30/06/2015
Tout compte fait - III
Ce qui se révélait, une fois encore : l'impression, les yeux fermés, de voir se perdre dans le paysage les lueurs d'un autre âge ; tout aussi bien, d'être là, derrière les cloisons d'une maison de verre, à contempler les nuages qui s'ajoutent, se dissolvent, meurent par accident. Absorbés, délivrés, oubliés, réinventés, venus d'un côté de l'horizon nous forger un passé.
Sous la plus impassible étendue, l'énigme se loge, en attente d'être résolue, s'il se peut. Chacun, à sa manière, le tente - y réussit ?, c'est autre chose ! Mythique, allégorique, et la couleur absolument unique qui se dégage alors, réunion de toutes les constituantes de notre univers visible, de ce que chaque être porte en lui, tout se suit, tout se répond, sans mentir.
Réveillant les rameaux endormis et les feuilles languissantes, un vent soudain : nous étions là, Hélène et moi, à réanimer les traces convergeant vers l'affirmation d'une possibilité inouïe. Recomposer ce qui, au fil des années, avait perdu toute logique directe. "Décalcomanie du désir", aurait pu dire André : "Pour ouvrir à volonté sa fenêtre sur les plus beaux paysages du monde et d'ailleurs étendez, au moyen d'un large pinceau, de la gouache noire plus ou moins diluée par places, sur une feuille de papier blanc satiné que vous recouvrez aussitôt d'une feuille semblable sur laquelle vous exercez, du revers de la main, une pression moyenne. Soulevez sans hâte..."
Les émotions sont constitutives de la raison : à l'image de ces fameuses décalcomanies, cette seconde feuille levée la révèle, assurément. J'ai longtemps cru que la raison gouvernait à peu près tout, mais suis revenu de ces considérations pour le moins hâtives, pourtant solidement intégrées à nos conceptions du monde. La création - ce par quoi tout a commencé - y échappe continûment. Quelle logique dites-moi à notre présence sur cette terre, ravagée depuis les débuts de l'humanité par des luttes intestines, entre ceux qui pensent, étudient les moyens d'imposer leurs vues coûte que coûte ; ceux qui agissent au nom de, au nom de quoi ? Aucune logique apparente du moins, nous aurions pu ne jamais être si... La raison vient après, toujours après.
Daniel Martinez
10:52 Publié dans Journal | Lien permanent | Commentaires (0)
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