28/06/2020
"Alentejo", de Eugénio de Andrade, traduit par Christian Auscher, éditions Michel Chandeigne, août 1989, 265 exemplaires, 28 pages
A São Gregório, village peu éloigné d'Estremoz, mais d'accès difficile aux automobiles de qualité, vit un homme qui abandonna son troupeau il y a quelques années, pour les gouges du sculpteur. Il se nomme Manuel Capelins et son village n'en est pas un : sept feux en tout et une petite chapelle, plus grande cependant que sa maison où vit notre artiste. Tout autour, l'Alentejo classique de la fin juin : champs secs et dorés, étendues de chênes-lièges plus gris que vert, deux ou trois oliviers penchés sur les maisons et les murets, quelque rosier d'Alexandrie entouré de pieds de coriandre. A l'horizon dénudé, où même les hommes quand ils surgissent semblent sidérés, le profil bleuté de la proche Serra d'Ossa. Contre le mur de la maison, où on distingue malgré la blancheur la trace luisante et capricieuse d'un escargot, une petite chaise paillée. C'est là que s’assoit Manuel Capelins pour donner corps à son imagination peuplée d'oiseaux et d'étoiles, de soleils et de lunes, de feuilles et de fleurs, de chèvres, bœufs, serpents, et d'hommes - quand tout ne s'achève pas en pure arabesque, car l'espace vide autour d'une symbolique si ancienne n'en demande pas davantage.
Eugénio de Andrade
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