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02/01/2017

Giacomo Leopardi (1798-1837)

Le poète qui pensait

Il y a deux siècles, le 29 juin 1798, Giacomo Leopardi naissait dans une famille aristocratique de Recanati, au sud d'Ancône, dans un des états pontificaux. Milieu réactionnaire, face à la menace révolutionnaire française et à l'avancée napoléonienne, mais milieu éclairé. Sous la férule du comte Monaldo, despote familial (qui dilapidera ses biens et connaîtra l'humiliation de voir la gestion du patrimoine confiée à sa bigote de femme), Giacomo Leopardi, aîné d'une fratrie en partie décimée en bas âge, surprend son entourage par son extraordinaire précocité et une frénésie dans des études qui détérioreront sa santé, affaiblissant sa vue, déformant son dos et arrêtant sa croissance. C'est une sorte de monstre, nain et bossu, qui va devenir dès son adolescence l'un des philologues les plus recherchés d'Europe, un grand traducteur des langues classiques et un immense poète, avant de se "convertir" quelques années plus tard à la philosophie. Comment affirmer son génie dans un cadre étriqué, sous la surveillance d'une mère plaintive et d'un père tyrannique ? Le malheureux Giacomo tente de fuir pour chercher des moyens de subsistance auprès d'éditeurs milanais, puis florentins, qui l'accueilleront dans des cercles d'intellectuels sensibles à sa poésie, à son intelligence novatrice, à une mélancolie qui va avoir une influence déterminante sur toute l'esthétique poétique italienne.

Ce contemporain de Balzac et de Victor Hugo était assurément un romantique, mais comme le souligne le traducteur des Canti, Michel Orcel, citant un Paul Bourget inattendu, il ne faut pas se tromper sur cette espèce, très italienne, très peu française, très peu anglaise et encore moins allemande, de romantisme : l'élément autobiographique, nous dit-il, est "léger, pour ne pas dire inexistant". Et, en effet, Leopardi se plaignait, lui-même, que ses malheurs personnels (ses infortunes amoureuses, ses dissensions avec son père, sa pauvreté et surtout ses difformités physiques) aient expliqué trop souvent, aux yeux de lecteurs superficiels, sa philosophie du désespoir et sa célébration du néant.

En mourant brutalement d'hydropisie, en pleine épidémie de choléra, le 14 juin 1837, à moins de quarante ans, dans les bras d'Antonio Ranieri, jeune Napolitain dont il partageait la vie depuis sept ans, Leopardi allait mettre involontairement la postérité dans l'embarras. Car, si l'essentiel de son œuvre poétique, qui avait fait de son vivant l'objet de nombreuses rééditions, et si quelques opuscules assez caustiques, pamphlets et dialogues (les Petites Oeuvres morales) l'avaient déjà rendu célèbre, restait une quantité considérable d'écrits philosophiques, le Zibaldone di pensieri, où l'on devait mesurer l'ampleur de son génie.

Ce journal intellectuel, philosophique et philologique (dont une partie est parue aux éditions Allia dans une traduction de Joël Gayraud) allait en effet révéler très tardivement que le poète était doublé d'un philosophe de la dimension de Nietzsche, de Kierkegaard, de Schopenhauer. La particularité du désespoir léopardien est qu'il garde le sourire aux lèvres... "Pour lui, le monde entier est une prison", dit Gérard Macé et, de son côté, Michel Orcel a pu définir les caractéristiques de ce "pensiero poetante" : soit une pensée qui recourt à la poésie ou, si l'on veut, "une pensée lyrique", doublée d'une mélancolie qui ne se réduit pas à un "aspect endeuillé".

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                                                                                           René de Ceccatty

01/01/2017

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El Peñón de Guatapé, Colombie

 

Mes meilleurs vœux à toutes et à tous, par ces temps incertains où les poètes se devraient de donner le la, d'insuffler au monde la note juste. Vœu pieux certes, mais ne désespérons pas ! La vie est belle malgré tout, abstraction faite de ce qui la salit.
Pour bien commencer l'année, écoutons Guillaume Apollinaire, in Onirocritique : " Des ombres dissemblables assombrissaient de leur amour l'écarlate des voilures, tandis que mes yeux se multipliaient dans les fleuves, dans les villes et sur la pourpre des montagnes." Tout est là, dans cette vision j'allais écrire "universelle", diffractée par la Nature en majesté, sa beauté première, qui participe de la nôtre, à chaque étape de l'être entendue comme mouvement de l'être. C'est sur cette note que je terminerai aujourd'hui, souhaitant que la dynamique qui nous pousse sur les chemins de la vie l'emporte sur ce qui la menace.
A vous qui me lisez fidèlement, et que je remercie, mes amitiés partagées, Daniel Martinez

