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A propos de ”Autrement contredit” : dernier recueil en date de Cédric Demangeot :

    Aux éditions de la Fée Morgane, à signaler le fameux "Autrement (contre)dit" [la parenthèse est de mon fait] de Cédric Demangeot, livre qui a bénéficié d'une étude (de qualité) d'Isabelle Lévesque sur Poezibao le 27 août.

J'en ai retenu, de cette étude, arbitrairement comme à mon habitude, une phrase, emblématique :
"Devenu "animal" le poète, est-il mort-né, tué en "mésespoir" ?" Cette idée me fait, comme a pu me l'écrire Alain Jouffroy en d'autres circonstances, ré-AJr, reprenant ses initiales. D'abord, comment imaginer le scripteur - point même poussé du haut de la roche tarpéienne par la plus cruelle des neuf Muses - sombrer dans l'animalité ?, quelle disgrâce dites-moi ! Sauf à s'exclure soi-même de ce jeu de miroirs permanent qu'est l'écriture : la tentation il est vrai, est constante, à savoir qu'à force de s'y regarder à l'oeuvre, on finirait par y perdre son image. Ou son  latin ; au pire, le sens des mots eux-mêmes.

Puis : "mort-né", le monde là, où nous évoluons, et pas seulement les poètes - qui certes sont des individus parmi bien d'autres, c'est indéniable, sans jamais pour autant être "assortis à [leur] entourage" - aurait-il cet effet pour le moins pervers ? A y regarder de près, ce n'est pas impossible, mais rien n'interdit à l'Individu justement de tout faire pour s'extraire de la gangue des chemins tracés (et de résister plutôt que de persister).

Au contraire : le poète est sans cesse à naître, et cette force d'extraction qui le caractérise dans le fond (et la forme), est inaliénable. Suffit-il d'y croire, m'objectera-t-on ? mais oui, tout à fait ! Relisez donc le premier des deux auteurs auxquels le blog a consacré un article, à partir du thème : "Où va la littérature ?"... La volonté, première. L'abdiquation ?, il est temps là encore de relire ce poème de Henri Michaux, où le "mage" se lâche, et lance fièrement à ceux qui par dépit ou facilité se contenteraient de leur sort : "têtez la moelle et la couenne des siècles".

Au final : à mon sens, de "mésespoir" il n'est pas plus que de désespoir. Le malheur n'engendre pas ipso facto le malheur, sauf à s'y complaire. La figure romantique et narcissique du poète incompris des dieux a vécu. L'ego est "chose" trop sérieuse pour lui laisser prendre le pas sur la logique même, l'instinct de vie, qui nous porte, jusqu'à notre dernier souffle. Voilà. C'est dit. Pardon à celles et ceux que j'aurais pu choquer, je suis incorrigible...

                                                                                          Daniel Martinez

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06/09/2014 | Lien permanent

La revue ”Phoenix”, dans son numéro 24, parle de Diérèse opus 68

Diérèse, n°68, été-automne 2016

Dans son édito Notes éparses, Daniel Martinez confie aux lecteurs le souffle qui parle Sur le blanc du monde. La traduction redimentionne le chant littéraire écrit-il, ainsi Domaine International donne à lire le poète brésilien Carlos Nejar, le Danois Christensen, le Sud-Africain Sinclair Beiles et l’Américain Edgar Bowers. Dans Cahier I, huit poètes sont présents. La série poétique de Pierre Dhainaut Pour ce matin ce sera tout fait se correspondre art poétique et force créative, elle insuffle ce blanc du monde rendu accessible : "Les poèmes n’accèdent à leur forme exacte que s’ils sont incapables de s’y fixer, comme les arbres.// Les poèmes ne font qu’esquisser une phrase dont nous ne verrons pas le terme. Nous avons toujours, dit-elle, à accueillir." Cahier II invite huit poètes et des lettres de Jean Malrieu à Jean-François Mathé. Diversité des voix et qualité sont de mises, quelques brefs extraits : "le sentiment, lui, était d’une branche à l’autre perdu" (Pascale Flavigny) "Flétrissons le soir, ne craignons/ que le silence sans flocons" (Isabelle Lévesque) "revenir à ce jour/où la vie tenait à une porte mal fermée" (Gilles Lades). L’échange épistolaire est quant à lui éclairé par cette « joie noire » où Malrieu puisait son inspiration. Les lettres disent la dévotion de leur auteur à son travail de revuiste pour Sud, sa bienveillance et son honnêteté. "Recevoir une lettre de Jean, c’était recevoir des nouvelles d’un monde où « il fait un temps de poème »", conclut Dhainaut dans sa présentation. La lettre, lien pérenne et traversée, loin de ne graver qu’une trace, est ce courant drainant ses forces et révélant ad vitæm ses secrets. La partie Regards ne s’éloigne qu’en apparence du poème en offrant à lire des extraits d’un roman de Hélène Mohone, des notes de Pierre Bergounioux (mai 2016) et un texte en prose poétique de Daniel Abel. Dans ses notes, Bergounioux n’enchante pas le quotidien. Le détail des menus faits dit l’adhésion d’un homme au bonheur et à la fraternité. La fragilité physique se dilue dans la lumière des petits gestes, de l’attraction de l’histoire sociale et celle de la littérature. Ensuite, le lecteur retrouve avec plaisir Etienne Ruhaud et sa rubrique Tombeau des poètes IV (Cimetière du Père Lachaise division 27 Jean Rollin et division 49 Gérard de Nerval). Outre faire le récit de leur parcours en offrant des détails propres à satisfaire la curiosité et l’intérêt (même des plus érudits), Ruhaud emploie un style truculent où l’hommage n’est jamais atténué. Ainsi nous écrit-il qu’un lecteur a laissé un homard en plastique sur la tombe de Nerval et nous rappelle que la légende veut que le poète se soit baladé avec un homard tenu en laisse sur les marches du Palais Royal. Simple détail ? Ce numéro de Diérèse s’achève sur Bonnes Feuilles où dix-sept contributeurs offrent leurs lectures, chroniques et études se succèdent. Se trouve là prouvée cette assertion de Michaux reproduite dans l’édito : "écrire tient, pour certains, du vivre".

