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24/05/2017

Christian Arthaud opus 2

Pierre Le Pillouër : Que penses-tu de ton livre en tant qu'objet ? Et de ton éditeur ?

Christian Arthaud : J'aime le feuilleter. J'ai bien sûr relevé quelques erreurs mais ce n'est pas un motif d'insatisfaction et j'ai félicité l'éditeur qui a été aussi le maquettiste. Je n'ai pas fait comme Georges Darien qui écrivit, en 1903, ceci à son éditeur : "Monsieur Stock, j'ai reçu votre carte. Voici ma réponse : si vous ne publiez pas mon roman en octobre prochain, je vous tuerai."

P. L. P. : Qu'est-ce qu'un idéogramme ?

C. A. : Un personnage de l'Antiquité chinoise, un morceau vif de la pensée, une inscription funéraire-baptismale, un geste du doigt dans la paume de la main, une conjonction tumultueuse de sens, de sons, de signes, la trace d'un chant d'exil...

P. L. P. : Qu'est-ce qu'un bol de riz ?

C. A. : J'ai horreur de manger avec des baguettes.

P. L. P. : Fabienne Villani, qui tape pour de bon sur les bambous, pense que tu n'es qu'un amuseur, un salonnard : est-elle plus zen que toi ?

C. A. : Je ne revendique aucun territoire intellectuel (ni la Chine, ni Roussel, ni Matisse) ni aucune qualification pour quoi que ce soit. Et je conçois que sans désir d'appropriation ni sentimentalisme identificatoire il soit difficile de me prendre au sérieux. Je ne peux écrire que pour ceux qui savent lire.

J. P. L. : Au fait, tu cites des auteurs précisément choisis.
J'aimerais extraire ceci : ... de Cioran (La tentation d'exister, p. 206) :
"On ne retire pas sa confiance aux mots, ni on n'attente à leur sécurité, sans avoir un pied dans l'abîme. Leur néant procède du nôtre. Ne faisant plus corps avec notre esprit, ils sont comme s'ils ne nous avaient jamais servi. Existent-ils ? Nous concevons leur existence sans la sentir. Quelle solitude que celle où ils nous quittent et où nous les quittons ! Nous sommes libres, il est vrai ; mais nous regrettons leur despotisme. Ils étaient là avec les choses ; maintenant qu'ils disparaissent, elles s'apprêtent à les suivre et s'amenuisent sous nos regards. Tout diminue, tout se résorbe. Où fuir, par où échapper à l'infime ? La matière se ratatine, abdique ses dimensions, vide les lieux... Cependant notre peur se dilate, et, occupant la place, fait office d'univers."

... de Prigent (cité dans Poésies aujourd'hui de B. Grégoire, J.-M. Gleize, B. Vargaftig, p. 113) :
"Que dire alors ? sinon que la crise est l'état normal pour un écrivain : pour qui traite le négatif, comme disait Kafka ; pour qui affronte l'impossible du réel dans le langage ; pour qui creuse, en langue, un savoir du Mal ; pour qui oeuvre aux limites de ce qu'une société peut tolérer pour se constituer comme corps habitable ; pour qui écrire n'a de sens qu'à proposer de grandes irrégularités de langage ; pour qui, dans sa langue, est toujours de ce fait impeccablement seul, impeccablement inaudible. En ce sens, comme toujours, la crise est profonde, oui : congénitale, synonyme d'écriture."

22:31 Publié dans Auteurs | Lien permanent | Commentaires (0)

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