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08/12/2018

Léon-Paul Fargue (1876-1947)

Il y a quelque chose de délicieux dans l’œuvre de Léon-Paul Fargue, irréductible à toute analyse moderniste de la langue tant elle échappe aux modes et vaque à ses pratiques clandestines. Approchez-vous, enfants du siècle et théocrates de la révolte à cent sous, écoutez le poète vous dire, dans la désolation du soir et ses odeurs subliminales, que l'homme est l'objet de son propre bonheur, pourvu qu'il sache regarder plus loin que l'ombre portée de ses pas. L'écriture ressortit à l'invraisemblable. La vie banale, dans sa romantique ruralité, en reste aux sortilèges des longs jours de pluie et pousse le Désir à toutes mains jusques aux culs-de-basse-fosse. Oui, approchez-vous plutôt, bonnes gens de tous horizons et voyez comme le peintre ci-devant aura mouillé l'extrémité de ses pinceaux d'une salive créatrice :

Poëmes


Dans la rue qui monte au soleil morne et grand ouvert, des voix conseillent qu'on s'accoude aux fenêtres, pour voir passer des trains de luxe, au bord du ciel, à droite, par-dessus les arbustes du jardin de la gare. Un train écume et se rendort. Des musiques diffuses rôdent. La vie antérieure émerge et chuchote.

Villes de songe, lorsqu’on pense à vos noms plaintifs, on prête l’oreille. Il semble que des voix longues vous hèlent par-dessus les barrières et les chants des âges, et que des odeurs, comme des veilleuses, et que des fougères d’étoiles s’allument… Il semble que vos ruines tremblent sous leur châle de lune, et que l’horizon bouge, au plus profond des nuits repues de silence, d’une lente pluie de larmes…
Mais j’en sais bien plus de cette pauvre ville… Vous venez comme moi, sans doute, sur une place, y chercher le spectre d’un vieil amour ? Dans les Forges couchées à l’Est, aux corps de femmes nues et rousses, des formes se hâtent avec une sûreté ancienne. Les Hauts Fourneaux des Bieulles flambent. Depuis le canal d’or où l’écluse trempe solidement dans l’émail chaud, jusqu’à l’horizon lourd, barré des sourcils des stratus, où se terrent d’autres songes, l’allée des peupliers rame sans frisson, comme à la parade et d’un geste infini…


Léon-Paul Fargue
(éd. Gallimard, 1926)

19:28 Publié dans Auteurs | Lien permanent | Commentaires (0)

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