                                                             Marie-Christine Masset


. . . . . . . . . . .faites passer je vous prie, merci. . . . . . . . . .  

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21/04/2017 | Lien permanent

Les fondamentaux de Diérèse

Historique et orientation éditoriale

La revue de Poésie et Littérature Diérèse, fondée par Daniel Martinez qui la dirige paraît depuis le 21 mars 1998, a d’abord été trimestrielle ; depuis 2015 elle est quadrimestrielle. Soixante-dix numéros ont paru à ce jour dont trois (52/53, 56, 59/60) ont été codirigés avec Isabelle Lévesque. Cette dernière a en outre fait partie du comité de rédaction du numéro 52/53 au numéro 65. Aujourd'hui, Daniel Martinez assure seul la direction et la rédaction de la revue. 

Dans les colonnes de la revue, on trouve réunis des auteurs connus (Jacques Ancet, Federico García Lorca, Richard Rognet, Michel Butor, Zéno Bianu, Pierre Dhainaut, Jean Malrieu, Margherita Guidacci, Bernard Noël, Matthieu Messagier, Pierre Oster, Jean-Claude Pirotte, Louis-François Delisse, Paul Bowles, Lionel Ray, Jude Stefan, Alain Jouffroy, Fabio Scotto, William Cliff, Jean Rousselot, Henri Meschonnic, Thierry Metz, Nicolas Dieterlé...) et des auteurs moins connus, mais qui gagnent à l'être... Le Domaine international ne lui sera jamais étranger, si je puis dire.

Vous l'avez compris, Diérèse ne s'attache pas à publier de la poésie rimée !, sans jamais l'exclure a priori pour autant. Les conflits larvés, voire idéologiques, les flux et reflux entre les courants divers qui agitent la poésie de nos jours ne l'intéressent pas. Plutôt faire la différence entre ce qui est de qualité et... le reste. La diérèse renvoie à cet écart nécessaire avec les idées toutes faites en poésie, aux catégorisations et autres façons d'étouffer la création dans l’œuf.

Dans le prolongement de la revue, les éditions "Les Deux-Siciles" ont été créées en septembre 1998. Le catalogue comprend 45 titres publiés, essentiellement de poésie, à son actif quatre anthologies. Le premier titre : "Les treize empereurs", de Christophe Manon ; le dernier à ce jour : "Poètes électriques, l'insurrection", de Jacques Coly. Des auteurs souvent publiés d'abord dans la revue.

La partie Critique, importante dans Diérèse, est le plus souvent assurée par les auteurs, qui recensent dans la rubrique "Bonnes feuilles" des livres qui leur ont plu, jamais les leurs évidemment ! Dans Diérèse, nous ne sommes pas là réunis pour écorcher tel ou tel éditeur ou confrère revuiste. Seul ce qui plaît est commenté. Une anecdote : un journaliste un jour m'a fait remarquer que ne lui parlait pas, sur la couverture du numéro 48/49, le nez de Pier Paolo Pasolini. A quoi j'ai répondu que le dessin d'après photo était parfois un exercice de haute voltige, que l'important était tout de même le contenu du numéro, truffé d'inédits ; et qu'enfin Diérèse n'était pas Paris-Match. De fait, ce journaliste avait photographié le poète et voulait par ce biais me le faire savoir, histoire de tirer la couverture à lui. Je l'en ai félicité ; il a alors acheté ce fameux numéro.  

Mode de diffusion

Revue et Éditions sont auto-diffusées et auto-distribuées (pas de subventions ni de port payé).  

La sortie du numéro 71 est prévue pour le 21 octobre 2017.

Pour tous renseignements, écrire à :

Adresse :  Daniel Martinez
                 8, avenue Hoche
                 77330 Ozoir La Ferrière    

Adresse Mail : daniel.dierese24@yahoo.fr

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15/07/2017 | Lien permanent

De Diérèse opus 63 au comte de Lautréamont (1846-1870)

       Tout d'abord, des nouvelles du nouveau Diérèse, le numéro 63. La maquette est presque prête ; l'après-midi quasi caniculaire m'a incité à "tracer" comme l'on dit en ski, et à éviter plus que tout l'endormissement – ce qui ne fut pas chose aisée. Voici déjà les deux pages du sommaire, que je vous laisse découvrir. C'est l'occasion de remercier ici Isabelle Lévesque pour son aide précieuse à la confection de cette livraison, étoffée pour le moins et qui ne manquera pas de susciter des commentaires. Mais de grâce, patientez encore pour l'impression proprement dite de ce numéro. Merci pour votre attention. 

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Les Chants de Maldoror

Vous n'êtes pas sans savoir que Genonceaux, l'éditeur d'Isidore Ducasse (comte de Lautréamont), suspendit la première édition des "Chants de Maldoror", effrayé sans doute par le caractère sulfureux de l'ouvrage. Ce ne fut qu'à la deuxième édition, tirée à seulement 150 exemplaires, que le fameux comte de Lautréamont gagna certaine notoriété. C'est l'édition de 1890 qui fit monter Léon Bloy sur ses grands chevaux et provoqua sa tonitruante réplique dans "Le Cabanon de Prométhée", plus tard incluse dans Belluaires et porchers (1905). Mais elle est aussi, ne l'oublions pas, l'édition "pataphysique" de référence, celle que Jarry avait sous les yeux quand il écrivait son inénarrable "Faustroll"... Lecture qu'affectionneront de même, comme il vous a déjà été dit (voir note blog du 8/6), Henri Michaux et Marie-Louise Termet qui, "le soir, se lisaient à voix haute Lautréamont".

