241158

Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

15/05/2020

"Suites terrestres", de Hubert Voignier, Cheyne éditeur, février 1991, 64 pages, 1200 ex.

Extrait d'un livre qui m'a bien fait rêver, et m'a ramené en l'année 1980 : à l'escalade avec deux amis de Millau, du glacier suspendu des Écrins face Nord ; au passage de la rimaye terriblement émouvant et à l'arrivée au sommet, à une température telle que nous ne pouvions planter nos piolets à mains nues tant la glace pierreuse y était compacte, hostile absolument. (Ma jeunesse s'enfuit...) Amitiés partagées, Daniel Martinez


XVI

D'un problème concret que me posait la terre, j'ai dérivé peu à peu vers le domaine, plus imaginaire, de la mémoire. Sans doute. L'enfance, bien entendu, jardin suspendu dans la nuit refoulée de l'être - le non-sens absolu de la mort. Et puis les errances, l'irrésolution. L'âge adulte, probablement.



XVII

Mais il y a encore autre chose, de plus immédiat et de plus impérieux peut-être, dans la préoccupation obstinée de jardins suspendus, de situations géographiques extrêmes, inconcevables. Impossibles demeures qui me réjouissent en dépit de leur précarité, leurs symbolisme obscur : qui m'encouragent. Ainsi, je ne peux réprimer une joie singulière à l'idée notamment de glaciers en équilibre entre des barrières rocheuses ou de brèches, de cols, réputés difficiles d'accès. Les cartes de haute montagne, consultées par simple distraction bien souvent, me révèlent dans l'abstrait l'existence de glacier suspendu, glacier de la nacelle, col infranchissable, etc., situés quelque part, en un massif abrupt, défendu, du relief. Et je ne parviens dès lors à me défaire de l'attrait qu'exercent de tels lieux inaccessibles, telles exceptions, sur ma pensée. Je ne suis occupé, longuement, que de leur appréhension et de leur salut. Je pars à leur recherche et je rêve, je rêve d'une autre plénitude qu'ouvre leur présence indemne - leur champ libre - dans le vide. A la limite, la terre ne m'intéresse plus, ni les arbres, ni les jardins... Je ne convoite plus qu'une zone idéale, absolue, entre le monde et l'impossible. Une frontière, un carrefour où se résolvent - comme au sommet d'une montagne - les contradictions de la matière, les extrêmes. Peut-être, une preuve de l'infini, par-delà l'image même de la fin, le recommencement du désert. Comme le semblant d'une autre ère.

 

Hubert Voignier

08:00 Publié dans Auteurs | Lien permanent | Commentaires (0)

Les commentaires sont fermés.