06/10/2019
"La Rage de l'expression" de Francis Ponge (1899-1988) : dans le sillage d'Albert Camus.
Vous parler aujourd'hui des fameuses "Notes pour la guêpe", écrites par Francis Ponge que l'on connaît mieux sans doute pour Le Parti pris des choses (1942). Pour La Guêpe, il est à savoir que le manuscrit du poète, écrit entre août 1939 et août 1943 - le contexte historique n'y étant pour pas grand chose - comporte 14 pages. Le tout corrigé parut dans la revue de Jean Lescure, Domaine français, sous le titre "Notes pour la guêpe", puis en édition originale à 145 exemplaires chez Seghers en 1945, sous le titre La Guêpe. Irruption et divagations. Le texte figure ensuite dans le volume publié par Henri-Louis Mermod à Lausanne en 1946, L’œillet. La Guêpe. Le Mimosa, avant d'être définitivement intégré dans le recueil La Rage de l'expression, paru chez le même Mermod en 1952.
Fruit d'un travail quotidien, les pièces formant La Rage de l'expression offrent un véritable "journal poétique" des années 1938 à 1944. Francis Ponge écrivait à Gabriel Audisio : "Je travaille encore jusqu'à 2 ou 3 heures du matin chaque jour [...]. C'est l'expression à tâtons. Je me fais l'effet d'être un apprenti alchimiste (ou chimiste) qui continuerait fiévreusement ses expériences de précision dans un laboratoire où l'électricité vient de s'éteindre". Alors proche de Camus, Francis Ponge souhaitait "ramener les yeux des hommes, sans espoir d'un au-delà métaphysique, à la hauteur des choses et de leur "absurdité" acceptée" (Bernard Beugnot), leur faire accepter leurs pouvoirs limités mais réels dans les domaines esthétiques, politiques et sociaux, et travailler sans illusion à "exprimer" la nature pour se l'"accorder". Relisons-le donc :
La Guêpe
Hyménoptère au vol félin, souple - d'ailleurs d'apparence tigrée -, avec un corps beaucoup plus lourd que celui du moustique et des ailes pourtant relativement plus petites mais vibrantes et sans doute très démultipliées, la guêpe fait à chaque instant les vibrations nécessaires à la mouche dans une position ultracritique (pour se défaire du miel ou du papier tue-mouches par exemple).
Elle semble vivre dans un état de crise continue qui la rend dangereuse. Une sorte de frénésie ou de forcènerie - qui la rend aussi brillante, bourdonnante, musicale comme une corde fort tendue, fort vibrante et dès lors brûlante ou piquante, ce qui rend son contact dangereux...
Qu'est-ce qu'on me dit ? Qu'elle laisse son dard dans la victime et qu'elle en meurt ?... Je me connais, se dit-elle : si je me laisse aller, la moindre dispute tournera au tragique : je ne me connaîtrai plus. J'entrerai en frénésie : vous me dégoûtez trop, m'êtes trop étrangers. Je ne connais que les arguments extrêmes, les injures, les coups - le coup d'épée fatal. J'aime mieux ne pas discuter. Nous sommes trop loin du compte. Si jamais j'acceptais le moindre contact avec le monde, si j'étais un jour astreinte à la sincérité, s'il me fallait dire ce que je pense... ! J'y laisserai ma vie en même temps que ma réponse, - mon dard...
*
La guêpe et le fruit.
Transport de pulpe baisée, meurtrie, endommagée,
contaminée, mortifiée par la trop brillante
dorée-noire, gipsy, don-juane.
Intégrité perdue par le contact d'un visiteur
trop brillant. Et non seulement l'intégrité, -
mais la qualité même de ce qui demeure...