Cette seconde édition est illustrée en frontispice d'une gravure macabre de José Roy, avec un fac-similé, et une préface de l'éditeur. Le plus étonnant pour nous, ce sont les efforts de Genonceaux, dans cette préface, pour prouver qu'Isidore Ducasse n'était pas fou. Léon Bloy venait de dire que l'auteur des CHANTS était mort à l'asile. Genonceaux, donc, fait appel à un graphologue pour analyser l'écriture d'une lettre de Ducasse à son banquier Darasse. Diagnostic : Lautréamont était un logicien de premier ordre. "Mon corps fera une apparition devant la porte de votre banque" écrit Isidore à son banquier. On ne sait pas assez que ce dernier habitait au 5 rue de Lille, dans le 7e arrondissement de Paris, c'est-à-dire précisément là où, un siècle plus tard, officiera Lacan, qui nous apprend que : "Le style c'est [...] l'homme à qui l'on s'adresse" (sic). Une plaque, selon moi, désormais, s'impose : "Lautréamont, en 1870, venait retirer son argent ici." Allez-y voir, si vous ne voulez pas me croire. 

                                                                  Daniel Martinez

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18/07/2014 | Lien permanent

Repérages : Diérèse 52/53

Le sujet de ce numéro en gestation ? Rendre hommage à l'auteur de L'Homme qui penche : "J'écris avec ce qui me reste, entre le pouce et l'index, dans un pincement d'étoile" ou du Journal d'un Manœuvre, paru chez Gallimard dans la collection L'Arpenteur, ce grâce à Gérard Bourgadier. Une livraison co-dirigée avec Isabelle Lévesque, qui m'apportera son précieux soutien. Nous ne connaissions alors que ce qui était paru en librairie, plus ou moins mal diffusé, notamment chez Jacques Brémond ou ce fameux Drap déplié aux éditions L'Arrière-Pays. Drap qui renvoie au linceul de Vincent... Trouver donc des inédits, pour compléter ce qui était déjà connu par un cercle fidèle de lecteurs dont nous étions.

Ensuite, il convenait de faire participer à ce premier numéro double (nous ignorions qu'un deuxième suivrait) un certain nombre d'auteurs et d'éditeurs qui l'avaient côtoyé de son vivant, ou lu. Ce n'était pas partie gagnée, loin de là. J'ai souvenance d'une dame, membre d'un jury pour un prix qu'il convoitait en 1997, qui m'expliqua que le règlement leur interdisait de le décerner post-mortem. Bref. Rien de nouveau sous le soleil. Elle ajouta, au moment de la sortie du second numéro d'hommage de Diérèse paru que, volumineux, elle ne pouvait en faire l’acquisition car sa bibliothèque était trop petite. Je me souviens aussi d'un libraire qui, se croyant subtil, rétorqua à Françoise que son défunt époux était un raté, pour résumer l'histoire de sa vie et la fin tragique qui s'ensuivit. Certes, nul n'est prophète en son pays.

Oui, un tissu d'anecdotes, mais toutes plus révélatrices les unes que les autres. Je lis aujourd'hui sur wikipédia qu'il se serait suicidé à Cadillac (soit à l'hôpital psychiatrique où il a été par deux fois soigné pour son addiction à l'alcool, qui avait débuté pendant son service militaire), alors que c'est à Bordeaux même que ce drame eut lieu. Curieux, cette mémoire volatile. Un hasard ? Il est heureux cependant que ses œuvres complètes aient été publiées en 2017 chez Pierre Mainard. Elles ne m'ont pas été envoyées, il serait souhaitable que je m'y penche de plus près, pour mille raisons...

Mais revenons au jour où j'ai pu rencontrer Françoise, le 29 novembre 2010. J'avais en poche mon billet de train pour le retour dans la capitale, où je devais reprendre le travail le lendemain, rue du Charolais, dans le douzième arrondissement. Muni de ma valisette (qui contenait le précieux Carnet d'Orphée manuscrit, sur un agenda de poche, des photographies...), nous nous quittons, vers 15h00, Françoise et moi. Je me rends alors, pour attendre mon train de nuit, au Musée des Beaux-Arts d'Agen, pour y découvrir cinq tableaux de Francisco Goya, joyaux un peu perdus dans une ville de province. Son autoportrait, évidemment, où le peintre à mon sentiment ne se ménage pas. Très peu de visiteurs, je passe pour un original mais qu'importe. Question d'habitude. Non sans avoir acheté quelques cartes postales, je traîne donc jusqu'à l'heure de la fermeture, l'employée me rappelant à l'ordre, à 17h55 : "la sortie Monsieur, c'est par là".

J'ai de la lecture dans mon bagage, un livre de Pascal Pfister, Celui qui se taît,à la page 9 où je m'étais arrêté dans le train :
     Cette douleur n'est rien
     qu'une torche jetée dans le réseau
     des nerfs, l'image
     entr'aperçue de la mort
     aussitôt revoilée
     rien qu'un point
     tenace, ressouvenir sans corps
     sans voix - et peut-être
     tout le passé, tout
     l'avenir, cette douleur"


. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .


Daniel Martinez

 

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15/08/2018 | Lien permanent

Les éditions Quaderni di orfeo (Italie)

C’est en 2003 que furent créées les éditions Quaderni di Orfeo, de Roberto Dossi, avec un catalogue qui compte à ce jour plus de 120 titres : beaucoup de poésie, mais toujours accompagnée de gravures, d’œuvres originales, et aussi quelques authentiques livres d’artistes (réalisés à partir du projet d’un artiste, et avec sa collaboration personnelle).

 

Nos livres sont toujours imprimés sur une presse typographique mécanique : chaque feuille de chaque livre est imprimée une à une. Cette méthode nous permet de juger de la qualité du travail pendant toute la durée de l’impression. Notons que cette manière de travailler, si elle est plutôt lente, est tout à fait adaptée à des tirages limités.

 

Passionné depuis toujours par certains auteurs et poètes peu connus et peu diffusés en Italie, imaginez quelle a été ma surprise lorsque je suis tombé sur un poème inédit de Thierry Metz paru dans la revue Diérèse (n°52/53 – printemps 2011) dont le titre portait (à un pluriel près) le nom de nos éditions : son fameux « Carnet d’Orphée » (en italien : « Quaderno di Orfeo ») ! J’aime sans réserve ce poète, dont j’avais déjà lu le « Journal d’un manœuvre », les « Lettres à la bien-aimée » et quelques autres poèmes.

