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24/08/2019

De la traduction : de la poésie chinoise, en particulier

Un gros problème se pose, quant à la traduction de la poésie chinoise : on trouve en la matière très peu de traducteurs réellement bilingues, ce qui fait que l'on est souvent en présence d'un binôme... Un lettré français, plus un traducteur rétribué pour l'occasion : le premier peaufine, le second lui livre la matière brute, à travailler à sa guise. En règle générale, le résultat est peu probant au regard de la fidélité au texte, quel que soit l'éditeur, qui n'entend que peu à la chose (non des moindres, au demeurant), les canons de la poésie chinoise ne répondant que de loin à ceux de la poésie occidentale.
Sauf le respect que je dois à certains noms éminents (parmi lesquels François Cheng) je ne crois pas honnête de laisser entendre aux lecteurs, lisant lesdites translations, que le texte originel y est toujours respecté... Que penser alors ? Qu'une bonne partie de ce qui a été adapté du Chinois, avec les meilleures intentions du monde, est à revoir, à commencer par les translations de la période Tang. En effet, le lyrisme notamment, y est le plus souvent absent. Et l'on continue néanmoins à présenter comme "traductions" nombre de poèmes qui ont été transformés pour être lisibles par le lecteur occidental, en y ajoutant deci delà de petites touches au demeurant fort sympathiques, mais qui s'écartent sensiblement du texte chinois.
Je ne voudrais pas ici jouer les Henri Meschonnic (un poète ayant publié dans Diérèse, pour lequel j'ai par ailleurs grand respect et qui a traduit le plus fidèlement "Le Cantique des cantiques") mais tout de même, cessons de vendre aux lecteurs de l'Hexagone en particulier, tant et tant de traductions approximatives des poètes de l'empire du Milieu. L'argument économique : faire connaître à tout prix si je puis dire une poésie plus complexe qu'à première vue -  est insuffisant. Je vous le dis en toute connaissance de cause, mon épouse étant chinoise, spécialiste en méthodologie des langues.
Merci pour votre écoute.
Amitiés partagées, Daniel Martinez

15/06/2019

"Que représente la poésie pour vous, Jean-Pierre Colombi ?"

Chacun se voit s’éloigner de soi plus vite qu’il n’a les moyens de le dire. Voilà pourquoi je me suis proposé d’écrire des poèmes. Je voulais produire par l’effet des mots à la fois la substance d’un apaisement et le modèle d’une action. Il me semblait que nous n’étions jamais si loin que ça d’une vie moins dérisoire. Cette vie, je ne l’imaginais pas sans imperfections mais je croyais que nous pouvions ne pas lui en ajouter d’autres par notre aveuglement.
Dans un poème, les mots montrent d’une part exactement ce qu’ils disent et de l’autre tout ce qu’ils peuvent dire. Je pensais que, dans le déploiement de cette sorte de polarisation, l’esprit trouvait sa première liberté en même temps que l’image formelle des mondes viables. Je le crois toujours.
Je crois que c’est de là que l’esprit tient ce qu’il est. Par presque rien. Quelques lignes lues en silence ou apprises puis récitées. Ce qui se perpétue alors se transmet, et ce sont là des signes de re-connaissance.

Jean-Pierre Colombi

 

            Un peu de beauté pure
            entre le mur et moi
            pendant que je le longe
            et tout me semble clair

            quand je l'ai reconnue
            On dirait une odeur
            où la pensée se perd
            et laisse dans le vide

            Peut-être si le cœur
            ou ce qu'on nomme ainsi
            brûlait entièrement
            au moment de s'éteindre

            il aurait la couleur
            blanche de ce parfum
            de tout sur ma mémoire
            où elle s'est perdue


Jean-Pierre Colombi
Allégories de l'automne et des autres saisons,
éditions Gallimard, 15 avril 1985

09/06/2019

La poésie selon Roger Munier (1923-2010) : "elle refait l'unité du monde".

Je me souviens de Roger Munier, qui écrivit "Le Seul", livre dont Pierre Oster a permis qu'il soit publié chez Gallimard... engoncé pour ses dernières années dans un corset d'acier, et que la camarde a délivré de ses tourments un beau jour d'août 2010. Ce que le poète et traducteur dont s'agit pensait de dame Poésie, il l'a formulé in "Le Chant second", chez Deyrolle éditeur, en décembre 1991. Il m'a semblé important de vous le donner à lire, parce que l'auteur met ici en relief ce que sous-tend la démarche poétique authentique, loin des châteaux de cartes que certains se plaisent à édifier, pour leur propre contentement :

"La poésie relève les correspondances profondes entre des réalités que la pensée objective nécessairement isole : elle refait l'unité du monde. L'image poétique est le moyen de cette révélation, le verbe de l'unité retrouvée. Quand René Char parle de "la marche fourchue des saisons", il rassemble en un seul tout des fragments épars du réel. La conduite humaine de la marche est reliée comme telle aux rythmes cosmiques. Elle s'éclaire à leur lumière, comme ces rythmes à celle de notre destin temporel. Tout est un : pour signifier ce qui serait à dire et comme syntaxe de ce dire même. Elle permettrait aux images d'exprimer, non de façon directe, comme il arrive dans le langage prédicatif, mais par ce jeu des correspondances, dans un dire analogue." Roger Munier