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17/01/2017

Edmond Charlot (1915-2004) opus 1

Aujourd'hui, pleins feux sur un éditeur de talent, Edmond Charlot. Je laisse la parole à Jean-Pierre Péroncel-Hugoz, qui a eu la chance de pouvoir le rencontrer :

Qui sait qu'Edmond Charlot, premier éditeur de Camus à Alger, plastiqué comme "libéral" par l'Organisation armée secrète en 1961, s'est, après bien des péripéties parisiennes, anatoliennes et rifaines, réinstallé, faute de pouvoir le faire en Algérie indépendante où l'on ne connaît pas l'édition privée, dans l'ancienne hôtelerie du Bât-d'Argent, à Pézenas où séjourna Molière ; ce, jusqu'à sa mort, survenue en avril 2004 ? Nous étions allés voir dans sa "bouquinerie" cet homme à l'avenante modestie :

"Nous étions en 1936 et j'avais vingt ans. Mon prof de philo, Jean Grenier, le même qui avait encouragé Albert Camus et Mouloud Mammeri à écrire, m'avait conseillé l'édition. Avec presque rien, j'ouvris une minuscule librairie, rue Charras, à Alger, Aux vraies richesses. Cette enseigne empruntée à Jean Giono est sans doute ce qui fait souvent dire qu'il a été le premier auteur édité par ma maison. C'est vrai que Rondeur des jours fut l'une de nos toutes premières publications mais non la première. Dès fin 1935, j'avais publié Une Française en URSS, de Louise Bossendet, l'un des premiers récits féminins sur le système soviétique. Cette descendante algéroise d’Élisée Reclus, complètement oubliée depuis lors, tenait à la Bouzaréah une sorte de "maison du cœur" ouverte aux petits sans-famille.

- Est-il exact que votre plus grand succès fut le Mas Théotime d'Henri Bosco ?

- Je me souviens qu'il eut le prix Renaudot 1945 et que le Mas s'était déjà bien vendu dès sa sortie. Un jeune chercheur d'Aix-en-Provence, Jean-Robert Henry, a pu établir que le tirage total de ce livre chez moi fut de 350 000 exemplaires. C'est possible, mais je ne peux absolument pas vous le confirmer. Outre que je n'ai jamais eu la mémoire des chiffres, bombes et cambrioleurs à Alger, déménageurs entre Turquie et France et autres avatars font que j'ai perdu une foule de papiers et de livres. Grâce à ma fille qui avait gardé certains de ceux-ci et aux rachats que j'ai pu faire depuis mon installation en France en 1980, j'ai commencé à reconstituer le "fonds Charlot" ; je dois avoir maintenant recensé environ quatre cents des quelque cinq cent cinquante à six cents titres que j'ai édités.

- Vous n'avez quand même pas oublié Camus, Bernanos, Amrouche, Gide, Druon, l'orientaliste Dermenghem, Féraoun, Frison-Roche, Kessel, Jouve, Jules Roy, Robles et jusqu'au Vercors du Silence de la mer et au président Auriol...

- Bon, n'en jetez plus ! Ah ! Vincent Auriol, je ne risque pas de l'oublier... En 1944, nous avions publié à Tunis son Hier... Demain. de Bordeaux à Vichy. Après la Libération de la France et ma démobilisation en métropole, j'avais créé à Paris une succursale de mes éditions d'Alger (je ne vous raconterai pas les mistoufles des éditeurs parisiens...). Auriol me fit venir au Sénat et me dit : "Il y a de fortes chances que je sois élu président de la République ; réimprimez vite mon livre, et à 35 000 exemplaires ! - Mais je manque de papier et je n'ai même pas le téléphone. - Foncez, vous aurez les deux !"
"Le temps de retourner à mon siège, un ancien bordel de la rue Grégoire-de-Tours où avait été client Apollinaire, et je trouvai devant chez moi les poseurs du téléphone. Cela m'encouragea à tirer l'ouvrage sans attendre le papier, qui ne vint jamais... Auriol fut élu, mais je ne sais quel règlement interdisait alors qu'on fît de la pub pour un livre du chef de l’État, qu'en plus les critiques boudèrent ; il m'en resta 30 000 exemplaires sur le dos...

- C'est votre plus grosse déception d'éditeur ?

"Non, quand même ! Je réserverais plutôt ce superlatif pour Agostino, d'Alberto Moravia, que je considère comme un chef-d'oeuvre, pour lequel je fis un lancement royal en 1946 à Paris et dont nous vendîmes 600 exemplaires... Mystère des livres...

- Et votre plus grande joie dans le métier ?

- Je la dois sans doute à l'Anthologie poétique de Federico García Lorca, publiée en 1945, et qui me paraissait atteindre à une sorte de perfection et fut en outre bien reçue par le public. C'était mon cinquième volume du poète espagnol, après Prologue et Romances historiques en 1942, puis le Petit Retable de Don Cristobal et Romancero gitan, toujours pendant la guerre mondiale.

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                                                                                                                  à suivre

18:26 Publié dans Editions | Lien permanent | Commentaires (0)

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