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Henri Michaux et sa correspondance avec Franz Hellens (I)

 A propos de : "Sitôt lus, lettres à Franz Hellens, 1922-1952"

Une des dernières lettres "en recommandé", de Michaux à Franz Hellens : "Vite, frottez une allumette. En tout cas, NE LES PUBLIEZ PAS". Franz Hellens ne publie pas, mais, en 1963, "confie" ces lettres à un bibliophile, Robert Moureau, qui prend toutes les dispositions pour une publication. Un "projet de mise en lumière de ces documents" écrit joliment M. Leonardo Clerici, "resté inachevé par les interdits du destin" (Robert Moureau meurt). Une cascade de noms ici cités laisse supposer que ces lettres, "qui ne devaient pas être publiées" sont passées par pas mal de mains avant d'heureusement nous parvenir pour 1) compléter les oeuvres dites complètes de Michaux, 2) une meilleure connaissance des débuts du poète.
Dans ces années 22-24, l'écrivain Franz Hellens, alors auteur d'une Mélusine, avait fondé et dirigeait à Bruxelles Le Disque Vert, revue d'excellent aloi et donc de vie difficile, se transformant en Ecrits du Nord, redevenant Le Disque Vert, s'interrompant, selon l'état des fonds. Elle avait un correspondant à Paris, le jeune Pascal Pia, et se vendait dans une unique librairie du Boulevard du Montparnasse quand, de Bruxelles, on avait pensé à en envoyer quelques exemplaires.
Le jeune Henry (y) Michaux était à l'époque surveillant au "pensionnat de l'Athénée de Chimay". Il s'y ennuyait ferme. Il était possédé du désir forcené d'écrire. Quel meilleur moyen que de proposer à Franz Hellens une critique de Mélusine ? Tout en lui faisant part de ses projets : une étude scientifico-philosophique sur "un cas de folie circulaire". Une autre à partir du Rêve.

Un autre désir forcené : quitter Chimay pour Paris où, selon lui, existe une vraie vie littéraire, "dussé-je être chauffeur d'autos, un des rares métiers que je connaisse bien".
Il s'intéresse à "Cendrars Blaise", à "Marcel Proost" (sic). Il n'a pas d'argent pour les acheter. "Sitôt lus, je vous les renverrai".
La revue publie sa "Chronique de l'aiguilleur". Elle n'est jamais assez féroce à son goût. Il demande à
Hellens de lui envoyer "un bouc émissaire, un littérateur, sous-talent ou des individus touchant de loin ou de près à la littéraire (sic) sur qui je pourrais faire une critique archisalée de ma façon..." C'est que, pour parler de Mélusine comme il convient, il lui faut du temps. Et, pour lui-même, ce qui deviendra "Le Rêve et la Jambe" lui donne pas mal de tintouin. "Je ne sais rien faire à demi. Je ne sais pas accepter les idées des autres sur quoi que ce soit. Je suis, de force inventeur..." Il étudie des "ouvrages scientifiques sur le Rêve" et "il pense littéraire nouveau style".
Si l'on écrit, c'est en vue d'être publié. Il semble que pour l'auteur ce soit la mode, du moins pour les publications du Disque Vert, de payer l'impression. Le jeune surveillant distrait de son maigre salaire ce qui lui permettra de se voir imprimé.

Ses essais "philosophico-scientifiques" semblent avoir eu peu d'écho. Alors il va écrire à toute vitesse de "la prose Marcel Proust". 500 pages, "rien ne m'empêche d'aller jusqu'à des milliers". Titre projeté : "18 semaines à la maison... Ce sera lu, ce sera scandaleux mais aura 10 éditions, tandis que le Rêve il lui faudra 5 ans ou même plus avant d'être connu".

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Maurice Nadeau

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07/06/2018 | Lien permanent

La perception du moi dans l'espace, par Henri Michaux

On est peu de chose. Notre idée de l'espace, notre impression d'une nouveauté en art, une artériole bouchée, peuvent en être la cause. Michaux l'a éprouvé un jour au cinéma (Une foule sortie de l'ombre). Le film l'avait étonné par ses déformations d'images. Cet "infini s'abouchant avec le fini et s'y écoulant", n'était-ce pas l'explosion cubiste en peinture ? Or Michaux souffrait simplement d'un trouble circulatoire de l’œil. Il en fut quitte pour l'éblouissement. La révolution du septième art, ce serait pour une autre fois !

Un état d'âme, une saute d'humeur peuvent aussi modifier nos perceptions. Dans un hôtel moderne, par grosse chaleur, le poète éprouve comme un remords, une légère hostilité ; et voilà que la réalité se mine, la ville se désagrège. Une autre fois, ce sera l'inverse : un petit instrument de musique africain, dont Michaux n'avait perçu jusque-là qu'un : "cra-cra dévastateur de corbeau", sans note concertante, des "torchons sonores", lui est devenu supportable, presque suave, grâce au découragement rageur, batailleur, où il l'a plongé. Une lame plus crissante que d'autres, évoquait et provoquait chez lui le refus de s'attendrir (si fréquent en musique), à vaincre une incrédulité première, pour entrer dans le réceptif...

