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22/10/2015

Un conte d'Estelle Folscheid

Trouble

Il m'a laissé entendre que je n'attendrai pas. Il m'a prise-dans-ses-bras. Il m'a serrée ni fort ni pas. Je n'ai pensé à rien lui ! Je n'ai rien forcé ni...

J’étais dans ses bras. Il était parfumé. Ça me suffisait comme éternité. Trou bleu sous mes pas. Pieds. S’aimer « même pas peur » je te crois.

*

S’aimer « même pas peur », tu n’as qu’à m’aimer je saurai garder le secret, volupté, qui nous fera comme tu dis je te crois tu te crois, qui nous fera comme tu dis prendre soin de nous fera je te crois, comme tu le dis, vivre l’amour, et je ne te croirais pas ?

*

Mais nous continuâmes à nous questionner :

— « Nous sommes fous »

Qu’est-ce qu’on risque ?

— « Tout »

Nous allons risquer
la déception la mauvaise renommée la destruction de l’autre amour qui nous tient chacun d’un autre côté qui nous tient debout qui nous fait noble et bleuté tu m’as fait l’amour avec les yeux ne dis pas non c’était délicieux.

*

— « Tu vas être déçue. Je vis à l’étroit. J’ai trouvé une tranquillité. Je suis bien comme ça »

Moi je suis vaste oh tu verras ! Et quand il m’a regardé de ses yeux doux papillonnés j’ai dit « ne me regarde pas comme ça » violemment sans y penser sans le vouloir je préférais qu’il me regarde mais ne me regarde pas comme ça, pourquoi, parce que je suis émue, émue comment, dans le corps le cœur le ventre, tu es touchée, oui touchée, là ?

. Tu comprends ?

*

 — « Tu comprends bien qu’étant donné ma situation… »

Je comprends bien qu’étant donné ta situation
tu ne peux pas ne veux pas m’afficher t’afficher m’aimer nous aimer au jour au grand jour au grand air en plein jour au jour le jour. Ça va être salé ne se voir qu’entre des murs fermés quand tu dis que c’est plus joli caché tu te crois ? Oh je ne demande pas à être placardée — mise au placard rangée nettoyée en vitrine paradée lustrée dans ta devanture sur ton tapis rouge quand tu marches, dans la ville.

*

A la porte il ne m’a pas prise-dans-les-bras cette fois ce serait je savais pour une autre fois une autre fois la fois prochaine la très prochaine, où il ne se contenterait pas de mes bras je crois.

*

Oui bon ben tu me manques voilà c’est gagné. Je n’ai pas arrêté arête dans la gorge de percer à toi je suis transpensée la nuit le jour à mon travail à mon orée auprès des arbres… Je ne marche plus tranquille dans la ville. J’ai l’espoir l’envie l’ardeur l’angoisse de te rencontrer. Je rôde. Dans l’attente l’espoir l’envie du rodéo de tes côtés sur mon dos. Arrête dans ma gorge de gigoter comme ça !

*

— « Je suis à un âge… »

Oui, c’est le gigotâge !

J’ai peur tu sais ta fragilité ma fragilité il faut que je m’y fasse grand bien me fasse tes mains si fines et de loin tu paraissais plus large que Dieu te bénisse et toi vraiment tu n’as pas la trouille bleue comment ça fait « même pas peur d’aimer » en vrai ?

*

Je n’aurai pas l’impression d’être sacrifiée je n’aurai pas l’impression d’être cachée je n’aurai pas l’impression d’être malaimée tu n’as qu’à m’aimer. « Même pas peur » je saurai garder le secret volupté.

*

Mais ma si trouille bleue est longue à rougir à cuire à chauffer comment ça fait « même pas peur d’aimer » en vrai tu t’inquiètes. Toi la pensée qui gigote tu me la vois gigoter et tu prends mes mains pour que je danse tu me donnes chaud pour que j’en lève mon pull « assume tes fantasmes », je fantasme trouble et toi…

*

— « Dis ce que tu as à dire »

C’est énorme pour moi tout cela

— « Dis ce que tu as à dire »

J’ai besoin de temps

— « Dis ce que tu as à dire »

J’ai dit

— « C’est peut-être déjà trop là »

*

C’est trop. Trop : tard. Au risque de s’aimer on va trinquer mon cœur alors je demande on peut se serrer j’ai demandé on s’est serré j’ai pas eu peur tu vois c’était tellement sentir ton souffle c’était tellement si près partout et mon souffle dans ton cou qui pique pas tellement qui pique tu dis j’aime ce cou qui pique je le console doucement tu étais parfumé ça me suffisait tellement.

*

A la fin de l’histoire bien : trop tôt-trop

j’ai un trou à la place du cœur un trou là sans fond sans couleur. Mon serrée-dans-les-bras fabrique d’autres couteaux dans et sous la gorge des couteaux pas pour moi cette fois, moi tu m’as déjà, dans une forge d’où il revient comme neige les couteaux pour ouvrir une autre bleue, une autre oie pas moi, moi tu m’as déjà trouée même pas mal.

*

« Même pas peur d’aimer » je te croâ fait ma gorge rouge bée après toi.

 
                                                                                         Estelle Folscheid

16:33 Publié dans Contes | Lien permanent | Commentaires (0)

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