31/01/2020
Le Fennec (Renard des sables)
Carnet Saharien
Le Fennec

Dessin à la mine de plomb de Pacôme Yerma
Du sable, la tête qui dépasse
marquée de grands yeux sombres ;
fixe, le regard, au-delà du feu blanc
dissout les dernières fibres de la nuit
présentes ici ou là
aussi vite éclipsées.
Lui, Fennec, jamais ne semble
souffrir du Soleil
qui frappe pierres et sol
et vrille le bleu intense.
Ce côté du monde qui est le sien,
il sait en tirer profit
comme de la plus petite ombre
que chérit l'épineux.
Un écart des paupières,
il est là, bien là,
se tapit comme un lièvre
le menton enfoui presque ;
un murmure, un petit cri
un sifflement qu'est-ce au juste
que ces étranges sonorités
dont il garde le secret ?
Moustaches fines
époussetant le hasard
fourrure et poussière
dessinent une cavité
dans le jour aveugle
- son terrier, vrai labyrinthe.
Sans crier gare, pointe un museau noir,
un verbe de mouvement.
D'un coup, l'échine qui se fige
avant de se déployer.
Car il chasse ainsi la gerboise
projetant les griffes
ouvrant la mâchoire
pour foudroyer la proie élue.
La victime alors, dépecée longuement.
Figures multiples de la nature,
qui se moque bien de nos sentiments
quand elle est fidèle toujours
aux temps anciens
où l'histoire se passait
du vernis de la culture.
Daniel Martinez
07:10 Publié dans Arts, Bestiaire | Lien permanent | Commentaires (0)
28/01/2020
Le Saint-Pierre
dessin de Pacôme Yerma
Un peu du bleu froid que l'on boit
du frisson sableux qu'élucide
en son approche le Saint-Pierre
revient aux girandoles de l'abîme.
Dansent à la surface
des cercles concentriques
à même la toupie de l'écume
d'un seul éclair il s'argente
et les voilà sublimées, les perspectives :
les algues seraient fougères
au souffle d'un peuple de harengs
qu'il a suivis d'instinct
laissant aller sa mâchoire mobile
pour happer un peu de la chair du monde
parmi le halo d'étoiles filantes.
Entre les rayons longs
de la nageoire dorsale
par jeu les filaments saluent
d'une musique abstraite et pure
l'aura des îles oubliées
et bris de vases par les fonds
cherchant appui consolation.
Tête proéminente dans le secret
des royautés déchues
des chapelets d'air
déchirent la membrane liquide :
le mythe est-il inscrit
sur les flancs du Saint-Pierre
dont on dit que l'apôtre le saisissant
lui imprima au côté
ces deux ocelles noirs
nimbés d'un anneau jaunâtre ?
Vive empreinte d'une enfance
sous le calque des mots
qui disent à leur façon l'autre rivage
scintillant agité bruissant
quand la lumière sans pourquoi
éclaire les profondeurs.
Daniel Martinez
11:43 Publié dans Bestiaire | Lien permanent | Commentaires (0)
16/01/2020
"Dis-moi tu !", un poème de Jean Rousselot
Tirelire ! Tirelire ! dit l'alouette. Mais on ne l'a jamais vue
mettre un sou de côté.
Plus vite ! Plus vite ! dit le merle aux ouvriers. Mais lui
passe son temps à enfiler des perles de rosée.
Je n'y crois pas ! Crois pas ! Crois pas ! dit le corbeau
en secouant ses manches. Mais tout ce qu'il voit, il le mange.
Faites que tout brille ! Brille ! ordonne la pie. Mais jusqu'au
crépuscule, elle jouit de la vie, dans son fauteuil à bascule.
Des couleurs j'ai ! Des couleurs j'ai ! dit le geai. Mais quand
tu veux l'admirer, il a déjà filé.
Dis-moi tu ! Dis-moi tu ! dit le moineau dodu. Mais dès
que tu ouvres la bouche, il s'effarouche.
Et que dit le serein ?
On n'y comprend rien.
C'est peut-être du latin.
Jean Rousselot
10:03 Publié dans Bestiaire, Jean Rousselot | Lien permanent | Commentaires (0)