L'âme du poète est plus insatiable que le corps, mais elle hérite de sa maladresse. Par horreur de la routine pétrifiante, elle se laisse envahir, traverser, dissoudre, métamorphoser, martyriser. Le moi devient ingérable. Même le je qui tient la plume doute de sa réalité, de son pouvoir.

Les malheurs de Plume (à prendre dans tous les sens du terme : ce qui est léger d'apparence mais aussi ce qu'anime la main du scripteur) mettent en comédie toute intériorité dans ce qu'elle a d'inassemblable, nostalgique, et inquiète d'une plénitude possible. L'Autre n'est pas plus rassurant, avec son visage sans cesse braqué, tonnant. Comme pour ce qu'il en est des voyages dans leur effet délocalisateur, nos semblables ont surtout le mérite de nous donner le sentiment d'être étranger à nous-même. DM

 

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Henri Michaux, gouache inédite, 24 x 32 cm, 1951


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Double portrait, photo de Claude Cahun

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01/06/2018 | Lien permanent

”En pensant au phénomène de la peinture”, de Henri Michaux

Ce texte est intialement la préface du livre de Henri Michaux : Peintures et dessins (1946). Il sera repris dans Passages, éd. Gallimard, 1950, p. 93 et suivantes :

Dessinez sans intention particulière, griffonnez machinalement, il apparaît presque toujours sur le papier des visages.
Menant une excessive vie faciale, on est aussi dans une perpétuelle fièvre de visages.
Dès que je prends un crayon, un pinceau, il m'en vient sur le papier l'un après l'autre dix, quinze, vingt. Et sauvages pour la plupart.
Est-ce moi, tous ces visages ? Sont-ce d'autres ? De quels fonds venus ?
Ne seraient-ils pas simplement la conscience de ma propre tête réfléchissante ? (Grimaces d'un visage second, de même que l'homme adulte qui souffre a cessé par pudeur de pleurer dans le malheur pour être plus souffrant dans le fond, de même il aurait cessé de grimacer pour devenir intérieurement plus grimaçant.) Derrière le visage aux traits immobiles, déserté, devenu simple masque, un autre visage supérieurement mobile bouillonne, se contracte, mijote dans un insupportable paroxysme. Derrière les traits figés, cherchant désespérément une issue, les expressions comme une bande de chiens hurleurs...
Du pinceau et tant bien que mal, en taches noires, voilà qu'ils s'écoulent : ils se libèrent.
On est surpris les premières fois.
Face de perdus, de criminels parfois, ni connues ni absolument étrangères non plus (étrange, lointaine correspondance !)... Visages des personnalités sacrifiées, des "moi" que la vie, la volonté, l'ambition, le goût de la rectitude et de la cohérence étouffa, tua. Visages qui reparaîtront jusqu'à la fin (c'est si dur d'étouffer, de noyer définitivement).
Visages de l'enfance, des peurs de l'enfance dont on a perdu plus la trame et l'objet que le souvenir, visages qui ne croient pas que tout a été réglé par le passage à l'âge adulte, qui craignent encore l'affreux retour.
Visages de la volonté peut-être qui toujours nous devance et tend à préformer autre chose : visages de la recherche et du désir.
Ou sorte d'épiphénomène de la pensée (un des nombreux que l'effort pensant ne peut s'interdire de provoquer, quoique parfaitement inutile à l'intellection, mais dont on ne peut pas plus s'empêcher que de faire de vains gestes au téléphone)... comme si l'on formait constamment en soi un visage fluide, idéalement plastique et malléable, qui se formerait et déformerait correspondément aux idées et aux impressions qu'elles modèlent par automatisme en une instantanée synthèse à longueur de journée et en quelque sorte cinématographiquement.
Foule infinie : notre clan.
Ce n'est pas dans la glace qu'il faut se considérer.
Hommes, regardez-vous dans le papier.

                                                             Henri Michaux

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04/12/2014 | Lien permanent

Petites précisions sur mon approche du poète Henri Michaux, pour les lecteurs de ce blog

Ces lignes que je vous donne à lire ne sont bien évidemment pas des reprises de ce qui a été imprimé dans La Pléiade !, mais en sont juste un complément. Elles ne prétendent pas à l'exhaustivité, simplement, elles jettent sur la vie et l'oeuvre de ce grand poète un regard nouveau, lignes qui à mon sens aident à mieux comprendre le pourquoi de la création, de ses livres. Beaucoup s'y sont essayé, je ne suis pas certain qu'ils aient eu les bons éléments en main... même un Jean-Michel Maulpoix, dont l'oeuvre me parle, par ailleurs. Encore moins un Michel Butor : "Improvisations sur Henri Michaux" ; ou un J.-M.G. Le Clézio : "Vers les icebergs", dont l’écriture est aux antipodes de l’auteur qu’il tente d’approcher, si maladroitement que c'en est touchant.

