11/12/2015
Lettres à Gaëlle XXV
XXV
Sur l'herbe du champ verte encore malgré la saison
des mouettes paressent nous entendons leurs cris
et le petit lac tout proche fait au passage frémir
quelques grèbes dont garde trace cette foule
insensée des nuages, la bouche bleue du bosquet
que tu ouvres des doigts comme le coeur de la terre
avec les troncs blancs des bouleaux nus
et le sentiment de son élection qu'engendre la beauté
quand elle vous est offerte sans crier gare
au détour des minutes arrachées au temps
où tout là-bas est offrande sous le vent
qui fait glisser lentement l'écho de nos pas
parmi les lignes des labours pétrifiés
de l'autre côté de la départementale.
Dans un semis de taches rousses
le présent acquiert l'épaisseur du passé
ainsi nous voyageons dans notre histoire
la main que je te donne échappe tout à fait
à ton âge, Gaëlle aux yeux sombres
sous les masses bruissantes délicieusement confiants
Daniel Martinez
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10/12/2015
"Silencieuse coïncidence" de Zéno Bianu
Pour aujourd'hui, quelques aphorismes de Zéno Bianu, qui a préfacé le prochain livre à paraître aux Deux-Siciles, dont le maître d'oeuvre est Jacques Coly : "Les poètes électriques". Nous en reparlerons. La parole au poète Zéno Bianu donc :
Oui au monde. Pleine présence à ce qui est.
* *
Jamais un lendemain n'a chanté au royaume de la machine à décerveler.
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"Tout ce qui arrive est juste". (Mâ Ananda Moyî)
* *
L'horrible révolution, la seule, où la réalité prend sa source.
* *
Le réel où nous croyons vivre n'est autre que celui où nous vivons.
* *
Infiniment, l'immédiat voile et dévoile.
* *
Notre vie : un seul poudroiement irisé du danseur divin.
* *
Tout ceci n'est que jeu ; mais il faut le jouer, émerveillé, dans un vertigineux souci de justice.
* *
"Hors l'Eveil, il n'est aucune réalité, et si l'Eveil avait une quelconque réalité, ce ne serait pas l'Eveil". (Houang-Po)
* *
Quand les sages cesseront-ils enfin de soutenir le monde ?
* *
De l'ennui d'être un ange, aux si rassurantes béquilles, aux si pauvres prestiges.
* *
Le trait d'union est la seule transparence ; le devenir, une prison qui permet d'être libre.
* *
"La gauche partage, la droite découpe". (Ernst Jünger)
* *
Intenable de l'être : tourmenter toutes les réponses, les passer à la question.
* *
Côté face ou côté pile, le réel est comme la rose : sans pourquoi.
* *
Le charbon est déjà diamant. Le cristal, indescriptible. La grâce de l'Un, à l'oeuvre.
Zéno Bianu
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Lettres à Gaëlle XXIV
XXIV
La nymphe de pierre s'est écaillée l'éternité seule fait le lien
un oiseau parle, puis deux, ils puisent dans ton visage
le silence que l'aquilon sème dans l'herbe aux boutons d'or
et qui saura donner à ton corps
la légèreté appropriée à ce voyage
respirant et docile comme si tu interrogeais
le dénuement de mes heures lentes
livrées au monde, à l'insecte claudiquant
qui troue le réel pour arracher ce qu'il peut
à l'inerte éconduit par les premières heures du jour
un tisserin frappe de son bec les tuiles,
la chambre est encore plongée dans l'obscur.
Aux frissons coulis du froid tes yeux clos
reconnaissent les tresses d'un dernier rêve
compliquées des plus petites coulisses de la lumière
la route est là ses épaules glacées
vois comme elle est longue comme elle dessille
l'oeil à ce qui vient, à l'espace tolérable
marqué par les nervures des mains
et les pieux noirs des clôtures
entends la menue monnaie des mots
ainsi qu'une volée de pies dans l'inextricable monde
la coulée du ciel corolles dentelles pétales
presqu'un battement d'ailes dans la poitrine.
Daniel Martinez
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