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27/03/2020

"Solstice d'été", de Yves di Manno, éditions Unes, 29 mars 1989

Presque toujours à l'origine de la pulsion qui te fait écrire il y a une image ou des mots, l'un ou l'autre, dont l'évidence est si forte, terrassante, que tu ne peux faire autrement que de les transcrire sur-le-champ.

Sois clair quant aux images.

A mon sens, l'apparition (purement mentale) de l'image tient au fond mythique (et/ou collectif) dont nous sommes chacun les dépositaires. Je veux dire, sans vouloir être paradoxal, que lors de l'écriture c'est le langage qui dépend le plus de l'expérience individuelle, tandis que certaines images, presque imposées, semblent témoigner d'un passé véritablement collectif. Je ne peux pas m'expliquer autrement l'émergence soudaine de ces paysages sans référents, de ces tribus, de ces visages qui surgissent de trop loin pour m'appartenir en propre. Les mots, par contre (du moins l'emploi que j'en fais) dépendent davantage de moi, de mes humeurs, de mon travail : leur choix, leur association me sont plus personnels.

Renversant ainsi la vapeur (car le langage est après tout le bien commun de tous, voire ce qui fonde un peuple, alors que les images peuvent n'appartenir qu'à un seul), j'ai l'impression de mieux comprendre l'enchaînement des faits. Ce serait le langage mon seul bien personnel, et les images qui viendraient de l'extérieur (par "extérieur" j'entends un passé lointain, humain ou inhumain - et peut-être un autre présent). Il est sûr en tout cas qu'une circulation s'opère, de l'un à l'autre, que les pages naissent sinon d'un conflit, du moins d'une confrontation entre deux domaines - intérieur et extérieur, individuel et collectif, présent et passé - quels qu'ils soient ou que l'on veuille les nommer.

Note quand même qu'il est possible que tu te trompes du tout au tout. Ne va pas énoncer tout cela comme s'il s'agissait de certitudes - alors qu'au fond tu sais ne rien savoir, sinon que même ici ton expérience est vaine, ne te permet aucunement de t'engager plus avant.

Voici quelques mois tu écrivais ceci : "L'image est-elle ce qu'il y a de plus communicable ? Dans le poème, est-ce l'image qui parle - ou les mots ? En décrivant à l'aide du langage une image mentale (et, je le maintiens, réelle) est-ce que tu t'attaches avant tout au tableau que tu as sous les yeux - ou aux mots que tu formes ? Lutte entre la fixité parfois inquiétante de l'image et la fluidité des mots qui la décrivent, tournant inlassablement autour d'elle, sans parvenir à l'effacer. Pourtant, le mouvement est parfois inversé : les mots ouvrant à leur tour sur de nouvelles images, par glissements et allitérations."


Yves di Manno

07:33 Publié dans Auteurs | Lien permanent | Commentaires (0)

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