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11/02/2021

"Bobin-Boubat - Donne-moi quelque chose qui ne meure pas", éd. Gallimard, 116 pages, 175 F.

Cet opus de Christian a connu deux éditions, la première en décembre 1995, la seconde en octobre 1997. Une couverture cartonnée, un livre au format 235 x 285 mm, le tout en noir et blanc. Ouvrage à l'heure actuelle épuisé et qui suscite les enchères, d'abord chez les grossistes de la littérature, toujours à l'affût. Surtout ce qui nous importe, c'est bien le texte, c'est bien l'auteur, son message, et le voici :

"Je suis vivant.

Je suis vivant à l'heure où j'écris cette première phrase et vous êtes vivant à l'heure où vous la lisez. D'autres heures suivront, jusqu'à l'heure où je ne pourrai plus écrire cette phrase et où vous ne saurez plus la lire. Oui, d'autres heures viendront, nécessairement. Ne nous en soucions pas. Pour l'instant, avec nos yeux éphémères, avec nos âmes passagères, saluons-nous, moi en écrivant, vous en me lisant. Boubat passe son temps ainsi, à saluer de jeunes lumières un peu partout sur la terre. Saluer cette vie qui, d'heure en heure, s'apprête à nous quitter, est marque de courtoisie. L'amitié de ce salut fait la terre douce au pas, légère au songe.
Parce qu'il est photographe, il ne faut pas imaginer Boubat un appareil entre les mains, en proie à l'obsession de l'image prochaine. Il faut l'imaginer mains nues, sommeillant comme un chat sur la banquette d'un train qui traverse la Russie, à l'arrière d'un autobus jaune poussin sur les routes du Brésil, ou sur une chaise vert pomme dans le jardin du Luxembourg. Appuyer sur la touche de l'appareil, cela n'a rien de sorcier. Ce qui est mystérieux, ce n'est pas ce que nous faisons, c'est ce que nous nous abstenons de faire - cette vie immobile dont notre vie agissante n'est que l'escorte un peu bruyante. Tout vient de là. Tout sort de ce temps silencieux, de ces heures négligées et de cette vie blanche. Tout en sort comme le diable de sa boîte - la justesse, la beauté et l'amour."


Christian Bobin

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