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07/03/2021

"Le Destin des Yvarsen", de Marie-Anne Desmarest (1904-1973), éd. Denoël, 26/1/1959, 192 pages

Sur le marbre de la cheminée, une pendule Louis XVI rythmait l'écoulement du temps. Ide s'était retirée dans sa chambre. Thérèse demeurait seule dans le grand salon silencieux. Elle avait éteint toutes les lampes sauf une, sa préférée, à abat-jour de brocart. Enfoncée dans un fauteuil, un châle de soie sur les épaules, elle attendait le retour de Jan.
Que n'aurait-elle pas donné pour être avec lui ! Pour le seconder comme jadis. Elle aurait revêtu sa blouse d'infirmière et... Il lui sembla entendre la voix impérative de son époux.
- Alcool !
- Pincettes !
Thérèse se leva et gagna la chambre d'Ide. Elle y pénétra à pas feutrés. La jeune femme dormait la fenêtre ouverte, et la pâle lumière de la lune tombait sur l'oreiller où s'étalait son opulente chevelure blonde. Ide dormait, un sourire un peu nostalgique sur les lèvres. Thérèse resta de longues minutes à contempler ce spectacle tout de grâce et de pureté. Attendrie, elle se retira sur le pointe des pieds.
Quand elle rentra dans le salon, elle jeta un coup d’œil sur le cadran d'émail où les aiguilles dorées traçaient leurs cercles sans fin : il était deux heures du matin. A ce moment, elle perçut le bruit d'une clef dans la serrure d'entrée. Ce cliquetis métallique fit battre son cœur plus fort, plus rapidement. Jan rentrait ! Elle allait enfin savoir s'il avait réussi, ou bien si... Elle n'osa pas achever cette pensée, mais se hâta vers le vestibule. Cependant, arrivée sur le seuil, elle resta clouée sur place, saisie d'angoisse.
Jan était là, debout devant elle, méconnaissable. D'une pâleur spectrale, les narines pincées, des rides d'amertume creusées autour de sa bouche, son regard lointain passait au-dessus de Thérèse, semblait fixer d'inquiétants horizons de cauchemar.
- Mais..., balbutia Thérèse, effrayée par cette terrible métamorphose, que s'est-il passé, Jan ?
Lentement, très lentement, Jan baissa son regard sur sa femme et articula d'une voix rauque :
- J'ai perdu, Thérèse... Il est mort sous ma main.
Elle voulut parler, le calmer, mais il l'arrêta d'un ton cassant :
- Non, surtout ne dis rien !


Marie-Anne Desmarest

13:11 Publié dans Auteurs | Lien permanent | Commentaires (0)

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