En juin 1987 par exemple, la revue "Europe" lui consacre, à Henri Michaux, un numéro spécial (n°698/699, pp. 1 à 138). Qu'y apprend-on ?, pas grand chose. Suffirait-il de laisser parler les universitaires (entre eux) pour avoir la note juste ? Poser la question, c’est déjà y répondre.

A sa mort, Henri laisse au pied de son bureau, des tomes de l’encyclopédie La Furetière. Au mur, derrière lui, un grand dessin mescalinien. Sur chevalet, une grande toile, restée inachevée, lui qui n’aimait pas l’huile, pour ses odeurs, a dû vivre avec, jusqu’au terme de son existence. Tout est là : son trésor, sa merveille. Une vie. Et bien plus qu’une vie.

Qu’on me pardonne : cessons de jargonner ! Sans donner dans le misérabilisme - une démarche déplacée à mon sens -, Henri a connu entre autres la misère, mais qui en parle aujourd’hui ?, sauf si on lit ses lettres à Franz Hellens... Certes, ce n'est pas le seul parmi la foule des poètes que l'époque maltraite, loin s'en faut. Il a refusé tous les honneurs, une fois que ses livres se vendaient avec succès : irrécupérable donc, car trop fidèle à ses principes. Seul demeure : ce qu’il a écrit, envers et contre tout. Pouffant de rire, car c'était là son tempérament (cqfd) contre les faiseurs, les assis. Le reste n’est que littérature. DM

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30/04/2016 | Lien permanent

Henri Michaux, 1932-1945 : entre centre et absence

Le 30 avril 1936, l'éditeur Henri Matarasso fait paraître "Entre centre et absence", de Henri Michaux, un recueil de 52 pages tiré à 320 exemplaires, qui contient, entre autres, une prose poétique, "La Ralentie". On y lit, en filigrane, l'amour qu'a porté successivement le poète à deux femmes. D'une part, Marie-Louise Termet, épouse Ferdière, appelée dans "La Ralentie" Marie-Lou ("Entrer dans le noir avec toi, comme c'était doux, Marie-Lou"), un diminutif qui deviendra en 1938, Lorellou, lorsque paraît chez Gallimard "Plume, précédé de Lointain intérieur", où ledit poème est repris dans sa version définitive ; et, d'autre part, Juana, pour la belle Susana Soca, une Montévidéenne qu'il rencontrera en Uruguay ("tu n'avais qu'à étendre un doigt Juana ; pour nous deux, pour tous deux, tu n'avais qu'à étendre un doigt").

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Double portrait, par Claude Cahun

Lorsque Michaux se lie d'amitié avec le couple Ferdière, et plus que cela, Marie-Louise faisait des études d'histoire de l'art, elle était devenue l'assistante du professeur Henri Focillon. C'est donc le cœur en écharpe qu'Henri Michaux entreprend son second voyage en Amérique du Sud, le 27 juillet 1936, 3 mois après la sortie de "Entre centre et absence" que n'avait pas lu Gaston Ferdière.
Arrivé en Uruguay, chez Supervielle, c'est le coup de foudre pour Susana Soca, une jeune femme cultivée, francophile et francophone. A l'automne 1936, Michaux écrit à Jean Paulhan : "Je suis amoureux. Tu crois qu'elle m'aimera ?". Ce tutoiement en dit long. Rappelons ici même que, d'une certaine manière, Jean Paulhan a "fait" Henri Michaux, en le publiant, en l'aidant, en le stimulant au besoin. Sans lui, Gaston Gallimard, commerçant avisé, aurait été sans doute plus circonspect, et d'abord devant le manuscrit de "Qui je fus". Et Michaux a très vite su qu'il pouvait se reposer sur lui. Il est arrivé que Paulhan lui refuse le texte, mais c'était exceptionnel et provisoire.

