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Rechercher : henri Michaux

Agrippa d'Aubigné (1552-1630), le prince des baroques : un regard sur ”L'Histoire universelle”

               La fameuse "Histoire universelle" d'Agrippa d'Aubigné fut imprimée clandestinement car son auteur n'avait pas obtenu de privilège pour son ouvrage, ayant en outre refusé de communiquer son manuscrit au garde des sceaux Guillaume Du Vair ; il dut en conséquence se résoudre à faire venir dans sa propriété vendéenne de Maillé (près de Maillezais) l'imprimeur niortais Jean Moussat et ses ouvriers. Le premier volume fut achevé en mars 1618, le second en juillet 1619, mais Agrippa d'Aubigné ayant dû quitter Maillé pour Saint-Jean-d'Angély en décembre 1619, Jean Moussat le suivit et y acheva l'impression du troisième volume vers avril 1620. Cette édition originale a été condamnée à être brûlée dès le 2 janvier 1620 par le tribunal du Châtelet.

Chevalier vengeur du protestantisme, d'Aubigné sera pour Henri IV un ami fidèle, mais sans complaisance. Attaché au service du futur Henri IV, calviniste intransigeant marqué par la conjuration d'Amboise (1560), puis par le massacre de la Saint-Barthélémy auquel il échappa (1572), humaniste érudit autant que vaillant guerrier, il composa une oeuvre littéraire ardente et diverse à l'image de sa vie passionnée. Son amitié avec Henri IV ne fut pas sans orages et connut des éclipses : en 1577, quand celui-ci l'incita à écrire l'histoire de son règne, il lui aurait répondu : "Sire, commencez de faire & je commencerai d'escrire" (p. 6). C'est après l'abjuration du roi que d'Aubigné se retira à Maillé et qu'il y composa, en s'astreignant désormais à l'impartialité, son Histoire universelle principalement consacrée à la chronique du parti réformé de France.

Au-delà de la vie du futur Henri IV, qui fait le cadre historique de l'ouvrage, l'Histoire universelle embrasse toute l'époque, et toute l'Europe. A la connaissance qu'il a lui-même des faits, Agrippa d'Aubigné ajoute les témoignages d'autres protagonistes. Sa démarche d'historien s'explique par son engagement sans faille en faveur du protestantisme. Il avait conscience d'appartenir à une famille spirituelle massacrée et se sentait investi du devoir de mémoire. Il cultive un providentialisme semblable à celui que Calvin avait exposé dans le premier chapitre de son Institution chrétienne, et considère ainsi que Dieu est présent dans l'Histoire : "vous tirerez de ces narrations le vrai fruict de toute l'Histoire, qui est de connoistre en la folie & foiblesse des hommes, le jugement & la force de Dieu" (p.6). En revanche, s'il est l'homme d'un parti, il s'exprime sans haine dans cette oeuvre "en laquelle c'est chose merveilleuse qu'un esprit igné et violent de son naturel ne se soit montré en aucun point partisan, ait écrit sans louanges et blâmes, fidèle témoin et jamais juge" (adresse "Aux lecteurs" des Tragiques, 1616).

Figure majeure de la poésie baroque, d'Aubigné fut aussi un prosateur de grand talent. Fils de la Renaissance mariant la violence du temps et l'élégance érudite de la vie de cour, il laissa des pamphlets, un roman picaresque, de nombreux vers, mais surtout le recueil poétique des Tragiques et son Histoire universelle, qui racontent de deux manières différentes l'épopée du parti protestant. Ses qualités de prosateur sont éclatantes, où la plus grande précision se nimbe d'un sombre lyrisme. Ainsi par exemple quand il commente la mort d'Henri IV et la précarité des choses humaines :

"Les tragedies observent deux proprietez qui se tiennent bien la main ; c'est que non seulement elles ont des yssues lugubres & sanglantes ; mais aussi ont-elles des personnages ausquels il eschet de ne finir point à la mode des moindres & de la mediocrité [...]
Or voici la conclusion, non seulement de mon Histoire, mais de toutes celles qui ont esté escrites & s'escriront jamais [...], c'est que les succez envoient par force les yeux & les esprits de la terre tenebreuse au ciel luisant, des splendeurs qui passent aux eternelles, des roiaumes caduques au permanent, & enfin de ce qui paroist estre, vivre & regner, à ce qui seul est, vit & regne veritablement." (pp. 547-548) DM

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02/09/2014 | Lien permanent

Jean-Michel Maulpoix ”Du Lyrisme”, José Corti éd., 448 p. troisième partie

Bernard Leclair : A étoiler la notion lyrique comme vous le faites, ne vient-il pas un moment où elle se confond avec l’idée même de littérature ?