 

Après avoir contacté Daniel Martinez, de la revue Diérèse, et Françoise Metz, veuve du poète, pour leur demander l’autorisation de publier ce livre en italien, je me suis alors consacré à la traduction du « Carnet d'Orphée », dans sa version italienne. Elle a été finalement imprimée en octobre 2012, à 77 exemplaires numérotés et signés par l’artiste Piermario Dorigatti, qui a accompagné cette prose poétique de quatre linogravures originales.

 

C’est après avoir pris contact avec Isabelle Lévesque, poète publiée par Diérèse, qu’elle est entrée dans notre catalogue, avec « Neve ». Un livre d’artiste composé à partir de clichés originaux du photographe Raffaele Bonuomo, choisis pour accompagner l’un de ses poèmes, intitulé : "C’est tout, c'est blanc".

 

Parmi les auteurs français (ou ayant écrit en français) publiés par les « Quaderni di Orfeo » on compte aussi : Henri de Régnier, René Char, Yves Bonnefoy, Rainer Maria Rilke, Kenneth White et Philippe Jaccottet. De ce dernier nous avons déjà publié deux livres, et une troisième publication est actuellement sous presse : une prose poétique inédite (en France aussi), à partir d’une typographie composée à la main avec des caractères de plomb, comme la plupart des livres que nous avons édités.   
                                         

                                                                         Marco Rota

                                                                                                

Site Internet de l’éditeur : www.quadernidiorfeo.it

 

Principaux titres du catalogue des éditions Quaderni di Orfeo :

 

·         Rainer Maria Rilke, Le rose, avec un gravure de Luciano Ragozzino 

·         René Char, In trentatré frammenti, avec un bois gravé de Paolo Cabrini 

·         Kenneth White, Frammenti da un giornale di bordo, avec une œuvre originale de Oliana Spazzoli 

·         Roberto Dossi, Polsi. Per Thierry Metz, avec cinq pointe-sèches et une linogravure de l’auteur

·         Philippe Jaccottet, La linaria, avec une gravure de Loredana Müller 

·         Yves Bonnefoy, La bellezza, avec une œuvre originale de Teresa Maresca 

·         Thierry Metz, Quaderno di Orfeo, avec quatre linogravures de Piermario Dorigatti 

·         Philippe Jaccottet, Colline a San Donnino, avec trois gravures de Bruno Biffi

·         Luciano Erba, Già che vai di là, avec une œuvre originale de Pierantonio Verga 

·         Fabio Pusterla, Uomo dell’alba, avec trois linogravures de Luciano Ragozzino 

·         Philippe Jaccottet, Nuvole, avec des œuvres originales de Paola Fonticoli 

·         Henri de Régnier, Maschere, avec deux eaux-fortes de Giancarlo Vitali 

·         Kenneth White, Scene da un mondo fluttuante, avec quinze linogravures de Roberto Dossi 

  

Quelques livres d’artistes :

 

·         Raffaele Bonuomo, Neve, dix photographies originales accompagnées d’un poème d’Isabelle Lévesque 

·         Mauro Staccioli, Intervento, textes, œuvres graphiques et une sculpture de l’auteur 

·         Gianfranco Pardi, Breviario, poèmes  et œuvres graphiques de l’auteur 

·         Simona Uberto, Dove?, textes, œuvres graphiques et une sculpture de l’auteur 

·         Emilio Isgrò, Ho cancellato l’incancellabile, textes et œuvres graphiques de l’auteur 

·         Azuma Kenjiro, La forma del vuoto, œuvres originales de l’auteur 

·         Walter Valentini, Altare / Cieloterra, avec deux œuvres graphiques  de l’auteur

 

http://www.quadernidiorfeo.it/le-collane/quaderni-pagina-7/67-neve/

 

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12/01/2017 | Lien permanent

Pierre Dhainaut s'entretient avec Jean-Marie Le Sidaner et Robert San Geroteo (1988)

Alors que Diérèse 82 (pages 161 à 175) s'apprête à publier un entretien avec de Pierre Dhainaut avec Isabelle Lévesque, le voici interviewé par Jean-Marie Le Sidaner et Robert San Geroteo, en 1988. A l'époque, Pierre était membre du comité de rédaction du Journal des poètes et du conseil de rédaction de Sud. Ses principales publications, en ces années-là :
Bulletin d'enneigement (Sud), Le poème commencé (Mercure de France), L'âge du temps (Sud), Terre des voix (Rougerie), Page d'écoute (Dominique Bedou), Dans le vacillement prodigue (Rougerie), Fragment d'espace ou de matin (Hautécriture). Un livre d'air et de mémoire (Sud) allait paraître. Complétons avec des essais sur Bernard Noël (Ubacs), Victor Hugo (Editions Encre) et Jean Malrieu (Sud).

* * *


JMS-RST : Relisant tes poèmes j'y discerne une véritable "généalogie du corps". Quelles en furent à tes yeux les étapes décisives ? Et quel(s) corps parlent aujourd'hui tes poèmes ?

Pierre Dhainaut : On ne comprendrait rien à mes poèmes si on ne les situait pas dans le temps : le corps y est sans cesse nommé, il n'en a pas moins sa généalogie. A l'origine, dans Le poème commencé, il s'agissait surtout du corps aimé, sublimé, objet d'un chant, source des métaphores. Cette attitude religieuse, inspirée notamment par le surréalisme, m'a très vite mis mal à l'aise : avec Efface, éveille, sous l'influence d'un spectacle de Rita Renoir, sous l'influence également de Bernard Noël, j'ai détruit cette imagerie masculine et cette mythologie poétique. Les jeux de mots en particulier furent alors chargés de rendre la langue active, car c'était elle, libérée du souci d'exprimer, qui devait, aussi directement que possible, révéler le corps, désirs, angoisses, le faire entendre Au plus bas mot. Mais il y avait là une telle contraction, voire une telle réduction, que je n'ai pu tenir longtemps : toujours les extrêmes, à nouveau j'étouffais en mon corps comme en mes mots. Depuis Terre des voix il me semble avoir découvert une respiration qui me permet d'être plus libre ou pour mieux dire attentif : je ne suis pas seul, souvent je dis nous, je suis présent dans la mesure où l'autre et les autres le sont aussi, et d'abord avec leurs corps dans la jubilation ainsi que dans la souffrance.

