19/04/2018
Diérèse 73 : Daniel Martinez, avec "Le point de chute"
"J’aime, particulièrement, la descente de l’Alpe française vers Martigny, par le train qui arrive en Suisse, cette plongée lente et progressive – impossible d’y résister, de quelque manière. C’est, en cette journée d’août, un peu de neige sur les mots noirs de mon carnet de notes, son côté fouillis, fourre-tout, traversé de sonorités diverses échappées de la vie de chacun, d’un mouvement des lèvres, d’un enthousiasme aussi subit qu’injustifié. Mais tout ici semble réglé pour une fin, qui sera celle du voyage, son terme, s’il en est un ?
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Elles, bien plus bas, sont silhouettes qui se meuvent. Et qui jamais ne ménagent leurs efforts pour se hisser, de tel plan incliné (la vue en contrebas donne une impression de hauteur, touche à une sorte de licence conceptuelle, qui ravale l’humain au rang de touches musicales, en trompe-l’œil : de l’imaginaire à l’état pur – à tel autre). D’un point précis du sol au suivant, dans une logique de déplacement perceptible depuis le compartiment. Ici, face aux glacis frémissants d’une remise, là, s’attardant sur l’image de quelque troupeau palpitant comme cœur ouvert, au fil du chemin enfin, mille trésors quotidiens – éléments d’une réalité réinterprétée, à chaque poussée du train. L’espace terrestre, familier : pays du mouvement perpétuel..."
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C’est bien depuis un train à crémaillère que j’écris. On est là, comme tiraillé de l’intérieur. Et l’on surplombe les toits de lauze où donne à plein un soleil extatique. Bruits de gorges, babillage des voyageurs, c’est fou ce qu’il inventent pour tuer le temps, d’astuces, immuables : un rituel, une théâtralisation du rien.
Seules demeurent, pour mon plaisir et je ne le bouderai pas, quelques touches d’un mystère qui prend maintenant le visage ocellé d’un éventail d’écume tachant les défroques d’azur, avant qu’elles ne se posent sur le jaune brûlé des champs. Plus bas encore, le regard court, du jardin le plus frontal au chemin municipal, escarpé pour le moins.
Rien pour autant qui puisse effacer la rumeur ambiante, insistante ; fanes des chevelures. Tout l’ailleurs s’y retrouve. Le fil glacé d’un torrent contre les flots de ronces.
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Aux Marécottes un léger brouillard, une fine pluie emperle les vitres, on dirait que le diable n’est-ce pas… C’est d’un gratte-gosier que l’on devrait parler plutôt : car on sent la bouche de l’espace s’enrouer soudain, sans raison. Plus aucun chouca dans les hauteurs.
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Daniel Martinez
20:23 Publié dans Diérèse 73 | Lien permanent | Commentaires (0)
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