Francis Ponge
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29/05/2019
Souvenirs d'un directeur de Revue : Yves Peyré pour "L'Ire des vents"
Raphaël Sorin nous parle aujourd'hui d'une belle aventure, celle d'Yves Peyré qui dirigea, de 1978 à 1987 la revue L'Ire des vents, elle connut 16 numéros, la première livraison eut lieu en 1978, la deuxième en 1981, date à partir de laquelle elle devint annuelle. Je me rappelle que pour le titre de "Diérèse", ce fut Alain Jouffroy qui me complimenta pour ce choix, dans un courrier que je vais essayer de retrouver pour vous ; il avait parfaitement saisi ce rappel à la racine grecque du vocable et qu'en fait il s'agissait de se dissocier de la pensée unique, en poésie comme ailleurs au demeurant. Car il n'est de pire danger que les idées convenues, comme le rejet systématique du lyrisme, de mise aujourd'hui dans l'Hexagone ; ou d'embrayer sur la déconstruction systématique du vers, quitte à embrasser d'une lèvre ou des deux le néant... Mais arrêtons-nous là, écoutons plutôt ce qu'a pu dire Yves Peyré :
Le nom de la revue, une belle métaphore, Peyré l'a trouvé dans un poème de Maurice Scève. L'ire, c'est à la fois la colère, ou la fureur, la lyre des poètes et le verbe lire, un mot qui s'ouvre dans toutes les directions. Au sommaire des numéros de L'Ire des vents - qui a consacré deux numéros à Michel Leiris et à du Bouchet - on trouvait des curiosités littéraires, Adrian de Montluc, le seul texte écrit par Francis Bacon, des traductions de Paul Celan, Erich Arendt ou Vladimir Holan...
"Je cherche pour chaque numéro, à créer des correspondances musicales. Je compose les sommaires selon la force et le rythme des textes. Je crée aussi des effets de surprise. Une revue, selon moi, ne peut pas se diriger à plusieurs mains. Un autre ferait une autre revue. Je ne crois pas aux groupes littéraires et me sens proche, par exemple, de ceux qui ne purent jamais s'intégrer au surréalisme : Artaud, Ponge, Bataille. Les démarches singulières, comme celle de Bettencourt, m'impressionnent beaucoup."
"A seize ans, raconte Yves Peyré, je suis venu quatre jours à Paris, pour voir des libraires. J'ai vécu à Châteauroux, puis à Limoges... Très jeune, j'étais fasciné par les revues Documents, Mesures, Le Grand Jeu. Et mes goûts étaient fixés, presque tous. Reverdy, Michaux, Leiris, Bataille puis du Bouchet et des Forêts m'apparaissaient comme des gens extraordinaires. J'avais du mal à imaginer qu'un jour je deviendrais l'ami de certains d'entre eux.
Après une licence et une maîtrise de philosophie, à Clermont-Ferrand, j'ai choisi de passer le concours des conservateurs de bibliothèques. On m'a nommé à Lyon, où je suis resté jusqu'en 1980. Puis je me suis occupé de la revue de la Bibliothèque nationale. Dès le lycée, comme on découvre une vocation, j'ai eu envie de faire "ma" revue. Plus tard, j'ai écrit à du Bouchet, parce que j'établissais la bibliographie de son œuvre. Il m'a répondu par retour de courrier. Sa lettre, si amicale, a tout déclenché.
Au fil du temps, une génération nouvelle s'est rapprochée de L'Ire des vents : Gérard Macé, Bernard Collin, Charles Juliet, Silvia Baron-Supervielle, Jean-Michel Reynard... Ils évitent les coteries. Je suis surpris par la qualité de ce que m'ont envoyé des inconnus. Il y a, en France, un mouvement souterrain qui échappe aux éditeurs. Dès le premier numéro, j'ai tenu à publier mes propres textes, en m'interdisant de collaborer ailleurs. Cela fait partie de ma "morale" et correspond à mon engagement de directeur..."
Ses options, Peyré les a développées en préfaçant les poèmes de Silvia Baron-Supervielle, la Distance du sable : "Chaque moment est une épiphanie, comme un élan d'épiphanie traversant tant monde que moi. Joie et détresse d'une trop fugitive éclosion : le peu de poème." Peyré affirme encore ses choix, cédant à la "fascination d'une étrangeté violente" avec En appel de visages, qui s'inspire de dessins de Henri Michaux, dans un livre qui fut publié en 1983 aux éditions Verdier.
Raphaël Sorin
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22/02/2017
La revue "Science Advance"
Sans vouloir jouer les oiseaux de mauvais augure, il est important que vous sachiez que soixante pour cent des primates sont menacés d'extinction en raison de la dévastation résultant des activités humaines, selon des travaux parus dans la dernière édition de la revue américaine "Science Advance".
Ces espèces sont confrontées à un ensemble de menaces dont la chasse, le commerce illégal d'animaux de compagnie et la perte de leur habitat.
19:41 Publié dans Revue | Lien permanent | Commentaires (0)