08/06/2021
"Dans une phrase s'écriant...", par Patrick Casson, 4 bois gravés de Luc Ernault, éditions Brandes, 1er mai 1989, 60 exemplaires, 32 pages
à Philippe Denis
1
Plus haut que le cri, voyelle
déchirée aux branches du vent,
est la source du cri, enténébrée
sous le roncier des ans, et tarie
- bleuâtre, la mémoire s'écaille :
à mes lèvres, copeaux poudroyants,
ô noires images rognées du froid,
je veille dans l'insomnie du cri.
2
N'éveille pas la maison orpheline
son retentissement dans l'obscur
du soir, ni l'entaille assombrie
des chemins que les orties rongent,
au secret du cœur. Et des branches
se courbent sur l'oubli de l'oubli
dans plus de nuit sur tant de nuit
chue, où le pas heurte sur l'absence.
3
Et la voix cherche encore au-delà,
voyelle morfondue, du cri ahané,
et dans l'étoffe lacérée du cri,
quelle couleur, en toute parole
qu'une langue profère, élidée -
ce haillon de mémoire que ravaude
l'oubli. Dans l'obscur du cœur
ânonnant, en cette phrase encore.
Patrick Casson
Jean-Claude Pirotte, lavis et gouache sur Arches
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