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24/05/2014

Pascal Ulrich : au tout (autour) du mouvement

       Pascal Ulrich dans ses oeuvres, photographié chez lui en décembre 2002, devant l'une de ses laques grand-format, par le peintre et revuiste Philippe G. Brahy, alors en visite à Strasbourg :

PHOTO ULRICH.jpg

   toucher au réel, ce serait toucher à l'inadéquation de l'écriture, à l'inadaptation ou à l'incapacité de la langue (d'en rendre compte), à la limite des sens (ou du sens) ? DM

L'un des dessins qui accompagnait cette photographie : 

DESSIN ULRICH.jpg

oscillations du niveau de l'eau, épaves tour à tour rejetées, ou empêchées, recouvertes par la vase, sous un ciel bleu sans pareil et sous le feu toujours vif d'un âge d'or, seule demeure l'énigme du paysage. DM 

 

07:20 Publié dans Arts, Auteurs | Lien permanent | Commentaires (0)

22/05/2014

"Sombre comme le temps" d'Emmanuel Moses

   Reçu par le courrier de ce jour : "Sombre comme le temps", des éditions Gallimard, le dernier livre paru d'Emmanuel Moses. Surtout, n'oubliez pas de vous reporter aux poèmes de qualité qu'il a confiés à Diérèse, d'abord dans le n°58, car 4 poèmes ont été ici repris - puis, dans le n° 62.

Dans l'anthologie de Jean Orizet : "Les aventures du regard, Des poètes et de la poésie", publiée en octobre 1999  par Jean-Pierre Huguet, on peut lire, à propos de l'auteur de "Comment trouver, comment chercher" : "... le lecteur est frappé par le ton singulier de cette poésie où le détachement le dispute à l'humour. Avec certains des poètes évoqués plus haut on pourrait croire qu'Emmanuel Moses fait sien ce mot d'un aîné Cocteau ? : "Je sais que la poésie est utile à quelque chose, mais je ne sais pas à quoi.".

Dans "Sombre comme le temps", c'est très attentivement que j'ai lu ce poème de la page 39, intitulé : Ce qu'est la poésie : "On m'a demandé d'expliquer ce qu'est la poésie / J'ai cherché dans les livres / J'ai cherché dans mon coeur battant /... Il m'est revenu à l'esprit une exaltation ressentie autrefois dans une forêt / Sur le flanc d'une puissante montagne / Cette exaltation n'était pourtant guère la poésie / J'ai allumé une cigarette / J'ai bu un peu d'arak de chez nous / Et alors que j'étais en train de renoncer à pouvoir expliquer la poésie / Le soleil de l'après-midi a touché un pan de mur / Un orchestre tzigane est passé dans la rue / Il a fait froid autour de moi à cause d'un courant d'air / Le téléphone muet depuis le matin a soudain sonné / Et tout cela était parfaitement la poésie".

... Tout est dit là, ou presque, du surgissement du poème, arbitraire par essence. Reviendrait-on, attentifs aux griffures de l'être, à l'idée que "La poésie fait mal" (Michel Deguy), quand en fait elle panserait les plaies infligées par le monde, comme au chant de la langue dans ce début de siècle barbare, il n'est jamais certes de fonction attitrée au poète pas plus qu'à la poésie, mais toujours, comme point de départ, une nécessité, façon pour moi de prendre le contrepied d'Alain Jouffroy. Ce médium n'est pas fait de matière, mais il est issu de la vie même, dans ses manifestations les plus anodines ; de tout ce qui l'environne, qui la visite, ici et là son enchantement.

Au vrai, le poète est celui qui sort du cadre, pour y convier le lecteur s'il se peut ; et redonner au temps compté la part qui lui échappe dans notre quotidien.       

                                                                                     Daniel Martinez

Sombre comme le temps, poèmes, éditions Gallimard, 120 pages, 14,50 €

07:00 Publié dans Auteurs | Lien permanent | Commentaires (0)

14/05/2014

Boris Cyrulnik, un spécialiste d'éthologie humaine

Vous donner à lire aujourd'hui des propos pertinents à tout le moins, de Boris Cyrulnik, interrogé par Pierre Le Hir :

"Notre chrysalide à nous, c'est la parole"

Vous êtes neuropsychiatre, familier de la psychanalyse, et vous enseignez l'éthologie humaine à l'université de Toulon. Comment êtes-vous venu à cette discipline ?