Jean-Michel Maulpoix : La littérature dans son énergie, dans le mouvement qu’elle s’efforce de faire vers un sens en empruntant ce que Michaux appelle "la voie des rythmes". La littérature en tant qu’il nous reste toujours à essayer d’en ressaisir le pourquoi. Il est intéressant aussi de constater combien la notion de lyrisme brouille les frontières entre les genres. C’est souvent un mot de prosateur que la poésie démange. Le poète, au contraire du philosophe doit descendre dans cette espèce de désordre qu’il est, cette masse d’illusions qu’il accumule. Il appartenait jadis à la lyre de pacifier les éléments déchaînés. L’harmonie du chant fut longtemps tributaire d’un ordre que le lyrisme avait pour objet de retrouver. Il s’agissait alors de se remettre au diapason d’une création intrinsèquement bonne. Pour nous, l’expérience du lyrisme conduit plutôt à descendre dans le puits obscur de la langue ! J’aime que ce verbe descendre inverse l’envol icarien en une plongée ou un creusement. C’est en descendant dans la langue, dans le travail de figuration propre à la langue que l’on peut arriver à une espèce de posture, où s’équilibreraient le démon de l’absolu et le principe de réalité. Tel pourrait être l’horizon du trajet lyrique. Un détour qui conduit au proche, un mensonge qui ramène au vrai, un envol qui nous rend au sol.

Bernard Leclair : Cela évoque l’extraordinaire citation de Gide, inattendue, que vous rappelez : "Je crois que j’appelle lyrisme l’état de l’homme qui consent à se laisser vaincre par Dieu (…) et je crois volontiers qu’on n’est artiste qu’à condition de dominer l’état lyrique ; mais il importe, pour le dominer, de l’avoir éprouvé d’abord". Pour autant, chez la plupart des prosateurs, la revendication lyrique est toujours distanciée.

Jean-Michel Maulpoix : Le lyrisme constitue à la fois un repoussoir et une tentation. N’oublions pas qu’il peut donner lieu aux pires débordements, aux pires embrigadements. Les régimes totalitaires en ont fait un usage particulièrement efficace. L’exaltation nationaliste prend volontiers comme arme une forme de propagande lyrique. Le lyrisme est aussi ce qu’il s’agit de tenir sous surveillance. Aussi bien sous sa propre plume ou dans sa propre voix, que tout autour de soi. Je suis par exemple frappé de la manière dont notre présent baigne dans le sentimentalisme médiatique. L’attente "lyrique" du public se laisse si facilement détourner et corrompre ! Là aussi réside à mes yeux l’obligation de traiter sérieusement de cette notion : lui tourner le dos avec mépris, c’est aussi laisser libre cours à ces débordements. Reconsidérer avec un certain sérieux ce qui se joue dans le lyrisme a aussi du sens par rapport à ce qui nous menace alors que nous sommes sous un ciel vide, et que les médias s’empressent de disposer de cette espèce de ferveur inemployée en chacun.

Bernard Leclair : On rejoint là, en débouchant sur cette distance critique imposée par l’Histoire, les polémiques qui ont traversé la poésie depuis une dizaine d’années. Sont-elles toujours aussi vives ?

Jean-Michel Maulpoix : Plus que jamais, quoiqu’elles s’inscrivent maintenant dans un travail de réflexion sur ce qu’est la poésie. De nombreux livres parus ces dernières années, comme ceux de Michel Deguy, Bernard Noël, Jacques Roubaud ou Christian Prigent, ont donné du sérieux à ce débat moins directement polémique. Pour autant, j’ai l’impression que si le pan lyrique de la poésie contemporaine n’a pas besoin de s’opposer à qui que ce soit pour exister, il n’en va pas de même pour tout un formalisme qui a besoin de désigner un adversaire, et donc de maintenir cette notion de lyrisme dans une espèce de suspicion originaire, voire d’en reconduire les clichés.

