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29/10/2019

A bâtons rompus

Discussion avec Pierre Dhainaut, ami de longue date, fidèle de Diérèse (pour autant, nous nous sommes toujours vouvoyés) autour du numéro 30 de Poésie 1, (nous étions en février 1973) une livraison consacrée aux "Poètes du Nord", vendue deux francs, où il figurait au sommaire, avec quinze autres poètes. Pierre y regrettait l'absence de deux poètes pressentis, J.L. et J. P. L'un parce qu'il ne jugeait pas sérieuse cette publication, le second pour de plus obscures raisons, de celles qui lui valurent un jour d'être éconduit sans autre forme de procès par la NRF, où il tenait chronique. Me laissant entrevoir le dessous des cartes, en quelque sorte... Par parenthèse, il est vrai que, si louables soient ses visées, Poésie 1 se permettait alors d'insérer des publicités qui n'avaient rien à voir avec le sujet (flashes sur la "Lainière de Roubaix", les "Draps Agalys" ou telle publicité immobilière...). Passons. Car au final, c'étaient des revues relativement ouvertes, moins tributaires des subsides publiques ; et plus durables dans le fond.

En page 46, on y voit Pierre Dhainaut photographié par Ralph Delvalle ; mais aussi, surtout dirai-je, un poème de jeunesse, un texte dont je vous donne lecture plus bas, extrait d'un recueil alors inédit : "Le Recommencement". Pierre avait déjà publié dans les revues La Brèche (revue surréaliste née en octobre 1961, dirigée par André Breton), Les Cahiers du Sud, Le Nouveau Commerce, Cahiers internationaux de Symbolisme, Gradiva, Sud, L'Herne, Le Journal des poètes. De ses livres parus à ses tout débuts, je retiens, au fil de l'eau : Secrète lumineuse (La Salamandre, 1963), L'Impérissable (H.C., 1963), Blasons (H.C., 1969), L'Art naïf (Robert Morel, 1973) auquel répondra des années plus tard l'admirable : De grandes libertés de langage, à propos des écrits bruts (A bruit secret, mai 2001), livre enté d'un CD.
Pour l'heure, voici les lignes que j'évoquais, à la façon de notes contenues entre deux parenthèses. Aspiration toute charienne à l'élévation, portée par le langage, ce qui l'anime :


(Ce lieu réel chaque jour, puissant mais impondérable, à la fois dur, fuyant, j'ai voulu dans le poème à nouveau le parcourir, le découvrir, m'éprouver. Nord, la plaine immensément se dilue, pèse, la mer fascine et meurtrit, se donne et se ferme, les cieux pourtant recèlent, éblouissantes, des profondeurs paisibles... langage et paysage, à la fin je ne sais plus lequel est intérieur, lequel bien tangible, sur quoi mon refus porte ou ce que j'approuve, il s'agit plutôt d'une conquête à travers les choses, à travers leurs chiffres, apparences, apparitions - comme toujours, il s'agit de gagner la cime où l'on peut derrière soi laisser, d'un coup, le domaine mortel. Tout conduit à cette cime : le vent, les mots sont ainsi forces et que je capte et qui me captivent, entraînant, nouant, entraînant plus fort, jusqu'à la plénitude, enfin bondir en la création sublime dont le Nord serait non point le miroir nostalgique, et ce poème un reflet trop pâle, mais le songe impatient, la brûlure déjà. Moins qu'ailleurs, ici, l'on n'oublie ce que savait Nerval "Dans les rêves on ne voit jamais le soleil, bien qu'on ait souvent la perception d'une clarté beaucoup plus vive." Alors importent, importent peu l'oiseau, l'arbre ou la fleur, la campagne ou la rue, la mer, et ma propre parole : à tout moment je sais que j'arrive, tout me le dit, tout doit venir. Terreur et chance. Arrachements. Noces.)

 

Le Recommencement, Pierre Dhainaut

 

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03:04 Publié dans Journal | Lien permanent | Commentaires (0)

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