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08/05/2017

André Gide - Francis Jammes

Francis Jammes (1868-1938) entendit parler de Gide la première fois par Eugène Rouart : il s'enthousiasma bientôt pour Le Voyage d'Urien de Gide tandis que ce dernier vibrait à la lecture de ses Vers et s'activait à Paris pour le faire connaître. Ils se rencontrèrent en Algérie en 1896, se revirent chez Gide en Normandie en 1898, mais leur amitié n'alla pas sans ombre : Jammes manifesta des hésitations pour des oeuvres comme Ménalque (1896) ou Les Nourritures terrestres (1897), et, quand Gide émit des critiques d'ordre littéraire sur son texte Existences (1902), Jammes se cabra et fit de virulentes remarques d'ordre moral sur L'Immoraliste. Ils continuèrent pourtant à se marquer une admiration réciproque : Gide fit une lecture publique de l’œuvre religieuse de Jammes L'Eglise habillée de feuilles (1905), assista à son mariage en 1907, lui proposa une collaboration à la Nrf, tandis que Jammes vantait les mérites de La Porte étroite. Néanmoins, le retour de Jammes au catholicisme sous l'influence de Claudel (1904) éloigna progressivement les deux amis et quand Gide refusa un article de Jammes pour la Nrf critiquant l'écrivain Charles-Louis Philippe avec des arguments religieux, Jammes en conçut une forte amertume, et leurs relations cessèrent presque tout à fait. La présente lettre, inédite, s'inscrit dans un moment charnière et prélude à la rupture entre les deux écrivains. DM

*

Cuverville, le 11 février 1904

Bien cher Francis,

... Inconsciemment attendais-je pour t'écrire, tes "Fragments" que je lis à l'instant ... Je voudrais avoir 18 ans, te découvrir ; je t'écrirais (ce que je n'aurais fait pour personne) ; "Ah ! Monsieur... etc." A notre âge, on dit plus simplement, mais avec autant d'émotion, et un peu plus de compétence : cher vieux, tu as peut-être fait aussi bien, mais tu n'a jamais rien écrit de meilleur.

Je retrouve à te lire aujourd'hui tout mon ravissement des premiers jours quand j'entrais dans tes vers comme dans une humide allée couverte, un jour de très grande chaleur.

Qu'il me tarde de lire l'histoire de "Pomme d'anis" ! Qu'un mot de toi me rendrait heureux, s'il m'apprenait que rien de fâcheux ne cause ton silence ; le mien ne venait que de la difficulté insurmontable que j'éprouvais à écrire quelque lettre que ce soit, et à qui que ce soit.

Au revoir. Que ces pluies de la fin de l'hiver sont belles !...

Je suis toujours ton André Gide.

                                                                                                  André Gide

14:02 Publié dans Auteurs | Lien permanent | Commentaires (0)

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