Bernard Leclair : En particulier en dénonçant une dimension religieuse qui lui serait attachée.

Jean-Michel Maulpoix : Oui, le côté saint-sulpicien, etc. Certes, il y a dans le lyrisme un mouvement vers une forme de sublimité ou de religiosité, ce qui n’est pas la même chose… Mais il importe que le ciel convoité reste vide. L’aspiration à ce que Mallarmé appelle "autre chose" vaut de rester privée d’objet ! "Lyrisme" reste donc un mot en suspens. Peut-être un mot funambulique, funambulesque. Il m’intéresse de considérer à travers lui ce mouvement étrange qui pousse à écrire et à avancer sur le fil de la voix. Sans doute la dimension aujourd’hui la plus importante est-elle celle de l’adresse à un lecteur inconnu, insaisissable ; le lyrisme est tendu vers l’autre. Moins avide du Dieu que soucieux du semblable, il ne cesse de tenter ou de rêver de réconcilier l’écriture et la vie. Si l’acte d’écrire suppose une coupure par rapport au dehors, le lyrisme voudrait l’abolir. Faire entrer dans la langue la substance et les énergies de la vie. Mais aussi bien descendre dans ce mystère que reste le langage, approcher la façon dont il vit en nous ou nous manque.

Jean-Michel Maulpoix

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11/10/2017 | Lien permanent

Journal indien ( I ), Daniel Martinez in ”Diérèse” 79, octobre 2020, 15 €

à Jayanti V.


"Emancipate yourself from mental slavery", avais-je lu dans une boutique, sur une feuille aux incrustations dorées, rayées de petites fibres colorées qui semblaient des pilosités prises dans l'ambre. Puis, à la sortie, sur une pancarte : "Clean desert, green desert". J'étais en Inde, au pays de Gandhi, un homme dont on continue à parler ici comme d'un mage, à révérer comme tel.

Une des dix réincarnations de Shiva : la dixième est toujours attendue, ce sera si tant est, en cheval. Sa tête est bleue : couleur du ciel, de l'universel. Deux vautours d’Égypte trônent sur un arbre dénudé.

Sur une pièce de tissu, des hommes à l'ombre d'un grand acacia, jouent aux cartes, silencieusement.

Ici, une réserve à eau se dit "paoli"... Eau minérale en provision, ma réserve vitale. Sous le lit de ma case, au crépuscule, vu une blatte qui faisait la taille d'un lézard. Dans mon bagage, un masque balinais me sert à l'écraser sans remords, puis, enrobée du bout des doigts dans une feuille, à la jeter par la "fenêtre". L'embrasure, devrais-je écrire.

Pour être vus de loin, certains puits ont quatre minarets.

Des femmes en procession passent : avec des noix de coco sur des plateaux et des coupons de tissus multicolores.

Quel est-il donc, celui-ci ? Un pèlerin qui, portant un fanion rouge, va courir les chemins un mois durant. Il fera halte pour s'y recueillir, aux temples de la déesse Dourga.

Toujours à portée de main, Un Barbare en Asie, de H. Michaux, à la couverture cartonnée et toilée ; livre que j'annote à mesure, dessinant dans les marges, au stylo bille.

Des marchands riches (les "marwalis") et leurs riches demeures, des "havelis". Sourire ?

Il y a aussi des Indiens qui voyagent, pas vraiment pour le plaisir, bardés de matelas, draps, oreillers, en wagons climatisés, aussi chers que l'avion.

Des saris sèchent sur des épineux, léger vent. Ma chemise à carreaux bleu nuit achetée dans un bazar de Calcutta s'est déchirée sur le côté ; soupir, elle ne me collait pas à la peau (au propre), malgré la sueur, en continu. Qu’importe : vivre dans un présent de naissance, source d’intime félicité.

Le frigo du pauvre : jarres, cruches de couleur ocre ou grise et plus ou moins pansues, où l'eau reste fraîche. Plus loin, avec toute l'attention requise : transportés à bicyclette, des bidons de lait, percussions légères.

À l'improviste presque, des fours à briques, pareils à d'ocres talus surgis là.

Les routes transverses, dans un tel état ! "En Occident, vous dites bien des nids de poules, ici, ce sont des elephant nests, nids d'éléphants". Certes. 