23:14 Publié dans Voeux | Lien permanent | Commentaires (0)

30/12/2016

Jean Hélion (1904-1987) I

Le peintre Jean Hélion a été interviewé par un autre peintre, Jean-Paul Chambas, en 1984. Abstrait dans les années 1930-1938, Jean Hélion est revenu au naturalisme selon divers modes originaux... Voici :

Jean-Paul Chambas : La liberté, chez vous, ce n’est pas l’abstraction.

Jean Hélion : Non, l’abstraction n’est pas la liberté. Regardez, tout ce qui nous entoure est interdit dans l’art abstrait ; mais il y a la liberté de l’homme de se dégager du monde auquel il est soumis. La négation de l’abstraction est un acte de liberté également, et je suis parti de l’abstraction pour les mêmes raisons qui m’ont fait y entrer. J’ai regardé le monde pour tourner le dos à l’abstraction. Le monde est dans son envers aussi bien que dans son endroit ; alors ?

Prendre l’abstraction comme but, c’est de l’académisme, le but est de la prendre comme un élan, un élan comme un autre. L’abstraction, c’est du pianotage ; pianoter des valeurs, des oppositions d’angles, renouveler, multiplier, il y en a eu tellement tout d’un coup que le monde se peignait tout seul, s’exprimait tout seul ; je m’apercevais qu’un rond tendait à s’infléchir légèrement et qu’il devenait une silhouette ; je m’apercevais qu’il était impérieux de diviser ce rond plat pour ne pas qu’il soit toujours plat. Vous y mettez une verticale, vous avez le nez ; deux horizontales, vous avez les yeux ; une autre horizontale, vous avez la bouche, mais en vérité elle s’incurve. Chaque progrès de formes me paraît un progrès de compréhension, et de création. Picasso a très bien senti qu’il pouvait faire un visage dans lequel les yeux étaient deux horizontales… et cela ne l’empêchait pas de faire le lendemain une imitation d’Ingres ; avec une liberté que j’ai toujours admirée chez lui : il inventait.  

J.-P. C. : Dans tous les sens Matisse, lui, ne se servira que de la courbe :

J. H. : Oui, Matisse a une autre forme de liberté. Il a joué sur la complexité du rapport avec le modèle tandis que Picasso n’a jamais fait du modèle qu’un principe, non une réalité.

 J.-P. C. : Vous avez cherché dans vos carnets à inventer avec acharnement.

J. H. : L’acharnement, c’est notre vie à tous, mais il n’est jamais épuisé, réussi. Tout est à refaire en peinture. C’est peut-être ça le principe de l’art, entre le faire et le refaire il y a toutes les diversions possibles, et le blanc est la somme de tous les possibles finalement ; tous les points que vous allez réunir par des lignes existent virtuellement sur la surface blanche.

 J.-P. C. : C’est vrai chez Cézanne où le blanc, le vide, font le tableau ; le blanc du papier est à la fois lumière et peinture de la lumière.

J. H. : Cézanne a fait des touches sur lesquelles appuyer. Il appuie avec la lumière comme un musicien appuie sur le piano. Il joue un air qu’il porte au fond de lui.

 J.-P. C. : Un tableau de Cézanne où il y a du blanc, de la lumière, vous ne le voyez pas du tout comme ce portrait de Filippo Lippi (aux Offices à Florence) ou le fameux Bonaparte par David ?

J. H. : Non, chacun a ses qualités. Il y a des moments où je préfère l’un à l’autre mais l’inachèvement de Cézanne me paraît plus achevé que celui de Bonaparte à Arcole. L’inachevé, c’est laisser ouvert au lieu de fermer. Vous savez, on a un foutu terme en art, on dit que « c’est exécuté », au sens de Deibler, vous ne l’avez pas connu, cet exécuteur des hautes œuvres. L’exécution académique est vraiment un assassinat, tout possible est enlevé. Ce qu’il y a de très beau dans Cézanne, c’est que les formes restent ouvertes comme pour chanter ; je trouve ça très généreux. 

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16:10 Publié dans Arts | Lien permanent | Commentaires (0)