Pour autant, cet amour fou pour Soca tourne court : vieille fille, Susana vit avec sa mère, grande bourgeoise catholique, abusive, pleine de préjugés. Elle préférera son respect filial à sa passion amoureuse. Ils rompent en décembre 1936... Quant à Marie-Louise Termet, elle rejoint Henri M. dans le sertão brésilien en 1939, mais rentre avant le poète en France. En 1940, de retour à Paris en pleine guerre, il n'attend pas la débâcle pour se réfugier dans le Midi (Lavandou) avec Marie-Louise. Toujours étranger, de nationalité belge, il est assigné à résidence. Il va y rester, avec Marie-Louise, jusqu'en juillet 1943. "Plume est prisonnier", écrit-il à l'éditeur Fourcade, sur une carte "inter-zones" règlementaire. Le 22 mai 1941, à Nice, André Gide est empêché par la "Légion des anciens combattants" pétainistes de prononcer sa conférence, "Découvrons Henri Michaux", dont il publie le texte chez Gallimard. En fait, l'interdiction visait plutôt Gide que Michaux ; Gide, incarnation de "l'esprit de jouissance" selon les propos de Pétain, l'avait emporté sur "l'esprit de sacrifice", provoquant la décadence et la débâcle. Les militants vichyssois, que l'on imagine mal avoir lu "Plume", considéraient donc a priori qu'être présenté par Gide était une tare.

Le 11 août 1942, il écrit au critique Maurice Saillet : "Si les mauvaises (!) pensées de Valéry ont paru trop mauvaises et les déjeuners de soleil de Fargue trop d'enfer, eh bien recouvrons aussi HM. Il n'est pas pressé du tout. Demain, demain verra d'autres choses. Joie de vous revoir. Rendez-vous proposés : 1) Marseille du 21 au 23 ; 2) du 24 au 31 au Lavandou, un patelin d'accès peu commode hélas, depuis la suppression du car Marseille-Lavandou-Nice ; à la rigueur à Toulon. Tériade est-il dans les environs ?". Il rencontre aussi René Tarvernier, qui dirige la revue Confluences à Lyon et le publiera régulièrement à partir de février 1943, à commencer par son célèbre "Chant dans le labyrinthe", clé de voûte du futur "Epreuves, Exorcismes, 1940-1944", éd. Gallimard, imprimé le 21/12/1945.

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16/02/2021 | Lien permanent

Henri Michaux et les années d'Occupation : d'épreuves en exorcismes

Nous en étions restés, dans une précédente note blog, à René Tavernier, qui publia parmi les plus beaux poèmes de Henri Michaux dans sa revue Confluences, textes qui seront repris in "Épreuves Exorcismes". Citons "Ecce homo", poème dédié à Mayrisch Saint-Hubert, texte paru dans le numéro 20 (juin 1943). Loup Mayrich accueillit le poète avant la guerre dans son château de Colpach, au Luxembourg, propriété où elle mourra, en 1947. [Permettez-moi cette digression : cette résidence de Loup Mayrich était décrite, par ceux qui y ont séjourné, comme un paradis terrestre. Un château aux murs couverts de tableaux impressionnistes, dans un parc aux arbres centenaires peuplé de statues de Bourdelle et de Maillol ; Aline Mayrich de Saint-Hubert recréera un cadre du même genre, pendant la guerre, dans sa propriété de Cabris, près de Grasse, dont on a dit que c'était "l'un des plus beaux lieux du monde".] ; citons encore, et surtout, "La Lettre", parue dans le numéro 27 de Confluences (décembre 1943), un texte majeur dans l’œuvre du poète. Là même où Michaux a voulu donner un équivalent moderne de la poésie épique de l'Antiquité et de l'âge classique : c'est l'épopée de l'oppression et de la résistance à l'oppression, comprenant, dans sa version finale, 23 chants, suivis d'une ligne en pointillés et de la mention "inachevé", ce qui est unique dans l’œuvre du poète.

Riche bourgeois lyonnais, qui avait eu une enfance dorée au bord du lac de Côme, René Tavernier était fort cultivé, inventif, brillant. Il a fait de sa vie une aventure. C'est près de Sainte-Maxime, au bord de la Méditerranée, où Michaux s'était réfugié et où Tavernier avait une résidence secondaire, qu'ils se sont rencontrés en 1942. René Tavernier n'avait que 27 ans, mais il avait déjà un rôle important dans la vie littéraire nationale ; sa revue Confluences était l'organe de la Résistance au grand jour.

Poète, Michaux est devenu parallèlement peintre en 1931, changeant alors, pour reprendre son expression, "de gare de triage". Après ses Narrations (que n'aurait pas renié un Max Ernst, voir ses étonnantes pages d'écriture insérées dans le catalogue de dessins et gouaches d'Unica Zurn, paru au Point Cardinal, une galerie aujourd'hui disparue, qui faisait angle avec trois rues du sixième arrondissement : précisément au 12 rue de l'Echaudé-Saint-Germain, pour une exposition qui s'est tenue du 9-31 janvier 1962), il se livre à des frottages, de 1942 à 1947 (fidèlement reproduits par le Musée d'art et d'histoire de Genève, éditions Bärtschi-Salomon, 112 pages : une période intéressante et mal connue du plasticien qu'il fut) ; puis des fonds noirs, des Mouvements, exécutés eux sur des pages blanches ; des portraits à l'aquarelle, foules en marche, des dessins mescaliniens (la plus belle réalisation en livre de cette période de l'artiste a pour titre Paix dans les brisements, édité par le galeriste Karl Flinker, dans un format à l'italienne)...