Un cyclopousse pour les deux kilomètres qui me séparent de mon lieu d‘hébergement, l'homme me demande, pour le prix du déplacement : "What you want" ; ce sera pour ma part 300 roupies. Il me serre longuement les deux mains, ajoutant (que c'est) "a very good price". Amusé, suis-je, par les réflexions d'un Européen à qui je comptais l'aventure et qui me dit, l'air accusateur : "Mais comment avez-vous pu vous livrer à cela ?, vous faire conduire comme leurs anciens colonisateurs ?" Diable !, mais quel fossé décidément sépare l'humanitarisme de l'humanisme...

Des journaliers assis sur leurs talons à l'ombre d'arbres à bois de rose. Payés à la journée, du jour à son possible lendemain des dents manquent à certains. Croiser leur regard, pour se le reprocher. Un dentiste aux petites fioles rouges. Des enfants de sept à dix ans sculptent au regard de tous, sur de petits tapis colorés, de la pierre à savon (brisée à la première chute) qui sera vendue aux touristes comme du marbre : on peut y voir d'abord le Taj Mahal, des figures de dieux, à s'y perdre, le Palais des vents... Leurs doigts sont blancs sous le poinçon manié avec une habileté qui laisse rêveur. A deux pas, un imprimeur dont l'atelier sous l'appartement qu'il habite laisse paraître les caractères dans leurs petits compartiments dédiés et la presse. L’éclat de son trésor. Dans la vitre profonde, les prémices qu’aile l’esprit.

Levant la tête : sur les terrasses courent des singes, de garde-fous en garde-fous. Petits cris de reconnaissance échangés entre eux. Chapardeurs, à l'affût du moindre quignon de pain à voler, ou de quelques victuailles à leur goût. Mais on laisse grandes ouvertes les fenêtres, pour laisser passer un peu d'air.

Un chien famélique ; plus loin, une vache dont le cou fait un angle presque – à l'ombre d'une roue de tracteur. Indifférente, superbe de majesté.

Ce calme régnant, en apparence. Il est là, encore, celui qui écrivit, de retour au pays : En Occident, le journal d'une femme indienne. Respect pour le vivant, pour celles et ceux qui en portent l'image, toutes conditions confondues.

Daniel Martinez

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03/02/2021 | Lien permanent

”Autres séjours”, de Jean-Claude Pirotte, éd. Le Temps qu'il fait, octobre 2010, 200 p., 18 €

JCP 16.jpg

le travail sous la lucarne
est une forme d'oubli


le peu de neige qui semble
doucement venir de la lune
touche la vitre et se transforme
en traînées de larmes le ciel


est plus sombre aussi plus profond
comme l'amer regret des siècles

*


le Vosgien (nouvel insulaire)
Henri Thomas devant la mer


je le vois en rêve sourire
aux nuages aux goélands


aux rochers où l'eau se déchire
à la brume que troue le vent


je le vois c'est un souvenir
que j'invente et puis j'imagine


en écoutant la rumeur vive
des marées d'hiver qu'il me parle
d'avenir sous le soleil pâle

*


il faut inventer le chemin
qui mène aux lointains parages


des pas de l'enfant disparu
le sable a gardé la trace


et c'est là le miracle
où allait-il que savait-il


de ces lieux imprévus
où le soleil se couche


et comment fit-il pour survivre
et grandir entre les dunes mauves

 

Jean-Claude Pirotte

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23/04/2020 | Lien permanent

”Stèles” de Victor Segalen, illustré par Johnny Friedlaender

En 1968, paraît aux éditions Bibliophiles De Provence Stèles de Victor Segalen, livre tiré à 347 exemplaires numérotés. Rappelons qu'il s'agit là d'un recueil de poèmes en prose écrit en 1912 à Pékin, un ensemble de six stèles, l’œuvre majeure du poète. La présente édition, majestueuse, laisse entrevoir tout le talent du graveur, qui venait d'exposer au Cincinnati Art Museum.
Sous les yeux,
un g
rand in-8 long (330 X 170 mm) de 152 pages pliées à la chinoise sous couverture cartonnée de papier-fibre japonais estampée à froid, le dos est de vélin ivoire, le tout protégé par un étui. On peut y admirer sept aquatintes originales en couleurs, hors texte, de Johnny Friedlaender. Robert Blanchet a gravé et tiré sur bois les 7 grandes inscriptions chinoises dessinées par Chou Ling.
 
