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10/03/2017

Henri Rousseau, dit le Douanier (1844-1910)

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Henri Rousseau, Le Rêve, huile sur toile, 1910

En 1891, au septième Salon des Indépendants, Rousseau, dit le Douanier, expose sa première jungle, à la végétation convulsive et aux merveilleuses couleurs : "Du rouge au vert tout le jaune se meurt". Deux éclairs blancs comme un fil de coton rayent un ciel finement tissé de pluie lavande. Un tigre arc-bouté, tous crocs dehors, s'apprête à bondir. "Surpris !" tel est le titre du tableau, mais le spectateur ne parvient pas à savoir si c'est le félin qui est surpris ou sa proie, qui est hors du tableau. Ce qui est sûr, en revanche, c'est que les critiques l'auront été, surpris, par cette peinture féroce et flamboyante, puisque, excepté Valloton, qui l'admire – "c'est un terrible voisin, il écrase tout. Son tigre surprenant à voir, c'est l'alpha et l'oméga de la peinture", écrit-il –, ils ne trouveront, pour s'en défendre, qu'à s'en moquer. Le destin, toujours ironique, pour compenser cet accueil malveillant, lui accorde une Médaille d'Argent de la Ville de Paris, qui en réalité, était destinée à récompenser un autre Rousseau. N'avoir pas de nom propre a parfois d'heureux résultats. Ironique mais aussi obstiné, quelque treize ans plus tard, le destin fera obtenir au peintre des forêts tropicales aux végétations fantaisistes, grâce à une nouvelle erreur de nom, les Palmes académiques. Il portera dès lors à la boutonnière la discrète rosette violette et fera figurer la couronne officielle sur ces cartes de visite.

Il a goût de la décoration, ce qui est la moindre des choses pour un peintre. On a tout dit sur son autoportrait en gloire, intitulé tout bonnement "Moi-même", qu'il accompagne de la mention du genre qu'il invente, le "portrait-paysage" : qu'il s'était représenté en pied comme il était d'usage de le faire pour les grands de ce monde ; qu'en regard des badauds se divertissant au spectacle du voilier amarré au quai et qui ne lui arrivent pas à la cheville, il fait figure de géant ; qu'il a le premier peint la Tour Eiffel qui vient tout juste d'être achevée ; que, sur sa palette, il a écrit le nom de ses deux épouses, Clémence et Joséphine ; que les vingt-six drapeaux du bateau semblent autant de toiles et ses tableaux, par conséquent, autant de pavillons de l'art moderne. Mais qu'a-t-on dit de ce modeste insigne, un macaron bleu circonscrivant une sorte de palme ou de fougère blanche, qu'il arbore à sa boutonnière, et qui met une note de fraîcheur dans son sévère costume noir. Décoration réelle ou inventée ? Je préfère la croire inventée. L'artiste conscient de sa valeur, mais moqué par la critique, s'est attribué lui-même, d'autorité, cette distinction, anticipant ainsi sur une reconnaissance dont il était convaincu que l'avenir la lui ferait obtenir.      

                                                                                            Gérard Farasse

Extrait de Collection particulière, Bazas, éditions Le Temps qu'il fait, 2010 (p. 27-28).

15:10 Publié dans Arts | Lien permanent | Commentaires (0)

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