Pour les curieux, Michaux, qui savait se montrer généreux, offrit un carnet de 32 frottages originaux au crayon noir, datés de 1945-46, à René Bertelé, cadeau à un éditeur qu'il estimait particulièrement, qui l'a même conseillé dans sa production littéraire, en émettant par exemple des réserves à la sortie du livre Nous deux encore, qui par suite sera partiellement détruit sur demande de l'auteur. Rappelons que René Bertelé, qui a contribué à mieux faire connaître Henri M., a sans doute été, avec l'éditeur Jacques Fourcade, le plus dévoué de ses amis. Commencé sous l'Occupation, ce commerce amical s'est poursuivi après la Guerre. Les étapes les plus marquantes en sont des livres : le Panorama de 1943, qui fait une bonne place à Michaux ; l'anthologie intitulée L'Espace du dedans, préparée en collaboration entre l'auteur et son exégète ; le petit Michaux de la collection "Poètes d'aujourd'hui", en 1946 ; Peintures et dessins, publié par Bertelé lui-même aux éditions du Point du jour, qu'il vient de créer ; enfin, en 1948, toujours aux éditions du Point du jour, Meidosems, ses fameuses créatures fabuleuses, sujets de ses poèmes accompagnés de treize lithos à même la pierre, couverture comprise, d'un étonnant vert mélèze.

 

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 Henri Michaux, frottage original au crayon noir (Circa, 1946) 31 x 24 cm 

Retour au Lavandou, où le couple demeure jusqu'en juillet 1943. En pleine Occupation, Michaux et sa compagne Marie-Louise Termet décident de s'implanter à Paris, il se marient en décembre de cette même année et s'installent rue Notre-Dame-des-Champs. Après tant d'adresses de fortune, Michaux devient un Parisien attaché à la rive gauche. Il habitera ensuite boulevard Raspail ; puis, pour longtemps, rue Séguier ; enfin, après la mort de Jean Paulhan en 1968, avenue de Suffren, au cœur de ce Paris littéraire et artiste où vivent aussi beaucoup de ses amis, lieu de la plus grande présence humaine possible. Ce qui ne signifie pas qu'Henri M. ait jamais aimé le regard des autres : dans son dernier logement par exemple il n'y avait pour tout regard vers le dehors qu'une ouverture zénithale...
La grossesse de Marie-Louise lui inspire un livre étonnant, un aveu : "Tu va être père, d'un certain Plume", entre la crainte, l'horreur et la tentation, mais la naissance n'a pas lieu. Ce recueil, composé de 25 feuillets non foliotés, sera imprimé en 1943, à 300 exemplaires, par Pierre Bettencourt, et se vendra sous cape, à Paris. Il porte une couverture verte, jaune, rouge et noire et ne sera repris que dans les Cahiers de L'Herne, d'abord en 1966, ouvrage réédité en 1982, p. 331 à 333 ; enfin, contre les vœux de l'auteur post-mortem, dans La Pléiade.

Chacun de nous a des souvenirs heureux des lieux où il a été enfant, et en garde la nostalgie. Chez Michaux, rien de tel. Il a été privé de cette privation : il a bien la nostalgie d'une enfance, mais d'une enfance autre que la sienne, en des lieux autres que Namur (où il est né, au 36 rue de l'Ange, dans la vieille ville) et Bruxelles. Ce qui fut la demeure familiale est le négatif de cette résidence idéale de l'enfance. A plus de quatre-vingts ans, le poète fera une sorte de pèlerinage sentimental à l'envers dans ces lieux. Il ne les retrouve pas, ou ne les reconnaît pas. On ne peut ici que rapprocher cette enfance anorexique (ce dont souffrait le jeune Michaux : "Il continue à avoir le dégoût des aliments, les fourre enveloppés de papier dans ses poches et, une fois dehors, les enterre.", in "Quelques renseignements sur cinquante-neuf années d'existence" de celle de Rimbaud déclarant : "Ma ville natale est supérieurement idiote entre toutes les villes de province".

Et aujourd'hui me direz-vous, quid du 36 rue de l'Ange ? : il ne subsiste qu'une plaque "Ici est né le poète Henri Michaux", sur ce qui était devenu une banque... Mais une plaque fautive, car l'îlot où se trouvait l'appartement de la famille Michaux, à présent, a été rasé ; et l'actuelle place de l'Ange, aménagée sur l'élargissement de l'ancienne rue.

... Suivent, aux approches de la Libération, pour le couple, quatre ans de bonheur inégal, instable, "médiocre", tragique, ce qui implique une forme de grandeur.