Édition mise en œuvre et assurée par Henri Jonquières, assisté de Robert Blanchet qui a monté la composition typographique et en a exécuté l'impression. Les textes sont de Victor Segalen, Annie Joly-Segalen, Etiemble, Bernard Gheerbrant. La perfection a un nom (loin des papiers recyclés employés par certains éditeurs actuels...)
 

BLOG FRIEDLAENDER STELES.jpg

Une des 7 aquatintes de J. Friedlaender

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28/11/2018 | Lien permanent

Mort d'un juré du prix Nobel de littérature Nils Göran David Malmqvist (1924-17/10/2019)

Éminent sinologue, Göran Malmqvist a été élu à l'Académie suédoise le 11 avril 1985 pour entrer officiellement en fonction le 20 décembre 1985. Il succède à l'historien de la littérature Henry Olsson. Après son élection, il écrit en 1995 une biographie remarquée sur son ancien professeur Bernhard Karlgren : Bernhard Karlgren – ett forskarporträtt (Bernhard Karlgren – Portrait d'un savant). Malmqvist suivit les pas de son maître par une approche phonétique classique de la sinologie, proche de l'époque des pionniers en la matière qui investissaient en Chine, entre 1910 et 1912, les champs d'une recherche dialectologique qui a tenté de reproduire les canons phoniques de l'ancien chinois. Au sein de l'Académie suédoise, il a participé par ailleurs grandement à la promotion de la littérature chinoise jusqu'alors ignorée. Sous son impulsion, deux prix Nobel de littérature sont décernés à des auteurs écrivant en mandarin : Gao Xingjian en 2000 (il avait depuis 1999 la nationalité française), dont il est le traducteur suédois et Mo Yan en 2012.

NILS GORAN BLOG.jpg

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22/10/2019 | Lien permanent

Les ”Bonnes Feuilles” de Diérèse opus 73

Bonjour à toutes et à tous, comme annoncé, je me lance à présent dans la rubrique des critiques des livres et recueils à paraître dans le prochain Diérèse, soit 30 recensions, voici :

ARABO Silvaine : Arcanes majeurs, éd. de l'Atlantique, 2013
ALHAU Max : En cours de route, éd. L'Herbe qui tremble, 2018
BOURG Lionel : Un oiseleur, Charles Morice, éd. Le Réalgar, 2018
BARBIER Eric : D'un silence inachevé, éd. Alcyone, 2017
CARTIER Gérard : L'ultime Thulé, éd. Flammarion, 2018
CHERBUT Gilles : En ces nuits de juillet que traverse la foudre, éd. Henry, 2018
COMMERE Pascal : Territoire du coyote, éd. Tarabuste, 2017
DANJOU Chantal : Journal de la main, éd. Orizons, 2017
DEGOUTTE Christian : Ghost notes, éd. Potentille, 2017
DHAINAUT Pierre : En secret, à l'air libre, Diérèse 72, 2018
DHAINAUT Pierre : état présent du peut-être, éd. Le Ballet royal, 2018
DUPOUY Christine : Jacques Réda ou la généalogie d'une œuvre, Hermann Savoir lettres, 2017
DUPUY Armand : L'avaleur avalé, éd. Le Réalgar, 2017
ESPONDE Jean : Le désert, Rimbaud, et si l'eau elle-même avait soif ?, Atelier de l'Agneau, 2018
JARRETT Catherine, La mémoire nue, éd. Unicité, 2017
LUEZIOR Claude : Clames - poèmes à dire, éd. Tituli, 2017
MALTAVERNE Patrice : Le sucre du sacre, éd. Henry, 2017
MARTINEZ Daniel : Le Temps des yeux, éd. Le Lavoir saint-Martin, 2016
MASSE Olivier : Poèmes préhistoriques, éd. L'Harmattan, 2013
MINAUX Sébastien : Le fruit des saisons, éd. Alcyone, 2017
MEYNADIER Valéry : Divin danger, éd. Al-Manar, 1997
MORIN Evelyne : Anthologie, éd. Le Nouvel Athanor, 2018
POELS Jeanpyer : La mort et la vie se parlent, éd. La Porte, 2018
PIROTTE Jean-claude : Ajoie, Passage des ombres, Cette âme perdue, éd. Gallimard/Poésie, 2018
PROUTEAU Marie-Hélène : La petite plage, éd. La Part commune, 2015
ROGNET Richard : Les frôlements infinis du monde, éd. Gallimard, 2018
SCHAEFFER Christophe : aImer à quatre temps, éd. Librécrit, Hors collections, 2017
SAINT-PAUL Christian : Toiles Bretagne, éd. Monde en poésie, 2017
TISON Frédéric : Aphélie, suivi de Noctifer, éd. Librairie-Galerie-Racine, 2018
WAUTIER Véronique : Continuo, éd. L'Herbe qui tremble, 2017

