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17/06/2017

Gérald Neveu (1921-1960)

 

Les Derniers Poèmes

 

Un manteau de plumes

              à Mitzi.

1

Un petit doigt mince à bout de nez de celle qui déguise l'espace en arlequin sérieux...
Le feuillet qui tombe chaque jour donne, en chiffre vrai, la couleur des lèvres.
Des approches prudentes jamais ne pourront vaincre l'universel gluten mais bien, puisée en chaque douleur, cette démarche puérilement stellaire.
Jusqu'à l'usure le paysage passe, drainé par cette volonté hygiénique qui s'appelle parfois "aimer".
Dans la bouche se brisent les dernières pensées notoires et c'est sur une diagonale de velours chair, l'érection, comme demain équivoque, de la statue.

 

2

Faudrait-il compter avec le totem familier dressé comme un viol dans la niche du coeur ?
Telle existence virtuelle a mis son masque d'évidence.
Dans certaines perspectives on peut voir naître de chaque pas une couronne de fumée...
En réalité, au fond de quelque loge banale où d'onctueux sursauts habitent le creux des paumes, règne, sainte, l'odeur du fer rouge et du lierre.
Le ciel mis à nu tombe en vrille.
Les étonnées sont toutes penchées aux fenêtres car le beau matin ne s'exprime, habituellement, que par les yeux. Mais c'est lui qui répand sans cesse par les rues d'invisibles arborescences.
Et toi, trace, en t'en venant, de ton doigt mauve, la crevasse en zigzag, la lanière à faire danser le feu !...

 

3

 

A déplier, ce papier trop rose pour l'amour ! qu'il laisse échapper comme oubliés par les urgences successives, des cadavres surprenants de papillons éteints avant d'avoir été !
Vas-tu contredire à cela, toi dont le demi-visage entrebâille la mer ?
Vois-tu, ce n'est ni d'un geste ni d'un sourire que l'on peut tuer les enfances résurgentes ?
Aurais-je ici trop parlé d'un effroi ?
Le petit matin en voilette, c'est bien toi qui passes sans remuer ton corps.
A quelques feux cachés sont pris tes doigts sournoisement sous le feuillage.
Parfois, tu viens et bleuis de ta salive quelques minutes volées.
Assez de pierreries !
... ou alors peut-être, par lassitude, en robe capillaire un flou de méduse perdu, involontaire, inexistant...
Peut-être aussi une voix ?


4

 

Tu ne peux retenir ton geste incalculable...
Et tu ris. Une pensée (pourtant si juste) est pendue quelque part, là-bas ; lanterne où mangent tous les vents.
Quel oblique destin surprendra la volée de ta joie ?
Et pourquoi cette plaie, toute honteuse au bout de tes regards ?
Tu n'es rien qu'un fragile battement tandis que tonnent les carrefours.
Mais ton odeur irradie la question immense.
Lancéolée ton ombre envahit les nuages parmi des débris en fuite.
Il reste un éclat sur ton dos déchirant : les plumes et leur morsure !
Et tu ris !
La fraîcheur se lève tôt à coups de hache...

                                                                          Gérald Neveu

                                                                            janvier 1960

Demain, sur le blog vous pourrez lire les poèmes : "Cette nuit..." & "Midi", dernier texte de Gérald, trouvé sur son lit le jour où il a pris congé des vivants, le 29 février  1960.

12:20 Publié dans Auteurs | Lien permanent | Commentaires (0)

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