JMS-RST : Dans l'essai qu'il te consacre Jean Attali évoque une lecture publique de tes textes. Ta manière de dire tranche avec celle des comédiens qui t'accompagnent. "Pour une fois, la lecture à voix haute révèle le poème au lieu de l'étourdir", écrit-il. Quelle importance accordes-tu à l'oralité dans ton écriture ?

Pierre Dhainaut : Elle est fondamentale. Cette question d'ailleurs m'oblige à compléter la réponse précédente. L'oralité n'est-elle pas l'une des manifestations du corps dans l'écriture ? Pourquoi supposer, comme je l'ai fait naguère, que l'écriture est abstraite, désincarnée, puisque le rythme la porte ? De plus en plus je suis sensible à cette présence du rythme. Lequel ? Il faudrait bien sûr insister. Essentiellement celui du flux et du reflux, de la systole et de la diastole, ou de l'apparition et de la disparition... C'est en partie pour rendre plus évident le passage des souffles dans le vers que j'ai rétabli la ponctuation. Les sonorités comptent aussi beaucoup. J'entends mes poèmes en les écrivant, je les entends devenir peu à peu parole. Sans rien renier de la lecture intérieure, si riche de possibilités, je crois que la lecture à voix haute - ou plutôt, en ce qui me concerne, murmurée - permet d'instaurer un espace de la communication, de la résonance.

JMS-RST : Existe-t-il pour toi des écrits qui portent plus particulièrement en eux ou provoquent chez le lecteur l'inquiétude radicale liée à l'expérience poétique ? A ce propos l'œuvre d'Arthur Rimbaud te semble-t-elle entamer notre présent ?

Pierre Dhainaut : Que serions-nous, écrivains ou non, sans l'inquiétude ? Mais il est vrai que la poésie l'avive, nous met en alerte. Nous interroger sur ce que nous sommes, ce que nous pourrions être, nous interroger sur ce que sont le langage et le silence, ce qu'ils pourraient être, je ne vois pas de différence. Il m'arrive de rencontrer l'accord, l'équilibre, une certaine sérénité parfois, je ne puis cependant m'en contenter, je tiens à ce que cet accord soit fragile. D'un côté, par exemple, le haïku, de l'autre, tout aussi nécessaires, Celan, Bernard Noël et, si proche, Christian Hubin : "Tout ce qui se perd, dit-il dans Personne, est un don inestimable", mais il ajoute : "une petite trappe d'où monte un secret matinal". Et au fond je ne me connais pas d'autre ligne de conduite, quelle que soit mon activité. Sommes-nous loin de Rimbaud ? Je ne le pense pas. Je l'ai toujours lu, mais comment pourrais-je en parler ? Rimbaud nous précède, il nous juge. Peut-être ne faut-il pas, comme lui, brûler les étapes, peut-être faut-il aimer avec plus de patience, mais il est là pour nous montrer notre lourdeur. 

JMS-RST : Tu écris qu'"il y avait chez Jean Malrieu un moraliste sévère accusant les avares qui ne meurent que «de leur propre vie»... " Quel écho peut avoir une telle exigence aujourd'hui ?

Pierre Dhainaut : Peu d'écho, je le crains, tant nous sommes en général fermés ou distraits. Les poètes, en France du moins, ont été fascinés trop longtemps par le seul langage. Mais ils s'avisent aujourd'hui que le mouvement qui les oblige à parler les traverse, les dépasse. Accepter d'être au service du langage, je l'ai appris tardivement, et l'auteur du Plus pauvre héritier m'a aidé, ce n'est pas nous isoler, c'est reconnaître que nous ne sommes rien si nous ne sommes que nous-mêmes. Humble avec les mots, je le suis encore avec le monde. Ne pas retenir et nous ouvrir à ce frémissement du vent parmi les feuilles, à ce visage que marquent les ombres et dont pourtant émane une lumière : écrire, demeurer sur le qui-vive, oui, aimer.

JMS-RST : A quoi la poésie te semble-t-elle nous préparer le mieux à résister ?

Pierre Dhainaut : Résister, est-ce le terme le plus juste ? Nous devons résister à ce que les médias considèrent comme la communication, lorsque le bavardage remplace la parole, le bruit le silence, l'éphémère la durée féconde... Mais l'attaque frontale me paraît maladroite, on risque d'y perdre des forces et de toutes façons le système est si puissant que l'on ne peut rien directement contre lui. La poésie résistera donc en continuant de témoigner secrètement, clandestinement, que la parole ne cesse de nous inventer, qu'elle n'est pas le langage d'un passé révolu, qu'elle est notre présent, dans le rappel de la mort, dans l'approche généreuse de la vie la plus précaire. Qu'importe qu'elle ne soit plus une flamme éblouissante, tant mieux même, elle veille : les chemins se sont effacés, et néanmoins elle les éclaire.

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23/08/2021 | Lien permanent

Diérèse N° 62

Dans le dernier numéro paru de Diérèse, le 62e, il conviendrait de citer d’abord, côté « Poésies du monde », des traductions de poèmes en bilingue de Wang Wei (701-761), de la période T'ang :

 

« Déserte semble la montagne,
On perçoit cependant des voix humaines.
Le soleil au couchant pénètre dans la forêt,
Et se reflète sur les mousses. »

 

Chez ce poète, chaque séquence est un psaume muet, qui favorise plus la décantation que l’incantation. Il s’agit de se remplir de vide pour mieux se pénétrer du monde, puisque toute chose est l’image de sa propre disparition, et l’être est la figure la plus proche du néant dont il est la plénitude si fugace. D’où ces mots libérés d’eux-mêmes et de leur excès d’interprétation, imprimés sur le miroir tournant des pages.