Amitiés partagées, Daniel Martinez

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03/05/2018 | Lien permanent

Diérèse N° 62

Dans le dernier numéro paru de Diérèse, le 62e, il conviendrait de citer d’abord, côté « Poésies du monde », des traductions de poèmes en bilingue de Wang Wei (701-761), de la période T'ang :

 

« Déserte semble la montagne,
On perçoit cependant des voix humaines.
Le soleil au couchant pénètre dans la forêt,
Et se reflète sur les mousses. »

 

Chez ce poète, chaque séquence est un psaume muet, qui favorise plus la décantation que l’incantation. Il s’agit de se remplir de vide pour mieux se pénétrer du monde, puisque toute chose est l’image de sa propre disparition, et l’être est la figure la plus proche du néant dont il est la plénitude si fugace. D’où ces mots libérés d’eux-mêmes et de leur excès d’interprétation, imprimés sur le miroir tournant des pages.

 

 

Le premier « Cahier »  de poésie s’ouvre avec Richard Rognet, un bel ensemble intitulé : « En chaque aspect du monde », dédié à Guy Goffette :

 

« Filez vers le lumière beautés profondes
qui hantez les sommets d’ici, filez,
filez, de mes mains engourdies
à l’aisance du ciel choyé par les nuages. »

 

Il y a chez Richard R. cette aisance et cette simplicité propre aux plus grands d’entre nous et j’ai relu pour le plaisir, parallèlement, « La forêt de pins de la Cascine près de Pise », de Percy Bysshe Shelley, en particulier cette strophe :

 

« Sœur rayonnante du Jour,

éveille-toi ! lève-toi !
et viens à nouveau !
dans les bois sauvages et les plaines,
près des étangs où les pluies d’hiver
réfléchissent toute entière la voûte des feuilles… »

 

Ici et là, toujours les mêmes envolées lyriques, disent autant qu’elles reflètent, la Nature (l’art divin), Leibniz. Ouvrir les mains, lâcher les signes !

 

Puis, Silvia Baron Supervielle et ses « Six poèmes en attente » :

 

« vers quelle mort
pousse-t-il
dans ses racines
et ses branches
l’arbre seul
de l’allée ».

 

Le jour s’obscurcit, et comment parler, semble demander Silvia B.S., quand l’ombre couvre les visages ? Silence de braise, où couve l’absolue certitude que l’aventure n’est pas finie, que les mots pourraient racheter cette part d’éternité qui manque aux lèvres, quand ce qui parle en soi n’a ni voix ni visage.

 

Jean-Pierre Chambon et son « Champ de tournesols, embrasement et ténèbres », à la quête « d’un semblant de sens », écoutons-le : « Tout penche, tout semble répondre à l’ordre de la lumière et du vent… L’œil s’applique à supposer dans le grouillement le tracé malhabile de constellations… Je regarde une chenille de braise devenir papillon de cendre sur la pupille des fleurs hypnotisées » Un battement de ciels suffit et le monde reprend sa course, une seconde interrompue ; Isabelle Lévesque suit, quand « L’été retient ses branches »

 

 

Avec Emmanuel Moses, c’est l’« Ivresse » : « Nous avançons sur un fil, pleurant et riant / L’amour est notre balancier mais nous chutons dans le filet… » et, plus loin, l’on repense à Michaux : « L’homme troué ne sait pas aimer / Il prend le visage chéri entre ses mains / Y comprend-il quelque chose, y voit-il rien ? », ténèbres cellulaires et blanc de la lumière, les souvenirs se conjuguent, s’interpénètrent, le poète les saisit, au sens photographique du terme, en une ronde vertigineuse qui nous ouvre tout entiers à son univers.

