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05/12/2020

Le Chat sauvage, un dessin de Pacôme Yerma

Dans l'attente du maquettage de Diérèse 80 (l'éditorial a été écrit par Jean-Pierre Otte), d'une mise en pages qui me prendra du temps ; et pour faire suite à l’œuvre de cette auteure que j'estime, Carole Martinez, rencontrée lors d'un jury présidé par Alain Absire auquel je participais, je me suis reporté à mes archives, pour y retrouver ce dessin.
Dessin qui remonte aux premiers temps de Diérèse, conçu à la cité du Printemps, au 28 avenue Aristide Briand à Montreuil-sous-bois, où j'avais alors résidence. A l'époque, le 21 mars 1998,
date de parution du premier numéro, j'avais imaginé construire au fil des livraisons un Bestiaire qui dirait mon intérêt pour le règne animal. Chemin faisant, pourquoi ne pas le mentionner ?, l'un de mes premiers abonnés fut Henry Bauchau, qui habitait passage de la Bonne Graine, dans le onzième parisien. Dans ce premier numéro donc, j'y parlais de la Pélagie, de la Veuve noire, du Scorpion d'Afrique ; dans le deuxième, de l'Hippocampe à long bec, du Saint-Pierre, de la Rascasse rouge. Henry Bauchau m'écrivit alors tout le bien qu'il pensait de mon entreprise - un fameux soutien que j'avais là.
... C'est tout à la fois, ici et maintenant, un hommage à Jean-Paul Morin de la Poéthèque de Villefontaine qui a pris le temps de recenser sur son site les sommaires des 79 numéros de la revue parus à ce jour.
Et un salut au passage, à Etienne Ruhaud pour son livre "Animaux", paru il y a peu aux éditions Unicité.
Amitiés à tous, Daniel Martinez

 

CHAT SAUV.png

Dessin à la mine de plomb de Pacôme Yerma, 1998

22:20 Publié dans Arts, Bestiaire | Lien permanent | Commentaires (0)

04/09/2020

Bestiaire : La Libellule, variations autour d'un dessin de Pacôme Yerma

Histoire de la Libellule

LIBELLULE.jpg

   dessin à la mine de plomb de Pacôme Yerma

 

      Ainsi que langues de l'éther
      sur le ventre du coteau
      en l'alchimie lente
      que le profond déplace

      elle est larve aveugle
      mais libellule déjà
      brodée d'un jaune de Naples
      qui sonne comme un cristal

      Elle est celle
      que l'on approche d'un pas
      pour tenter de surprendre l'invisible
      bordant le limbe des feuilles

     sous le flux dont Lucrèce parlait
     entré en résonance
     avec le monde de nos images
     Printemps est là irrésistiblement

     Celle dont les deux vies
     n'en font plus qu'une
     quand passant de l'état de larve
     à celui d'insecte ailé

     les deux éléments fusionnent
     par le nimbe d'une blessure
     d'où la Forme s'est extraite
     par alliances successives

     Là précisément
     à partir d'une ligne fixe
     la pellicule moirée de la peau
     se déchire graduellement    

      laissant échapper le thorax
      puis la tête avoisinante
      une sphère aux yeux globuleux
      pareillement les ailes se déplient

      à mesure se déploient
      éprouvent la pesanteur
      sous la diurne rosée
      tout un théâtre d'échanges

      Signet d'écume posé
      sur une tige de menthe
      ou faux mouvement
      de ce petit corps sec

      qui de sa hauteur décrit
      dans les vapeurs de l'eau
      les déliés de l'écriture
      d'une langue morte


      où le sable et la cendre
      auraient su conserver
      nos impressions premières
      les rides de l'univers originel.

Daniel Martinez

03:06 Publié dans Arts, Bestiaire | Lien permanent | Commentaires (0)

13/07/2020

Le Scorpion, vu par Pacôme Yerma et Jean-Henri Fabre

SCORPION.jpg

dessin de Pacôme Yerma

 

"La pariade, au printemps, leur impose des voyages. Jusqu'ici farouches solitaires, ils abandonnent maintenant leurs cellules, ils accomplissent le pèlerinage des amours : insoucieux du manger, ils vont en quête de leurs pareils. Parmi les pierres de leur territoire, il doit y avoir des lieux d'élection où se font les rencontres, où se tiennent les assemblées. Si je ne craignais point de me casser les jambes, de nuit, parmi les encombrements rocheux de leurs collines, j'aimerais assister à leurs fêtes matrimoniales, dans les délices de la liberté. Que font-ils là-haut, sur leurs pentes pelées ?

Le choix fait d'une épousée, ils la promènent longtemps à travers les touffes de lavande et les mains dans les mains. S'ils n'y jouissent pas des attraits de mon lumignon, ils ont pour eux la lune, l'incomparable lanterne.

Voir les débuts de l'invitation à la promenade n'est pas un événement sur lequel on puisse compter chaque soir. De dessous leurs pierres, divers sortent déjà liés par les couples. En pareil assemblage de doigts saisis, ils y ont passé la journée entière, immobiles, l'un devant l'autre et méditant. La nuit venue, sans se séparer un instant, ils reprennent la promenade commencée la veille, peut-être même avant. On ne sait ni quand ni comment s'est effectuée la jonction. D'autres à l'improviste se rencontrent en des passages reculés, d'inspection difficultueuse. Lorsque je les aperçois, il est trop tard, l'équipage chemine.

Aujourd'hui, la chance me sourit. Sous mes yeux, en pleine clarté de la lanterne, se fait la liaison. Un mâle, tout guilleret, tout pétulant, dans sa course précipitée à travers la foule, se trouve soudain face à face avec une passante qui lui convient. Celle-ci ne dit pas non, et les choses vont vite.

Les fronts se touchent, les pinces besognent ; en larges mouvements, les queues se balancent, elles se dressent verticales, s'accrochent par le bout et doucement se caressent en lentes frictions. Les deux bêtes font l'arbre droit. Bientôt le système s'affaisse ; leurs doigts se trouvent saisis, et sans plus le couple se met en marche. La pose en pyramide est donc bien le prélude de l'attelage. Cette pose n'est pas rare, il est vrai, entre individus de même sexe se rencontrant, mais elle est moins correcte et surtout moins cérémonieuse. Ce sont alors des gestes d'impatience, et non des agaceries amicales, les queues se choquent au lieu de se caresser.

Suivons un peu le mâle, qui se hâte à reculons et s'en va tout fier de sa conquête. D'autres femelles sont rencontrées, qui font galerie et regardent curieuses, jalouses peut-être. L'une d'elles se jette sur l'entraînée, l'enlace des pattes et fait effort pour arrêter l'équipage. Contre pareille résistance, le mâle s'exténue ; en vain il secoue, en vain il tire, ça ne marche plus. Non désolé de l'accident, il abandonne la partie. Une voisine est là, tout près. Brusque en pourparlers et sans autre déclaration cette fois, il lui prend les mains et la convie à la promenade. Et que lui faut-il, en somme ? La première venue..."

Jean-Henri Fabre
(1823-1915)

08:11 Publié dans Arts, Bestiaire | Lien permanent | Commentaires (0)