Je me suis passionné, durant mes études de médecine, pour les expériences d'Harry Harlow sur les macaques. Cet Américain avait montré, en 1958, comment les nouveau-nés, lorsqu'ils étaient soumis à un stress, se réfugiaient contre un leurre maternel en feutre plutôt que contre un leurre en fil de fer portant un biberon. Cela prouvait que ce n'est pas l'alimentation qui fonde l'attachement à la mère, mais le contact physique doux et sécurisant. Ma voie de recherche était trouvée. J'ai alors commencé, non pas à extrapoler aux hommes les conclusions des observations sur les animaux - ce serait l'opposé de l'éthologie humaine -, mais à appliquer les méthodes éthologiques à cette étrange espèce que sont les humains.

Quelles sont vos méthodes ?

L'éthologie est une méthode expérimentale d'observation extérieure, une sémiologie du comportement, qui ne s'oppose nullement à l'observation de l'intérieur par le travail de la psychanalyse. Darwin en avait posé les bases dès le milieu du XIXe siècle, en proposant un raisonnement "évolutionniste". Cette notion de "devenir", reprise par Freud, achangé le regard porté sur l'homme, notamment en psychiatrie. Au départ, ce sont les spécialistes animaliers qui ont apporté à l'éthologie humaine des dispositifs expérimentaux et des hypothèses issues de la théorie de l'évolution. On sait par exemple qu'il existe chez les oiseaux des différences de chant liées non pas à l'espèce mais au groupe (la trille du pinson anglais n'est pas tout à fait la même que la trille du pinson français), qui s'expliquent par une adaptation à des milieux particuliers. On peut penser que de tels phénomènes d'adaptation sont encore plus nets chez les humains, dont les apprentissages cognitifs se poursuivent tout au long de la vie. Aujourd'hui, l'éthologie humaine a pris son autonomie.

Qu'a apporté cette discipline à la connaissance de l'homme ?

La grande révolution a été la mise en évidence des interactions précoces. C’est-à-dire la façon dont le bébé, dans les dernières semaines de sa grossesse et les premiers mois de sa vie, est façonné, structuré par les interactions sensorielles, affectives et verbales avec son environnement. Celui-ci forme pour le bébé comme des structures biologiques périphériques, des tuteurs de développement, enracinés dans la représentation verbale que les parents se font de leur enfant. La psychanalyse du nourrisson y a trouvé une impulsion nouvelle.

 

N’y a-t-il pas un danger à transposer les méthodes d’études de l’animal à l’homme, au risque de réduire celle-ci à une dimension biologique ?

 

Le danger, c’est la généralisation abusive qui rend une vérité partielle totalement fausse. Prenons les travaux de l’Américain Edward Wilson, spécialiste des fourmis et l’un des fondateurs de la sociobiologie dans les années 1970. Ses études sur les pools génétiques dans les populations d’insectes sont parfaitement transposables à l’homme, comme on peut le voir avec la géographie des maladies génétiques. En revanche, appliquer cette grille d’analyse à la condition humaine et expliquer le comportement humain par la génétique est une absurdité.

 

Vous définissez l’homme comme « le seul animal capable d’échapper à la condition animale ». Qu’est-ce qui fonde sa singularité ?

 

Ce qui distingue l’homme de l’animal, c’est la parole. Non pas le langage, car les animaux aussi ont un langage. Mais l’aptitude à créer un monde spécifiquement humain par des représentations verbales : le monde des mots. Darwin, dès ses premiers travaux, a parlé du « mur du langage ». Cette métaphore exprimait bien que la parole métamorphose la condition d’être vivant. J’utiliserai une autre métaphore : la chenille vit dans un monde terrestre d’ombre et d’humidité, le papillon dans un monde aérien de lumière, et l’un et l’autre sont pourtant en continuité biologique. Notre chrysalide à nous, c’est la parole. Nous vivons dans un monde biologique mais aussi, comme le papillon, dans le monde aérien de la parole.

 

                                                                                               Boris Cyrulnik

07:15 Publié dans Auteurs | Lien permanent | Commentaires (0)