 

 

Le premier « Cahier »  de poésie s’ouvre avec Richard Rognet, un bel ensemble intitulé : « En chaque aspect du monde », dédié à Guy Goffette :

 

« Filez vers le lumière beautés profondes
qui hantez les sommets d’ici, filez,
filez, de mes mains engourdies
à l’aisance du ciel choyé par les nuages. »

 

Il y a chez Richard R. cette aisance et cette simplicité propre aux plus grands d’entre nous et j’ai relu pour le plaisir, parallèlement, « La forêt de pins de la Cascine près de Pise », de Percy Bysshe Shelley, en particulier cette strophe :

 

« Sœur rayonnante du Jour,

éveille-toi ! lève-toi !
et viens à nouveau !
dans les bois sauvages et les plaines,
près des étangs où les pluies d’hiver
réfléchissent toute entière la voûte des feuilles… »

 

Ici et là, toujours les mêmes envolées lyriques, disent autant qu’elles reflètent, la Nature (l’art divin), Leibniz. Ouvrir les mains, lâcher les signes !

 

Puis, Silvia Baron Supervielle et ses « Six poèmes en attente » :

 

« vers quelle mort
pousse-t-il
dans ses racines
et ses branches
l’arbre seul
de l’allée ».

 

Le jour s’obscurcit, et comment parler, semble demander Silvia B.S., quand l’ombre couvre les visages ? Silence de braise, où couve l’absolue certitude que l’aventure n’est pas finie, que les mots pourraient racheter cette part d’éternité qui manque aux lèvres, quand ce qui parle en soi n’a ni voix ni visage.

 

Jean-Pierre Chambon et son « Champ de tournesols, embrasement et ténèbres », à la quête « d’un semblant de sens », écoutons-le : « Tout penche, tout semble répondre à l’ordre de la lumière et du vent… L’œil s’applique à supposer dans le grouillement le tracé malhabile de constellations… Je regarde une chenille de braise devenir papillon de cendre sur la pupille des fleurs hypnotisées » Un battement de ciels suffit et le monde reprend sa course, une seconde interrompue ; Isabelle Lévesque suit, quand « L’été retient ses branches »

 

 

Avec Emmanuel Moses, c’est l’« Ivresse » : « Nous avançons sur un fil, pleurant et riant / L’amour est notre balancier mais nous chutons dans le filet… » et, plus loin, l’on repense à Michaux : « L’homme troué ne sait pas aimer / Il prend le visage chéri entre ses mains / Y comprend-il quelque chose, y voit-il rien ? », ténèbres cellulaires et blanc de la lumière, les souvenirs se conjuguent, s’interpénètrent, le poète les saisit, au sens photographique du terme, en une ronde vertigineuse qui nous ouvre tout entiers à son univers.

 

 

Le « Cahier » 2 débute avec Claude Dourguin : « Parmi les agréments de l’écriture, celui de la savoir jamais définitive, et, davantage, éprouver que c’est cela même qui en fait une aventure, oui, cet agrément-là n’est pas le moindre. » Prose raffinée que la sienne qui plonge dans l’histoire aussi bien qu’elle laisse affleurer le présent, souvent pour déplorer les travers et cette perte de repères essentiels de notre civilisation pour appeler de ses vœux : « Notre souhait de poésie ? Ici et maintenant ? Que le réel soit enfin aux couleurs de l’imaginaire… ». tout est dit, car : toucher l’écorce, est-ce l’atteindre ? certes pas. Le poème est attente et désir, hiéroglyphe de la foudre qui nous prend, gagne l’affectif autant que la raison raisonnante.

 

 

Michel Butor : « Transmission d’énergie » :

 

« Entre l’image et la phrase
photographie ou pinceau
impression ou à la main
ou le chant de la diva
des étincelles s’échangent
pour faire tourner les têtes
qui somnolaient tristement… »

 

La tension du sens, le sens des formes comme poussée, comme pulsations et qui instruisent un procès contre ce que l’on appelle à tort l’ordre du monde. Le lieu de la chose est-il ce qui reste en dehors d’elle, ou l’habite ?, ces questions pour le poète se posent tout au bord de ce qu’il perçoit et retraduit (tactilité visuelle), de ces mille riens qui lui sont un tout.

 

 

Troisième et dernier « Cahier », où Pierre Bergounioux nous livre des pages inédites de ses Carnets : « À cette fête des yeux s’ajoute la paix, la solitude vertigineuse de la Corrèze haute… À l’atelier. Je soude un chaman longiligne, sept petits personnages dont le corps est fait d’un burin, les bras de demi anneaux de chaîne et, pour finir, une composition de segments de tôle découpés à l’oxygène. » Sculpteur aussi bien que romancier, Pierre B. m’écrit, parlant de Diérèse 62 : « J’y ai retrouvé des figures familières et, quoique prosaïque dans l’âme, ne me suis pas senti dépaysé. Même Wang Wei pourrait passer pour un contemporain, un voisin… »

 

                                                                   Daniel Martinez 

 

 

 

 

 

 

                                                                             

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15/04/2014 | Lien permanent

Le poète Thierry Metz : comment le numéro 52/53 de Diérèse qui lui était consacré a-t-il pu voir le jour ?

Ce fut une aventure extraordinaire que la naissance de ce numéro 52/53 de Diérèse, livraison codirigée par Isabelle Lévesque et votre serviteur. Pas assez remarqué par la critique au moment de sa sortie, sauf par Jérôme Garcin dans Le Nouvel Observateur.

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Le point de départ :
je prends le train depuis Paris jusques à Agen, pour rendre visite à Françoise Metz, la veuve de Thierry. La raison de ce déplacement ? Françoise possédait des 'inédits de son défunt époux. Un homme, un auteur qui n'était pas du sérail, un esprit libre, toujours en quête, happé par le monde, déboussolé face aux vents du destin... J'avais dans ma valise une boîte de chocolats Jeff de Bruges, pour m'annoncer, en quelque sorte ; au premier coup d’œil, la veuve de Thierry m'apparaît, brune aux longs cheveux longs, les yeux d'un bleu limpide. Simple aussi, mais jamais résignée face au malheur de sa vie : avoir été la femme d'un poète hors norme, l'avoir suivi dans ses errements, avoir vécu la rupture avec Thierry au décès de son fils Vincent - dont il avait la garde -, percuté mortellement sur une route nationale, en allant récupérer son ballon.