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14/02/2021 | Lien permanent

Les premiers textes d'Henri Michaux sur la drogue, in ”Ecuador”

Contrairement à ce qu'il est écrit dans La Pléiade : tome III, page 1495, note 1, les premiers textes d'Henry Michaux (avant 1930, il convient de mettre un "y" à son prénom) sur la drogue ne se trouvent pas dans La nuit remue mais bien dans Ecuador, dans l'édition originale bien sûr, un ouvrage qui assurera sa notoriété. Ce livre est d'ailleurs à lire entre les lignes, car on y trouve des renseignements personnels, repris nulle part ailleurs...
Je vous donne lecture du premier de ces textes, en page 85-86 ; on remarque toujours cette aspiration à la grandeur - lisible dans son poème précédent écrit en pirogue, plus tardif, en date du 3 novembre. Voici :


30 mars 28.

La nuit passée, j'ai pris de l'éther. Quelle projection ! Et quelle grandeur !
L'éther arrive à toute vitesse. En même temps qu'il approche, il agrandit et démesure son homme, son homme qui est moi, et dans l'Espace le prolonge et le prolonge sans avarice, sans comparaison aucune. L'éther arrive à une vitesse de train, par sa route de bonds, d'enjambements : Escalier à marches de falaises.
Ainsi gravit les paliers de l'atmosphère un oiseau grand voilier dans la Cordillères des Andes.
Cependant mes pieds et mes jambes, comme s'il y venait goutte à goutte le dépôt de ma pesanteur matérielle, s'éloignent, se caoutchoutent au fin bout de moi-même.
Et sur ma bouche une bouche de glace.


Henry Michaux

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Ler Napo, qu'a parcouru Henry Michaux

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22/02/2021 | Lien permanent

Henri Michaux, la fin d'une belle aventure

Jean-Pierre Martin raconte qu'Henri Michaux et Marie-Louise Termet, dans les premiers temps qu'ils se connaissaient, "le soir se lisaient à haute voix Lautréamont." Ce que Michaux a tant admiré en Maldoror, c'est l'étrangeté et la liberté et la grandeur. L'auteur s'y cache comme il rêve lui-même de se dissimuler dans ses œuvres. Il tient à être le plus subjectif et le plus énigmatique des écrivains. On peut voir comment, par exemple dans "La Ralentie", à sa manière, moins déclamatoire que celle de Maldoror, il avoue, mais comme en secret, ce qui lui est le plus personnel, la passion amoureuse. Il y a d'ailleurs un curieux rapport entre les amours de Michaux et celles de Lautréamont : l'allusion à l'écrivain qu'il admire dans le poème de 1928 à Banjo, justement intitulé "Amours" ; ou la coïncidence presque magique qui le fait tomber amoureux d'une belle uruguayenne, dans la ville même, Montevideo, où Isidore Ducasse est né et a vécu.

Amours     

  "Toi que je ne sais où atteindre et qui ne liras pas ce livre,
  qui as fait toujours leur procès aux écrivains,
  Petites gens, mesquins, manquant de vérité, vaniteux,
 Toi pour qui Henri Michaux est devenu un nom propre peut-être semblable en tout point à ceux-là  qu’on voit dans les faits divers accompagnés de la mention d’âge et de profession..." in La nuit remue

L'année 1944 voit la mort de son frère, Marcel, qui ne l'estimait guère, comme peu conforme au "modèle" de la réussite sociale. Gardons toujours à l'esprit qu'Henri Michaux a su montrer, tout au long de son existence, une attitude pour le moins anti-conventionnelle. Sa rencontre avec l'un des chantres de la contre-culture, Allen Ginsberg, rue Gît-le-Coeur, dans le fameux hôtel que l'on sait, en 1958, est là pour en témoigner, s'il en était besoin...

Ne pas oublier non plus que Michaux tenait en grande estime l'attitude d'Artaud, dans ses démêlés avec son psychiatre, Ferdière (qui fut d'abord l'époux de Marie-Louise Termet). Il lui trouvait "une superbe dignité". Bien entendu, lui qui n'allait guère aux conférences ni aux colloques, a assisté à la fameuse "conférence" d'Artaud le 13 janvier 1947 au théâtre du Vieux Colombier, annoncée comme l'"Histoire vécue d'Artaud-Mômô. Tête-à-tête par Antonin Artaud." Henri Pichette, au cours d'une réunion de lettristes, en 1947, a pu saluer Henri Michaux et Antonin Artaud comme "père et mère". Pourquoi pas !

