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07/06/2020

"Je connais des îles lointaines", Louis Brauquier, éditions La Table Ronde, mai 2018, 576 pages, 10,50 €

Ce soir, je suis vivant parmi des millions d'hommes,
Dans un port chinois abandonné des vaisseaux.
Je voudrais que mon chant vous parvienne anonyme
Et touche doucement des amis inconnus.


Ce soir, je suis vivant dans une cité chinoise ;
Le ciel noir est rempli de funestes présages.
J'écris à la clarté jaune d'une lampe
A huile, dont jadis se servait un vieux sage.


Sans doute, fumait-il l'opium sur sa couche
Dans sa chambre fermée aux clameurs de l'Empire,
Au fond d'un yamen, dans une rue étroite
D'une ville murée oubliée des soldats.


J'ai remplacé la mèche et renouvelé l'huile,
Mais la lumière est là et sa douceur fidèle,
Et j'ai mon opium plus pur et plus tenace
Et le rêve de l'homme est plus grand que le ciel.


Car j'ai compris, mon Dieu, qu'il n'y a rien à comprendre,
Que tout se contredit, qu'il est vain d'espérer,
Qu'il est vain de connaître et qu'il est vain de naître
Et que l'homme conçu vous l'avez condamné.


Le malheur et la mort hésitent à ma porte,
Mais pour combien de temps ? Reviendrai-je dormir
Au pied de mes cyprès, ou le fleuve sans bords
Qui roule, excrémentiel, mille et mille destins
Confondus, ignorés et toujours pathétiques,
Sous l’œil indifférent des phares que j'aimais,
Me dispersera-t-il aux mers asiatiques ?


L'homme, plus que jamais nu et désespéré,
Veut compter son avoir, voit s'échapper son âme,
Et des illusions qui le gardaient en vie
Ne retient dans ses mains qu'un souvenir d'enfant.

 

Mars-septembre 1944.
Louis Brauquier

05:22 Publié dans Auteurs | Lien permanent | Commentaires (0)

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