Nous déjeunons avec Françoise dans un restaurant point trop éloigné de la gare, les confits de canard y étaient absolument excellents. Tout en elle est vrai, rien ne défaut. Le contact s'établit : nous avons eu trois enfants, Thierry en voulait six. Je relis Jérôme Garcin dans "Littérature vagabonde" (Flammarion, janvier 1995) : "Thierry Metz est un autodidacte qui, aux confins de l'aphasie et du poème, nous réapprend les égards dus à la syntaxe de la vérité, aux locutions du coeur. Avec sa pioche, Thierry extrait des diamants noirs". Puis j'apprends que Gallimard lui a fait des misères, pour la réédition en poche du "Journal d'un manœuvre", qui a bien tardé, à nouveau épuisé dans la collection.

Nous sommes le 29 novembre 2010. Françoise Metz me confie une valisette contenant le dernier agenda que Thierry a eu entre les mains avant de passer de vie à trépas. Au téléphone, elle m'a prévenu : "Ces quelques lignes de Thierry ne présentent sans doute pas grand intérêt." ! Et pourtant : il s'agit du tout dernier livre que Thierry envisageait de publier chez son ami Didier Periz, son dernier éditeur, en fait. Plus qu'une esquisse,un antélivre où se lit toute la charge affective qui s'y rapporte. Mais quel en est le sujet, je l'ignore encore et vais le découvrir.

... J'avais en poche mon billet de train pour le retour dans la capitale, où je devais reprendre le travail le lendemain, rue du Charolais, dans le douzième arrondissement. Muni de ma valisette (qui contenait le précieux Carnet d'Orphée manuscrit, sur un agenda de poche, des photographies...), nous nous quittons, vers 15h00, Françoise et moi. Je me rends alors, pour attendre mon train de nuit, au Musée des Beaux-Arts d'Agen, pour y découvrir cinq tableaux de Francisco Goya, joyaux un peu perdus dans une ville de province. Son autoportrait, évidemment, où le peintre à mon sentiment ne se ménage pas. Très peu de visiteurs, je passe pour un original mais qu'importe. Question d'habitude. Non sans avoir acheté quelques cartes postales, je traîne donc jusqu'à l'heure de la fermeture, l'employée me rappelant à l'ordre, à 17h55 : "la sortie Monsieur, c'est par là".

J'ai de la lecture dans mon bagage, un livre de Pascal Pfister, Celui qui se tait,à la page 9 où je m'étais arrêté dans le train :
     Cette douleur n'est rien
     qu'une torche jetée dans le réseau
     des nerfs, l'image
     entr'aperçue de la mort
     aussitôt revoilée
     rien qu'un point
     tenace, ressouvenir sans corps
     sans voix - et peut-être
     tout le passé, tout
     l'avenir, cette douleur"

Après cet intermède, il convenait de me sustenter un peu. Un sandwich garni d'une tranche de roastbeef, quelques cornichons maculés de moutarde ont fait si je puis dire mon affaire ; puis une Desperados pour me désaltérer. Sur le quai, il était près de 21 heures, la nuit a gardé pour moi un goût de journée. On entend la motrice faire des essais, ça tremble un peu, un peu plus, on dirait que ça fume, puis flop, flop ! Tout s'arrête, j'ai un mauvais pressentiment. Au bout de 20 minutes de tentatives infructueuses, les gens se regardant, toussotant, s'impatientant poliment, un agent nous annonce au micro que la motrice rencontrant d'insurmontables "problèmes techniques", il convenait que les passagers descendent sur le quai et empruntent le prochain train pour Toulouse.

Arrivés à Toulouse, ce serait à minuit passé que s'élancerait le valeureux convoi en direction de la Ville lumière. Du temps à tuer, encore. Les abords de la gare, assez sympathiques, un café pour refuge.

Les noctambules, un peuple bon enfant, partagé entre ceux qui cherchent et ceux qui ont trouvé, ceux pour qui le sommeil est un détail... Après avoir regagné le train qui rallierait la capitale, je me love dans la mezzanine, la tête vers la vitre ; un compartiment des plus étriqués, quelques banalités échangées avec mes voisins de compartiment avant que ne s'éteignent les loupiotes. J'ignorais alors qu'on surnommait ce convoi "le train des voleurs", les exactions y étant à l'époque loin d'être exceptionnelles. Bien sûr, ayant trop de respect pour cette noble compagnie, je me garderai de confirmer aujourd'hui la mauvaise réputation de ce train de nuit, aux multiples escales. Je crains de ronfler un peu plus fort qu'à mon habitude et garde mon portable à touches près de mon oreille. L'estomac gargouille déjà un peu. La valisette, vert bronze, derrière ce qui fait office d'oreiller.

L'arrivée ? : à plus de midi, c'est un vrai tortillard. Je ne pourrai donc reprendre mon travail que l'après-midi (prévenir mon employeur, en invoquant un cas de force majeure, mais pas d'appel avant huit heures). Malgré l'inconfort manifeste, il s'agit de tenter de dormir un peu, au mieux. Jusqu'à 5 heures du matin, c'est allé à peu près... Non sans cligner des paupières, j'ouvre alors le rideau du compartiment, jette un œil en extérieur : nous nous sommes arrêtés je ne sais trop où, on palabre sur les quais. J'ai tout de même eu le temps de rêver. [En haute montagne, un hélico venu me porter secours, montée avec la petite échelle de corde et descente dans la vallée, où le soleil est au rendez-vous]. Les yeux mi-clos, j'émerge abruptement du sommeil : juste le temps de m'aviser que quelqu'un ouvrait la porte à glissière, farfouillait d'une main preste dans les premiers bagages accessibles, pour repartir illico, en refermant la porte, et en nous replongeant dans l'obscurité.

