrontement avec les troupes du tsar, ou qu'elle retouche la version burlesque donnée par sa soeur de l'inauguration du Musée des beaux-arts de Moscou dont leur père est responsable.
Si l'on croise aussi Mandelstam, entrevoit la bascule des années 1920-1930, glisse sans pathos sur la terreur qui les obscurcit, c'est qu'Assia reste la disciple de Moussia qui abandonnait à 17 ans - revenue de Paris où elle avait rencontré Sarah Bernhardt, créatrice de L'Aiglon de Rostand, que Marina avait traduit en russe - un cahier qui s'achevait sur ces lignes programme : "Que le jour passé soit une légende / Que chaque jour soit une folie !..."
Philippe-Jean Catinchi
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