En 1946, alors que la maladie de Marie-Louise (la tuberculose) contractée suite aux restrictions alimentaires de la Seconde Guerre mondiale ne cesse de l'affaiblir, le couple effectue un voyage au pays basque. En ce temps-là, on mourait encore de tuberculose. Avant la pénicilline, il n'y avait guère que le sanatorium, célébré par Thomas Man. Marie-Louise a fait elle aussi l'expérience de la "montagne magique". Elle semblait aller mieux : elle ne mourrait pas de maladie. Le couple emménage dans l'appartement de la rue Séguier. Cette année-là, ils voyagent à deux en Egypte, un pays qu'ils découvrent.

En janvier 1948, en l'absence de Michaux qui est allé à Bruxelles pour régler des affaires de famille en lien avec la mort de son frère , Marie-Louise est gravement brûlée. Aussitôt prévenu, HM revient de Bruxelles. Il assiste jusqu'au bout à ses souffrances, jusqu'à sa mort. "Je ne trouve plus devant moi que le vide". Pour réagir, il se met à peindre, de plus en plus "nerveusement", "rageusement", des milliers de dessins, de gouaches, d'aquarelles. Il improvise, sur plusieurs instruments, des musiques barbares, lancinantes. S'essaye aux percussions. Pour marquer ainsi la fin d'une belle aventure.

Peu de temps après la parution de Meidosems, Michaux fait paraître, à la mémoire de la disparue, Nous deux encore, édité par J. Lambert et Cie, où au regret poignant se mêle un irrépressible remords. Cette plaquette se compose de 32 pages foliotées de 9 à 23 ; un tirage de 750 exemplaires sur vélin du Marais Crèvecœur (dont 100 hors commerce) :

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Il dédicace son livre à René Bertelé : "A René Bertelé, quoiqu'il soit contre. H. Michaux", dédicace très sèche car il n'a pas suivi les recommandations de son ami. De là sa décision sans doute : il fait détruire, peu de temps après sa sortie, une grande partie de l'édition de ce livre, interdit de réimpression car Michaux le juge trop personnel pour être ainsi donné en pâture aux lecteurs. Il faudra attendre l'édition post mortem de La Pléiade pour le lire de nouveau.

En dépit de cela, deux mois à peine après la mort de l'écrivain, le 19 octobre 1984, Michel Butel, in L'Autre journal n°1 (décembre 1984) publia en pages 202 à 205 l'intégralité de la plaquette intitulée Nous deux encore, sans autorisation, s'attirant les foudres de celle qui fut sa compagne, l'exécutrice testamentaire de HM, Micheline Phankim.

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19/02/2021 | Lien permanent

”Peintures”, Henry Michaux, Paris, G.L.M., 1939

Du temps où il signait encore avec un "y", voici ce qu'écrivait l'auteur de "Plume" et que mon professeur de première (qui aimait comme moi l'emploi du passé simple) m'avait fait découvrir. Notre livre de référence était un classique Hachette intitulé "Thèmes et réalités" codirigé par R. Perru et C. Launay, un format à l'italienne, d'un beau vert jade. J'étais alors lycéen, sur les hauteurs de Tunis (la butte de Mutuelleville), non loin de la faculté... Je devais retrouver ce poète, étudiant "la Nuit remue" à la Sorbonne en l'année 1982/83. Nul n'était sans savoir que "cet explorateur de "l'espace du dedans" ne se considér(ait) pas comme un écrivain et refus(ait) les honneurs qu'on v(oulai)t lui décerner". Il lui restait un peu plus de deux années à vivre, mon professeur de Lettres modernes s'étonnait alors qu'il ait pu confier (en 1982) des poèmes en prose à Pierre Nora, du "Débat", car aucun poète jusqu'alors... ; et les journalistes se bousculaient pour photographier Henri Michaux lors de ses rares sorties publiques, comme au Collège de France (avec des lunettes de soleil sur les yeux). Ce que l'on oublie généralement de signaler : c'est sa peinture qui le faisait vivre. Grâce soit rendue à la galerie Le Point Cardinal, aujourd'hui disparue - certains de ses catalogues furent alors préfacés par Yves Peyré - qui lui permit de vivre un peu mieux que l'honorable moyenne. J'ai eu la chance d'y voir, dans les réserves de ladite galerie, des lavis et aquarelles exécutés - plus de cent à ma souvenance - après la mort de sa femme Marie-Louise Termet, une geste compulsive.
C'est ce poème, "Clown" (le titre aussi d'une peinture de Michaux) qui sera le point de départ de la correspondance que j'entretins avec Pascal Ulrich, mais lisez plutôt :

 

CLOWN


Un jour
Un jour, bientôt peut-être.
Un jour j'arracherai l'ancre qui tient mon navire loin des mers.


Avec la sorte de courage qu'il faut pour être rien et rien que rien,
Je lâcherai ce qui paraissait m'être indissolublement proche,


Je le trancherai, je le renverserai, je le romprai, je le ferai dégringoler.
D'un coup dégorgeant ma misérable pudeur, mes misérables combinaisons et enchaînements "de fil en aiguille".
Vidé de l'abcès d'être quelqu'un, je boirai à nouveau l'espace nourricier.


