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26/05/2020

Un texte inédit de René Char

Préambule au "Soleil des eaux"

Le Soleil des eaux, "spectacle pour une toile des pêcheurs", date de 1946 et fut créé en 1948 par la Radiodiffusion française, avec une musique de Pierre Boulez. Ce préambule, jusqu'ici inédit, fut rédigé par René Char en 1967 en perspective d'une représentation télévisée de l’œuvre. Il en adressa le texte à l'helléniste Pierre Vidal-Naquet (1930-2006) le 18 juin 1975 au terme de discussions et d'échanges de correspondance sur l'Illiade. René Char achevait d'ailleurs sa lettre par cette belle formule : "Homère, dieu pluriel, avait œuvré sans ratures, en amont et en aval à la fois, nous donnant à voir l'entier Pays de l'homme et des dieux."
Ce préambule synthétise de façon frappante les rapports de René Char avec la Grèce et la Provence. Les trois divinités de son "drame initial" y conservent l'accent nietzschéen présent dès le Marteau sans maître, et récurrent dans toute son œuvre. Voici :

L'insistance des grands mythes survivants à se montrer à nous n'a d'égale que notre gêne à les distinguer. En Provence, les figures de la Grèce ancienne sont présentes à fleur de terre. Il advient au poète de les rencontrer et d'en nommer passagèrement les traits. Ainsi retrouve-t-on dans le Soleil des eaux certains des personnages de notre drame initial : le serpent Python (le Dragon, symbole de l'effroi, du poison) (1) que vainquit Apollon adolescent, c'est le Drac pêcheur d'anguilles ; Héphaïstos, le dieu forgeron, le dieu boiteux qui donne à Apollon les flèches avec lesquelles celui-ci tuera Python, c'est l'Armurier, il fournit à Francis (2) les armes de son combat ; Apollon lui-même, le dieu de la jeunesse aux multiples visages est réparti sous les traits de Francis, d'Apollon le lézard et d'autres pêcheurs. Tous gravitent et avancent, chargés de contradictions, de courroux, d'amour et de soif de justice. Les dieux ne dispensent pas les hommes de la révolte, pas plus qu'ils ne limitent, aux diverses époques de la terre, les couleurs de leur destin.

René Char

(1) Le poète avait d'abord écrit : "symbole du Mal originel" ; puis il a corrigé par "symbole de l'effroi".
(2) Personnage principal de la pièce.

A signaler, parmi les réussites bibliophiliques touchant à l’œuvre illustrée du poète, le fac-similé superbe de Quatre fascinants, manuscrit autographe de René Char, enluminé par Victor Brauner (1950), publié par la Fondation de l'Hermitage (16 pages + couverture, 28 francs suisses).

09:13 Publié dans René Char | Lien permanent | Commentaires (0)

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