 

 

Le « Cahier » 2 débute avec Claude Dourguin : « Parmi les agréments de l’écriture, celui de la savoir jamais définitive, et, davantage, éprouver que c’est cela même qui en fait une aventure, oui, cet agrément-là n’est pas le moindre. » Prose raffinée que la sienne qui plonge dans l’histoire aussi bien qu’elle laisse affleurer le présent, souvent pour déplorer les travers et cette perte de repères essentiels de notre civilisation pour appeler de ses vœux : « Notre souhait de poésie ? Ici et maintenant ? Que le réel soit enfin aux couleurs de l’imaginaire… ». tout est dit, car : toucher l’écorce, est-ce l’atteindre ? certes pas. Le poème est attente et désir, hiéroglyphe de la foudre qui nous prend, gagne l’affectif autant que la raison raisonnante.

 

 

Michel Butor : « Transmission d’énergie » :

 

« Entre l’image et la phrase
photographie ou pinceau
impression ou à la main
ou le chant de la diva
des étincelles s’échangent
pour faire tourner les têtes
qui somnolaient tristement… »

 

La tension du sens, le sens des formes comme poussée, comme pulsations et qui instruisent un procès contre ce que l’on appelle à tort l’ordre du monde. Le lieu de la chose est-il ce qui reste en dehors d’elle, ou l’habite ?, ces questions pour le poète se posent tout au bord de ce qu’il perçoit et retraduit (tactilité visuelle), de ces mille riens qui lui sont un tout.

 

 

Troisième et dernier « Cahier », où Pierre Bergounioux nous livre des pages inédites de ses Carnets : « À cette fête des yeux s’ajoute la paix, la solitude vertigineuse de la Corrèze haute… À l’atelier. Je soude un chaman longiligne, sept petits personnages dont le corps est fait d’un burin, les bras de demi anneaux de chaîne et, pour finir, une composition de segments de tôle découpés à l’oxygène. » Sculpteur aussi bien que romancier, Pierre B. m’écrit, parlant de Diérèse 62 : « J’y ai retrouvé des figures familières et, quoique prosaïque dans l’âme, ne me suis pas senti dépaysé. Même Wang Wei pourrait passer pour un contemporain, un voisin… »

 

                                                                   Daniel Martinez 

 

 

 

 

 

 

                                                                             

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15/04/2014 | Lien permanent

Diérèse 68 - en préparation : Gérard Le Gouic

L'auteur de "Sentiments obscurs" (éd. Coop Breizh, 1996, avec un avant-dire de Henri Thomas) fera paraître dans la prochaine livraison des poèmes inédits, dont :

 

PRIÈRE


          Qu’est-ce cela
          pour vous qui pouvez tout ?


          Quelques mots, quelques sons,
          une musique plus fluette
          que celle du pinson,

          une poignée de sable
          que vous répandrez sur ma peau,
          personne ne le remarquera
          même pas la mouche ou le puceron.

          Ce sera un secret
          entre moi qui ne peut rien
          et vous qui pouvez tout...


                                       Gérard Le Gouic

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26/05/2016 | Lien permanent

Jean-Paul Bota nous accompagnera in Diérèse 78

Du vent dans les grues

Errances dans la Cité des Ducs

 

Je n’avais pas fait vingt pas à la suite de l’homme qui portait ma valise, que j’ai reconnu une grande ville.

      Stendhal, Mémoires d’un touriste

 

Le vent ratisse à sa vendange
à chant confus les heures tournent
le ciel remue

      Henri Droguet, Chemin de l’écolier in Ventôses,
      Champ Vallon, 1990

 

Les rues aux noms de corsaires, ainsi de Julienne David morte à Nantes dans la misère, le monument à Jacques Cassard touchant 1 parterre de soucis et jacinthes, herbe qui les frange au rectangle de terre, quelqu’un a planté 1 branche de coton face le monument et les bouchons de bière là, panière à linge bleue renversée parmi les aiguilles de pin, c’est face les anneaux Buren Bouchain, H.A.B. et les bruits de marteau piqueur encore que porte le vent au loin grues Titan jaune & grise à la pointe ouest de l’île Gloriette ou elles à sommeiller et Notre-Dame-de-Bon-Port dans le soir qui descend...


Jean-Paul Bota

VIGNETTE ULRICH.jpg

Dessin aux feutres de Pascal Ulrich

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11/02/2020 | Lien permanent

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