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30/07/2017

Nicolas Malebranche (5/8/1638- 13/10/1715)

Avec le vent de ce matin, qui chatouille le bouleau pourpre du jardin où les tourterelles ont bien du mal à demeurer, une relecture de Nicolas Malebranche, son livre II de La recherche de la vérité, précisément, ce pour garder l'esprit clair. Il y parle notamment "de la force de l'imagination", en la rapportant à certains auteurs. Son côté inactuel n'est pas pour me déplaire, certes, ... et pourquoi ne pas élargir les propos de ce penseur à d'autres intervenants de la vie sociale, actuelle n'est-ce pas, à ce Grand Flou glaçant qui ne caractérise pas seulement le milieu politique, écoutez plutôt :

"Une des plus grandes et des plus remarquables preuves de la puissance que les imaginations ont les unes sur les autres, c'est le pouvoir qu'ont certains auteurs de persuader sans aucunes raisons. Par exemple, le tour des paroles de Tertullien, de Sénèque, de Montaigne, et de quelques autres, a tant de charme, et tant d'éclat, qu'il éblouit l'esprit de la plupart des gens, quoique ce ne soit qu'une faible peinture, et comme l'ombre de l'imagination de ces auteurs. Leurs paroles toutes mortes qu'elles sont, ont plus de vigueur que la raison de certaines gens. Elles entrent, elles pénètrent, elles dominent dans l'âme d'une manière si impérieuse, qu'elles se font obéir sans se faire entendre, et qu'on se rend à leurs ordres sans les savoir. On veut croire mais on ne sait que croire : car lorsqu'on veut savoir précisément ce qu'on croit, ou ce qu'on veut croire, et qu'on s'approche, pour ainsi dire, de ces fantômes pour les reconnaître, ils s'en vont souvent en fumée avec tout leur appareil et tout leur éclat..."


Nicolas Malebranche

29/07/2017

La vie des dictionnaires

Vous qui comme moi consultez un peu, beaucoup, passionnément... un ou plusieurs dictionnaires pour vous assurer du sens d'un mot, d'une expression, d'un gallicisme, etc - ou le confirmer même quand vous en ressentez le besoin- , voyez ce qu'écrit à ce propos Philippe Delerm :

"Comme écrivain, je ne me sers jamais d'un dictionnaire, à plus forte raison d'un dictionnaire analogique ou de synonymes, si ce n'est pour vérifier l'orthographe d'un mot. Je m'en tiens à ce sujet à la philosophie de Paul Léautaud, qui prétendait qu'un écrivain doit s'en tenir à sa palette, sans chercher artificiellement d'autres couleurs, au risque de perdre le seul bien véritable - la touche personnelle, le trait singulier. Quand Colette parle des fleurs, on sent qu'elle les possède charnellement depuis l'enfance. Quand Balzac énumère platement toute la flore des Alpes, je n'y crois pas, car je sens que sa science a glissé tout droit d'un dictionnaire.

Non, pour moi le dictionnaire garde un parfum délicieusement inutile. Il est lié à mes premières émotions érotiques - ces grandes pages glacées bistre où étaient reproduites en lascives postures orientales les femmes nues de Ingres ou de David. Le contraste entre le sérieux du contenant et la perversité de la quête jouait un grand rôle dans l'intensité de mes émois."

     Pour Alain Rey maintenant :

"Dictionnaire : la chose ? De moins en moins aisée à définir ; pas même un "livre", aujourd'hui, puisqu'il en prolifère sur la Toile, en ligne, hors ligne, entre les lignes, en cédés plus ou moins rom... Dans une liste ? un catalogue ? Pas toujours. Alphabétique ? Ho, ho, et les Chinois, et les dicos d'ancien égyptien, par hiéroglyphes ? Et les dictionnaires d'"idées" où les mots sont les cibles ? Que reste-t-il de nos chers dictionnaires ? De collectionner des signes, pas seulement des "mots", et de répertorier des sens. Et l'on en vient à ceci, qui est dans le mot dictionnaire : un répertoire des "manières de dire".
Les Allemands sont simples : Wörterbuch, le livre des mots. Les Grecs anciens, profonds et ambigus : ils parlent du logos, langage, mais aussi raison ; de glossa, la langue, d'où glossaire et glose. Les Latins, malins : qu'y a-t-il derrière le vocabulaire ? Du "dire" (dicere). Dicere, d'où dictio, la façon de dire les choses, et des écrire, sans doute.
Il a fallu attendre le XVIe siècle pour que la langue latine, qui se portait alors fort bien en Europe occidentale, se préoccupât de nommer ce qui était un perfectionnement des glossaires (ici, on est en grec). Et notre grand Robert Estienne concocte son dictionnarium latin-français, qu'il va, génialement, retourner comme un gant : le dictionnaire français, mot et chose embrassés, est né."

10:12 Publié dans Auteurs | Lien permanent | Commentaires (0)

27/07/2017

Andrea del Sarto (1486-1531)

Cet artiste de renom, grand représentant du classicisme florentin de la haute Renaissance, a été le maître de Rosso et de Pontormo.

Dans ses  fresques et ses peintures, Andrea del Sarto soigne tout particulièrement l'esthétique masculine [Vie de saint Philippe Benizzi (1510), Vie de saint Jean-Baptiste (1512-1526)], quand bien même les visages semblent parfois teintés d'inquiétude. Et les femmes [Madone aux harpies, Offices, Florence ; Portrait de femme, Offices ; Portrait de Lucrezia del Fede, femme du peintre, Prado, Madrid...] y sont le plus souvent mûres, maternelles et bien plus naturelles que celles de Raphaël. C'est qu'il existe un type que l'on pourrait dire "sartesque", au front très haut, aux yeux noirs, au visage large, aux lèvres épaisses, au menton parfois fendu d'une fossette...

Autant de personnages d'une même tribu qui - rassemblés sous la cloche d'un espace saturé de volumes moelleux et troué de zones d'ombre ouvrant leurs secrets au milieu du tableau - incarnent une présence onirique bien plus qu'idéale, qu'ils soient austères ou hilares.

Quant aux enfants, ils se meuvent au ralenti dans ces espaces fermés, brandissant leurs doigts d'un air distant et majestueux, ou criant dans la nuit leur joie ou leur stupeur. Sous cet éclairage spectral qui leur dessine des cavités noires à la place des yeux, ils ne rient pas quand ils rient, c'est leur âme riante qui, secrètement, dirige de loin l'action solennelle à laquelle leurs corps participent.

22:44 Publié dans Arts | Lien permanent | Commentaires (0)