241158

Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

11/12/2019

Parole et communication : "A quoi bon encore des poètes ?", de Christian Prigent, P.O.L., mars 1996

Nous sommes des êtres parlants. Le parlant n'est pas seulement le communiquant. La parole, ce n'est pas que ce bruitage qui sous-titre d'un murmure anodin l'arrogance des images. Parler, ça n'est pas qu'échanger des informations dans un espéranto cathodique monomane où la complexité des pensées et l'obscure violence du monde s'estompent dans des clichés infiniment repris et désespérément interchangeables. Je dirais que le "travail de la langue" que continue imperturbablement à produire la poésie est d'abord un rappel discret de ces vérités.

C'est aussi une protestation, certes confinée dans les catacombes de la société du Spectacle, mais passionnée et têtue, contre la réduction de la dimension linguistique à celle de la "communication". Ce travail pose des témoins : les témoins d'une récusation du pâle idiome planétaire qui s'est voué à la répétition du même et qui s'appauvrit à mesure qu'il recherche le plus grand dénominateur commun possible. Il peut alors peut-être s'entendre plus généralement comme une forme de résistance à la dévotion aliénée aux "images" (à la subtilisation du "réel" dans "l'image") qui est sans doute la marque propre de notre modèle culturel. La poésie est un iconoclasme.


Christian Prigent

*

C'est Paul Valéry qui définissait la poésie comme "un effort au style". J'ajouterais aux propos de Christian Prigent qu'à mon sens c'est la notion même d'effort, dans ce qui touche à l'esprit et à ses dérivés littéraires en particulier, qui va s'affaiblissant dans la partie la plus exposée de la Littérature, pour tout dire la mieux vendable. Où le critère de qualité est progressivement happé par des courants médiatiques venus interférer avec le processus créatif lui-même, l'orientant et le subordonnant (Houellebecq, Nothomb... en sont des exemples types). La réflexivité de cette "communication" (au lieu de sa transitivité) agit comme un acide attaquant le monde des Lettres dans leur portée et la notion de message, de transmission.
La poésie, du moins celle qui mérite ce nom, fait figure de citadelle dans un milieu renversant, à tous les sens du terme. Nous vivons une société virale et seule la capacité de résistance du poète au flux brownien des particules adverses sauvera sa parole. Permettez-moi d'ajouter que, à ma petite échelle et loin, si loin des réseaux constitués, j'y crois, foncièrement. Amitiés partagées, Daniel Martinez

08:45 Publié dans Auteurs | Lien permanent | Commentaires (0)

Les commentaires sont fermés.