241158

Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

10/01/2016

Alberto Moravia opus 2

       ... Jean-Noël Schifano : Vous avez dit un jour que le sexe, c'était comme le scarabée d'Edgar Poe : indispensable, mais en même temps insignifiant... mais vous dites aussi que, pour le romancier contemporain, le sexe a valeur de langage et non de recherche du plaisir comme dans le roman du dix-neuvième siècle...

Alberto Moravia : Je dis qu'en littérature le sexe doit être absolument nécessaire, indispensable pour la structure d'un récit, d'un roman, comme le Scarabée de Poe et indispensable : on ne pourrait pas écrire cette nouvelle sans parler du scarabée, ou la Lettre volée sans parler d'une lettre. Si je n'y avais pas parlé de sexe, je n'aurais pas écrit du tout certains de mes livres !... Le sexe est complètement inutile et, à certains moments, complètement nécessaire. Et puis je veux ajouter une chose. On me dit toujours : le sexe, pourquoi vous écrivez toujours sur le sexe...
"Alors, disons ceci : le cinéma a été muet jusqu'en 1930 environ ; après, il a commencé à parler. Et actuellement, verriez-vous volontiers un film moderne muet ? Non ! C'est la même chose avec le livre et le sexe. On sent que quelque chose manque parfois dans certaines situations littéraires, là où le sexe est aboli, comme, par exemple, l'abolissait Flaubert. Flaubert écrit : "Elle s'abandonna", c'est tout. Alors que décrire le sexe dans cette situation-là serait nécessaire, voilà tout : cette situation est incomplète, comme le cinéma est incomplet sans la voix."

J-N. S. : On a dit de Desideria, publié en 1978, que c'était une "Education anti-sentimentale", êtes-vous d'accord ?

A. M. : Je ne connaissais pas cette définition-là : elle est très bonne. Je l'approuve complètement. C'est une éducation anti-sentimentale parce que c'est une éducation psychanalytique. Desideria, sans qu'elle s'en aperçoive, est le ça, moi je suis le moi et la voix, c'est le sur-moi.

J-N. S. : Contrairement à certains écrivains, notamment italiens, tels Camon ou Volponi, vous avez toujours refusé l'idée d'une psychanalyse, car, dites-vous, "le niveau culturel des psychanalystes est inférieur au mien, je ne peux donc pas me confier à eux. Il faudrait, au fond, que ce soient des prêtres". En ce cas, l'athée que vous êtes se confierait-il ?

A. M. : En Italie ou ailleurs, c'est vrai, pour la plupart, leur niveau intellectuel est inférieur au mien. Et puis, l'écrivain fait sa psychanalyse avec ses livres, il se psychanalyse lui-même, il n'a donc pas besoin d'une psychanalyse supplémentaire. Quant au prêtre, je l'ai dit pour une raison très simple : il agit, lui, au nom de quelque chose que le psychanalysé reconnaît comme supérieur ; tandis que, dans le cas d'un psychanalyste, il y a une collaboration, ils sont donc sur un pied d'égalité, il n'existe aucune autorité en dehors de la psychanalyse. Le manque d'autorité n'autorise pas le psychanalyste à se placer au-dessus du psychanalysé.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Les commentaires sont fermés.