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10/05/2021

"Un ciel élémentaire", de Bernard Hreglich, éditions Gallimard, 160 pages, 21 mars 1994, 105 F

Itinéraire de la source et du verbe


Tisserand les jours d'hiver et voyou sous la crédule
Illustration dont il faut cerner les vitres
Afin d'épuiser les sens et les rythmes de ce paysage
Surchargé d'arbres fruitiers, de syllabes nécessaires
Où jamais tu ne viendras si j'en crois tes broderies
Sur un châle interminable. La géographie distribue comme à plaisir
Les dividendes de la mer, interdisant aux profanes
La pratique des écluses.


Je négocie l'audience et les cheminements
De cette œuvre aux longs parcours achevant comme le fleuve
Ses voyages dans une ville aux portes monumentales.


il convient de perdre la tête sous tes nuits d'incertitude
Et plus loin, dans le futur, trahir l'antique
Flèche de saule pour une éclisse glissée dans le givre verbal.


Bernard Hreglich

 

Le poète Bernard Hreglich, né en 1943 à Tunis, est mort à Paris, lundi 12 août 1996, des suites d'une sclérose en plaques. Il était âgé de cinquante-trois ans.

"J'ai un réel besoin de fuite", écrivait-il dans son premier recueil, Droit d'absence (Belfond), qui, paradoxalement, assura aussitôt sa présence parmi les tout premiers poètes de ce temps. C'était en 1977. Bernard Hreglich avait 34 ans. Le prix Max Jacob distinguait là une œuvre grave et lente, parlée plutôt que chantée, indifférente à toute notion d'école ou d'opportunité, assimilable au journal d'une solitude vigilante, sans colère ni dédain. N'exploitant d'aucune façon son succès, Bernard Hreglich attendra dix ans pour publier de nouveau.

Ce fut un mince recueil, Mètre visage (Sud-Poésie, 1986), que le jury du prix Jean Malrieu couronna à l'unanimité. Encore sept années de retrait, ponctuées de déchirements amoureux, de condamnations du "siècle aux épisodes carnassiers" et "d'abandons à l'écriture dans ce roncier parcouru de tragédie", et parut un important volume, Un ciel élémentaire (Gallimard, 1994), tout de suite salué par la critique exigeante et couronné par le prix Mallarmé, où apparaissait, disait le poète, "le mal qui me ronge".

Ce mal, il vient d'en mourir après avoir, malgré de perpétuelles souffrances, mis au point un ultime recueil au titre à la fois poignant et beau : Autant dire jamais (qui sera publié chez Gallimard le 3 octobre 1996). A peine avait-il pu en corriger les épreuves. Il s'est absenté pour toujours avant de le voir paraître. En voici le bouleversant exergue :
"Ce soir, je me contenterai du silence de l'absence et de cet œillet sauvage qui fut son dernier caprice avant de perdre la raison."


Jean Rousselot

17:52 Publié dans Auteurs | Lien permanent | Commentaires (0)

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