02/06/2020
"Le grondement de la montagne", de Yasunari Kawabata, traduit par Sylvie Régnault-Gatier et Hisashi Suematsu, éd. Albin Michel, 20/12/1968
Les cloches du printemps
C'était la saison des fleurs ; les cloches des temples sonnaient toute la journée pour les fêtes commémorant le sept centième anniversaire de la capitale bouddhiste, Kamakura...
Shingo contemplait les cerisiers épanouis dans le jardin.
Au pied du plus haut foisonnaient des aralias, plantes que Shingo n'aimait pas. Avant la floraison des cerisiers, il avait eu l'intention de les supprimer, mais il avait abondamment neigé pendant le mois de mars, et voilà qu'il regardait les arbres fleurir.
Environ trois ans auparavant, Shingo avait coupé les aralias au niveau du sol, ce qui n'avait eu d'autre effet que de les fortifier. Il avait alors pensé qu'il ne s'en débarrasserait qu'en les déracinant ; voilà ce qu'il aurait dû faire.
Depuis une remarque de Yasuko, le vieillard s'était pris d'une horreur plus vive encore pour le vert cru du feuillage. En l'absence de ces touffes, le grand tronc du cerisier se dessinerait bien et les branches s'étendraient dans toutes les directions, sans aucun empêchement, jusqu'à toucher terre de leurs extrémités.
D'ailleurs, même avec ces aralias, les branches retombaient très bas.
"Quelle masse de fleurs !"
Dans la lumière de l'après-midi, les fleurs de cerisier flottaient avec splendeur sur le ciel. Ni leur couleur ni leur forme n'étaient très accusées, mais elles emplissaient l'espace. L'arbre se trouvait à l'apogée de son épanouissement, - comment croire que toutes ces fleurs fussent condamnées ?
Mais, pétale après pétale, elles s'effeuillaient, et sous le cerisier, les fleurs tombées s'amassaient.
Yasunari Kawabata
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