A coups de ridicules, de déchéances (qu'est-ce que la déchéance ?), par éclatement, par vide, par une totale dissipation-dérision-purgation, j'expulserai de moi la forme qu'on croyait si bien attachée, composée, coordonnée, assortie à mon entourage et à mes semblables, si dignes, si dignes mes semblables.


Réduit à une humilité de catastrophe, à un nivellement parfait comme après une intense trouille.
Ramené au-dessous de toute mesure à mon rang réel, au rang infime que je ne sais quelle idée-ambition m'avait fait déserter.
Anéanti quant à la hauteur, quant à l'estime.
Perdu en un endroit lointain (ou même pas), sans nom, sans identité.


CLOWN, abattant dans la risée, dans l'esclaffement, dans le grotesque, le sens que contre toute lumière je m'étais fait de mon importance,
Je plongerai.
Sans bourse dans l'infini-esprit sous-jacent ouvert à tous, ouvert moi-même à une nouvelle et incroyable rosée

à force d'être nul
et ras...
et risible...


Henry Michaux

 

* Ce poème avait initialement été publié par la revue "Mesures", en janvier 1939.

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27/05/2018 | Lien permanent

L'aphorisme ou la totalité retrouvée, chez Henri Michaux

Réflexion sensible de Sylvie Jaudeau, sur la quête de l'homme total chez Michaux, vue sous l'angle de l'aphorisme :


Le double (compris dans son sens étymologique : "diviseur") induit cette volonté combien écartelante qu'est l'acte littéraire : écrire, cette absence à soi et au monde, la plus séduisante perversité de l'esprit qui s'éprouve là où il n'est pas, dans l'abîme même qui sépare les mots et les choses.
L'œuvre de Michaux, existentielle s'il en est, se fait l'incomparable chambre d'écho d'une conscience en quête de réconciliation. Une langue de la rupture mime la totalité brisée de l'être. Michaux découvre sa respiration naturelle dans le fragment, les notations de l'instant, les phrases fusant comme des éclats sans noyau verbal. Cette langue se défend de recréer une forme harmonieuse et artificielle, mais épouse les rythmes internes discordants et multiples d'une pensée en passe de se désintégrer. Elle est ainsi définie par son auteur : "Abrégé dynamique fait de lances et non de formes", à l'image de cette créature monstrueuse, le meidosem, composé de "lances enchevêtrées".
Cependant le désordre de ces formes brisées tend parfois miraculeusement vers un centre, suivant les efforts réitérés de la conscience double vers sa réunification, quand il aboutit à l'aphorisme. Là Michaux semble jouir d'un repos salvateur. Réconciliation et apaisement de l'aphorisme que Cioran n'aurait pas contesté, lui qui affirmait : "Ne cultivent l'aphorisme que ceux qui ont connu la peur au milieu des mots, cette peur de crouler avec tous les mots."
L'amateur de pensée paradoxale et de non-sens se délecte de ces quelques "branches de savoir", où se donne libre cours l'humour de démon sceptique :
- "Qui cache son fou meurt sans voix."
- "Comme on détesterait moins les hommes s'ils ne portaient pas tous figure."
- "Les oreilles dans l'homme sont mal défendues. On dirait que les voisins n'ont pas été prévus."
Cette tendance affleure spontanément et non seulement dans des textes délibérément aphoristiques, (Tranches de savoir - Poteaux d'angle), mais aussi dans les proses ou poèmes où, de temps à autre la phrase acquiert son autonomie, tenant en suspens le flux de la pensée : en voici quelques exemples :
"Il doit bien y avoir de l'être. Même moi il faut assurément que je sois."
ou bien cette phrase entre toutes :
"Qui va assez loin en soi a grand peine à éviter le démon. Voir sans démon l'angélique ou le divin, c'est manquer d'expérience. 
... ou c'est la grâce des grâces."

Dans l'aphorisme se conjoignent le penchant vers la fragmentation et l'exigence d'une totalité. Forme close sur elle-même, il est à lui seul un livre, un tout à l'intérieur d'un autre tout. Chaque aphorisme recrée un microcosme. Rien d'étonnant à ce qu'un esprit en quête d'unité y incline naturellement. Il répond à l'impulsion d'une pensée ennemie des systèmes, prête à assumer ses divergences et à unir les contraires. 
L'aphorisme où éclate la vérité d'un paradoxe sait réconcilier une conscience désireuse d'intégrer en elle le bien et le mal, de cohabiter avec son démon, de se faire l'hôte d'une dualité exempte de discorde.

 
Sylvie Jaudeau

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06/08/2021 | Lien permanent

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