22/07/2019
Mes lectures estivales : "Amyntas", d'André Gide, éd. Gallimard, 1926
En ces temps-là (27 février 1926), Gallimard éditait des livres de petite taille (10 x 15 cm) et j'ai toujours dans mon bagage ce qui me vient de si loin, d'abord Amyntas, d'André Gide, sous couverture bleue & tiré à 500 exemplaires ; le second opuscule, Dialogues avec le corps endormi (1925), de Jean Schlumberger. Soit dit en passant, deux amis de longue date. Ce sont des membres fondateurs de la NRF que j'évoque ici. En vous faisant partager ma lecture du jour, Amyntas, un recueil de Gide. Amitiés partagées, Daniel Martinez
Alger (Fort National)
Vendredi 15 octobre 1903
Jardin d'Essai, le soir. Allée de bambous déjà sombre... Je m'y suis promené le soir, à l'heure où, dans l'avenue des platanes, à peine on distinguait du tronc des arbres l'épais enveloppement des lianes... Je retourne au Gruber*, où j'écris ceci. Je vais dormir.
Mais j'aurais vu, géantes, ces ipomées dont tu parlais. Tiges volubiles, fleurs violet pourpre ou plus pâles, qui font face toujours ; leur couleur froide peut éblouir... !
Des lontanas géants ; des lauriers-roses ; des hibiscus, feuillage glacé vert, fleur cramoisie... Dormir.
Samedi
Trente-neuf degrés à l'ombre. Il n'a pas plu depuis six mois.
L'étrange, l'exténuant, c'est qu'il fait plus chaud la nuit que le jour. Car, le jour, si l'on a le soleil, on a l'ombre, et qu'un souffle par instants vient rafraîchir. Mais, passé six heures du soir, le vent tombe ; une égale obscure chaleur s'établit. Tout prend soif. On songe à se baigner, à boire. On se dit : je ne pourrai pas dormir cette nuit ; et l'on rôde. Le ciel même est impur ; sans préparer aucun orage, ce sont des ternissures de chaleur qui font songer, au-delà du Sahel favorable, au continent énorme embrasé.
Je bois, je bois ! Comme je bois !!
Je sue, je sue ! Comme je sue !!
Je songe aux oasis flétries... là, j'irai ! - Oh ! soirs confus et ternes sur leurs palmes !
Je n'ai pu découvrir encore d'où montait ou tombait cette odeur de santal, qui flotte sous les branches du square, vous enveloppe et vous emplit.
Une heure avant le coucher du soleil, d'invisibles oiseaux, dans les ficus du square, commencent un criaillement si aigu que l'arbre tout entier en est ivre...
André Gide
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* taverne d'Alger
11:34 Publié dans Journal | Lien permanent | Commentaires (0)
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