241158

Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

10/01/2016

Alberto Moravia (1907-1990) opus 1

Eros et Thanatos

  Jean-Noël Schifano : En 1960, l'année de l'Ennui, Pasolini a écrit une poésie sur vous : "Moravia, toi qui es langue limpide/ et limpide raison..." Toujours limpide, la raison ?

Alberto Moravia : Je suis un écrivain sec et raisonneur. Je l'étais en 1929, en 1960, je le suis encore maintenant.

J-N. S. : En 1929, vous publiez les Indifférents. Il faut rappeler que c'est le premier roman existentialiste, six ans avant l'Etranger. Et votre Michel est encore plus étranger, plus aliéné au monde que Roquentin ou Meursault...

A. M. : C'est exact. Oui, l'aliénation, l'ennui, déjà, l'écrivain véritable ne pousse-t-il pas toujours le même cri, de son premier à son dernier livre ? Mais aussi le problème de l'action, qu'a annoncé Dostoievski dans les Possédés et surtout les Frères Karamazov. Si Dieu n'existe pas, tout est possible. Et moi je dis : si Dieu n'existe pas, rien n'est possible, et c'est la même chose.

J-N. S. : Dans l'Ange de l'information, vous montrez, entre autres, que l'information n'a pas grand chose à voir avec la connaissance...

A. M. : La connaissance, c'est uniquement lié à l'expérience. L'information, c'est rien du tout. Un enfant devant la télévision apprend tout ce qu'on peut savoir sur le monde entier, sur l'Amérique, la Chine, l'Europe, mais ce n'est pas une connaissance, ce sont des informations. C'est comme une ombre qui donne à cet enfant un faux sentiment de puissance : il pense tout tenir en main, il n'a rien. Il faut une expérience directe pour arriver à la connaissance.

J-N. S. : A la connaissance sexuelle aussi, donc. En 1985, dans l'Homme qui regarde, vous faites un étrange rapprochement entre deux obsessions, l'une qui vous donne des cauchemars, l'autre qui vous fait rêver, la fission atomique et la fente sexuelle de la femme...

A. M. : Ca marche très bien en italien, parce que les mots sont les mêmes : fissione et fessura !... En tout cas, ce que je voulais dire par là, c'est qu'il y a dans la science une curiosité, une énorme curiosité qui, à l'égard de la nature, est semblable à la curiosité du voyeur. La science veut connaître, elle veut voir quelque chose qui est défendu, le mystère de la composition de la matière ; et le voyeur veut voir quelque chose qui a toujours été caché, jusqu'à hier... Il n'y a pas de précédent pour ce qu'on appelle la pornographie moderne, parce qu'on regarde là où personne n'a jamais regardé.

J-N. S. : A Pompéi, les Grecs, les Romains...

A. M. : Ah ! les Grecs et les Romains s'en tiraient, eux, avec des stylisations ! (rires).

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

11:30 Publié dans Auteurs | Lien permanent | Commentaires (0)

Les commentaires sont fermés.