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26/04/2014

"Comment allez-vous ?" de Gérard Le Gouic

Par le courrier du jour m'arrive un recueil des éditions La Porte que dirige Yves Perrine, publié à 200 exemplaires, "Comment allez-vous?", de Gérard Le Gouic ; et me revient à l'esprit, lisant ses vers qui touchent à l'élégie, ce qu'écrivait Jacques Audiberti : "Qu'est-ce que le poète ? C'est un homme conscient."

Ecoutons Gérard : "Je n'entretiens aucun espoir. / Des ombres se découpent / aux poutres de mes insomnies. Les aubes futures me sont inaccessibles / comme des baignoires d'opéra, / les crépuscules flamboient / dans leurs châteaux de poudre noire." Ce qui crie et saigne au-dedans procède d'un sursaut permanent, qui n'a rien à voir avec une affliction ponctuelle, mais couve sourd dessous la braise ainsi que cendres chaudes. Art du dépouillement non du faste, de la nudité non de la luxuriance, de la simplification non de la complication : "ah dites-lui que les grandes amours / reviennent à la douceur de leur premier refuge." Parce qu'elle est éminemment préoccupée du devenir dans l'ombre portée de la mort, et en ce qu'elle révèle en filigrane la métamorphose de son auteur ("Comment vous portez-vous ? / - Avec indigence je voudrais me fondre / aux berges de mon souffle, / mais la respiration des arbres / trahit mes ombres.") cette poésie est largement tributaire du devenir du corps du temps, vécu dans sa fuite héraclitéenne.

Emblême de la sensibilité baroque, pourquoi pas ? "De la formule : je me vois dans une eau qui s'écoule, il passe insensiblement à : je suis une eau qui s'écoule." (Genette. Complexe de Narcisse, Figures I). Sous la plume de Gérard Le Gouic : "Je vais de la course lente / sur la nuit du pinceau des lampes, / de la nage du navire du temps / qui n'abandonne à l'océan / aucune trace." Dans le bouquet bigarré du monde, détresse et tendresse vont de pair, quand le poète rêve que ses mots lui survivent pour ouvrir "les dimensions / du jardin de (son) éternité." S'il est vrai que les mots prolongent bien notre traversée, qu'il s'agisse du grandement terrestre ou d'un instant ou d'une époque conçus comme une abréviation de l'unité du monde piégée dans le corps même du poème (vision prométhéenne), il touche enfin, le poème, à un précipité de substance ne fomentant rien de moins que la capture de l'être.

Ainsi, faire consonner les dissonances, pour revenir par la pensée à l'âge où tous les espoirs sont permis : "Mais moi, dans moi / je suis l'enfant de dix ans / qui ne voulait plus vieillir / d'une seule année / jusqu'à la fin des temps." Histoire de reconstituer le cadastre intime. Ad vitam.

                                                                                Daniel Martinez

14:48 Publié dans Recueil | Lien permanent | Commentaires (0)

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