A six heures et quelques, une furieuse envie d'uriner me prend. Je descends de la mezzanine, précautionneusement. Prends le couloir ; par chance, pas de file d'attente. Retour au bercail : mon voisin du dessous est en train de fouiller le bagage aux pieds de celui qui dort à poings fermés, au même niveau que moi, mais de l'autre côté. Je le dévisage, il s'arrête donc, et l'air de rien retourne à son lit. Flash : je me dirige illico vers mon semblant d'oreiller (un pull-over roulé sur lui-même) et ouf ! la valisette que dans mon empressement j'avais laissée sans surveillance côté fenêtre n'a pas bougé d'un poil, je l'ouvre pour en vérifier le contenu, tout y est, j'ai eu très chaud. Et ne la quitterai désormais plus des yeux.

Tout aurait donc pu s'arrêter là. Car c'était un manuscrit original que je transportais. Me souvenais alors de ce qui était arrivé à Henri Thomas, qui a perdu un jour un manuscrit dans un taxi ; mais ce n'était que le sien. [Rien ne vaut le numérique, drôle de l'entendre sous ma plume, n'est-ce pas ?]... Inutile d'ajouter que le sommeil m'avait définitivement quitté. Il me tardait d'arriver à Paris pour prendre un café double bien serré. J'ai repris mon Journal en main là où je m'étais arrêté la veille au sortir du musée des Beaux-Arts : calepin sur les genoux, me remettant à écrire lorsque les rideaux du compartiment tirés ont laissé entrer la lumière diurne. Stressé et heureux en même temps : un contentement tout intérieur, avec la sensation d'être passé à côté du pire et d'avoir été épargné.

Amitiés partagées, Daniel Martinez

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02/07/2019 | Lien permanent

Le numéro 59/60 de Diérèse, paru au printemps 2013 : Nicolas Dieterlé (1963-2000)

Co-dirigée par Isabelle Lévesque et Daniel Martinez, dans cette livraison de Diérèse le lecteur y découvrira des inédits de Nicolas Dieterlé, mais aussi des reproductions de son œuvre de plasticien, incluses dans son catalogue raisonné, paru quelques mois plus tard, aux éditions Libel.

Les poèmes qui suivent sont de la main de Jean-Claude Pirotte que j'avais sollicité pour rendre hommage à Nicolas (un autre "suicidé de la société"), JCP qui s'était plaint de n'avoir jamais reçu, malgré sa demande, de service de presse de l'éditeur de L'Aile pourpre (2004). Qu'importe après tout, je lui avais alors  expédié le nécessaire et voici en retour son envoi, venu du fond du cœur, des poèmes qui trouveront place pages 51 à 67  du n° 59/60 de Diérèse (ils ne seront pas repris en livre). J'en retiens en particulier ces vers : "maître de quoi mais de rien", superbe envolée de celui qui se savait condamné et qui, en des lettres déchirantes, me tenait au courant de sa maladie, reportez-vous à la catégorie du blog correspondante : "Jean-Claude Pirotte", vous comprendrez. Pour l'heure, voici :

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pour Nicolas Dieterlé


            de Nicolas Dieterlé
            je n'ai lu que quelques textes
            c'est le merle rédempteur
            qui m'a servi de prétexte


            et s'il parcourt les allées
            le matin quand le soleil
            est masqué par les nuages
            je le suis je tends l'oreille
            j'écoute le paysage


            mais toujours la mort nous traque
            et les sbires à matraque
            frappent le rêve des arbres
            en nous cherchant à la trace

 

*

            je trébuche à ton appel
            Nicolas je me rappelle
            que les oiseaux se sont tus
            un soir je ne sais pourquoi


            il n'y avait pas de battue
            ni de chasse dans les bois
            nous étions pris de silence
            et les arbres qui se penchent


            pleuraient par toutes leurs branches
            et pas un souffle de vent
            pas même un engoulevent
            pour ranimer la confiance

 

*

            je transforme les étoiles
            en quelques nœuds papillons
            la Grande Ourse porte un voile
            mais le nœud c'est pour Orion


            j'aime les constellations
            qui défient la raison
            je les regarde lancer
            des éclats dans le passé

            si je vis elles se meurent
            mais si je meurs elles vivent
            au ciel qui est leur demeure
            comme aussi leur livre d'heures

 

*

            Nicolas prenait la poudre
            d'escampette en son jeune âge
            il explorait le finage
            il recueillait les images


            il parcourait les parages
            il avait du grain à moudre
            en son moulin de lumière


            il traversait la rivière
            du temps et le chapelet
            des heures se déroulait


            tel cortège de galets
            ou bien cortège d'étoiles
            qui sont peintes sur la toile
            de la nuit ô Dieterlé

 

*

            je fais face à mon carnet
            et je pense à Nicolas
            et je pense à ces années
            où j'aurais pu le connaître


            il est né bien après moi
            déjà j'étais avocat
            alors qu'il venait de naître
            et les gens m'appelaient maître


            maître de quoi mais de rien
            bientôt j'ai cessé de l'être
            à l'époque où Nicolas
            se transportait au Bénin

            Nicolas était en quête
            de son enfance africaine
            et moi je n'étais en quête
            que d'argent pour la semaine

*

            aujourd'hui le ciel est clair
            mais tu n'attends pas demain
            en toi qui sait quel éclair
            de douleur fustige moins


            ton corps que ton âme il est
            peut-être temps de la mort
            tu te nommes Dieterlé
            tu voudrais n'être personne


            sinon cet oiseau chanteur
            qui peuplait de chant les heures
            de l'enfance dans un autre
            grand continent que le nôtre

 

*

            Nicolas je te confie
            ma peine tu ne m'entends
            qu'à travers l'ombre du temps
            à travers le sang des vies


            et le feu des dépressions
            qui nous enduisent de suie
            et nous privent de passion
            sinon celle de mourir

 

*

            tu es là tu me convies
            à partager avec toi
            le secret de l'outre-vie
            je t'écoute je te lis

            je te cherche sous mon toit
            fantôme aussi fraternel
            que mes poètes élus
            nous ne sommes toi et moi

            pas du tout des inconnus
            et tes livres sont des ailes
            d'oiseau-mouche ou d'hirondelles
            que j'ai vite reconnues


Saint-Léger, novembre 2012
Jean-Claude Pirotte

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06/05/2019 | Lien permanent

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