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08/06/2017

"De la culture en Amérique", de Frédéric Martel, éditions Gallimard

Un titre inspiré d'Alexis de Tocqueville, mais foin des idées reçues, Michel Guerrin et Emmanuel de Roux nous parlent aujourd'hui d'un sujet mal connu en Europe. Philippe Martel, auteur de le Rose et le Noir aime balayer les idées reçues : dans une fédération d’États où il n'existe pas de Ministère de la Culture, l'argent public dédié à la culture pourrait passer comme une ingérence dans le domaine. L’État n'a-t-il pourtant rien à faire ni à dire ? : la réponse, dans les lignes qui suivent :

Quel est le montant de l'argent public investi dans la culture ? L'addition est complexe. Entre 26 et 50 milliards de dollars par an, estime Frédéric Martel, qui ajoute : "Par habitant, le budget culturel public aux États-Unis est égal voire supérieur à celui de la France." Sacrée surprise. D'autant que, côté argent privé, les États-Unis sont imbattables. Avec d'abord une culture du don individuel : 13,5 milliards de dollars chaque année - grosso modo quatre fois le budget du Ministère de la Culture en France. Il faut ajouter à ce chiffre les quelques milliards de dollars distillés par les grandes fondations, dont Frédéric Martel raconte l'esprit et l'ampleur à travers la figure de quelques grands industriels devenus philanthropes : Carnegie, Rockefeller, Ford...

Il ne faut pas non plus oublier les 4 000 universités dont l'action culturelle est largement méconnue. Or cette présence est centrale : elle forme les futurs acteurs de la vie culturelle américaine, mais aussi les publics de demain. Ce sont également des pôles multiculturels qui irriguent des régions entières. Car il y a 700 musées dans les universités, 2 300 Performing Art Centers, 110 maisons d'éditions, 3 500 bibliothèques dont 65 possèdent  plus de 2,5 millions de volumes. Enfin les universités sont le premier employeur des deux millions d'artistes recensés par le ministère du travail aux États-Unis.

On sort du livre avec la conviction qu'aucun autre pays au monde ne fait autant pour la culture. Voilà le meilleur, dit F. Martel, qui pointe également "le pire". Car ce système singulier laisse aussi le champ libre aux attaques les plus violentes contre la culture, et peut conduire à l'éviction brutale de décideurs culturels, ou à des coupes claires dans des crédits. Frédéric Martel décrit longuement l'épisode des Culture Wars sous Reagan, dans les années 1980, qui ont vu se multiplier les actes de censure contre des artistes.

Le poids dominant de la société civile peut induire, aussi, la mise à l'écart des créations les plus difficiles. La marchandisation des opéras ou des musées n'est pas non plus sans effet sur les œuvres. L'argent des "riches" peut déboucher sur "un art pour les riches" ; c'est ainsi que le théâtre, jugé souvent trop subversif, est le grand délaissé du système. "Sans doute le modèle américain n'est-il pas exportable, conclut Frédéric Martel. mais son extraordinaire souplesse lui donne un gros avantage dans le monde actuel en pleine mutation. En tout cas, il faut cesser de le sous-estimer." Son livre est une réussite.

 

                                                Michel Guerrin et Emmanuel de Roux

22:21 Publié dans Auteurs | Lien permanent | Commentaires (0)

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