20/02/2020
Un poème d'André Breton (1896-1966)
ÉCOUTE AU COQUILLAGE
Je n'avais pas commencé à te voir tu étais AUBE *
Rien n'était dévoilé
Toutes les barques se berçaient sur le rivage
Dénouant les faveurs (tu sais) de ces boîtes de dragées
Roses et blanches entre lesquelles ambule une navette d'argent
Et moi je t'ai nommé Aube en tremblant
Dix ans après
Je te retrouve dans la fleur tropicale
Qui s'ouvre à minuit
Un seul cristal de neige qui déborderait la coupe de tes deux mains
On l'appelle à la Martinique la fleur du bal
Elle et toi vous vous partagez le mystère de l'existence
Le premier grain de rosée devançant de loin tous les autres
follement irisé contenant tout
Je vois ce qui m'est caché à tout jamais
Quand tu dors dans la clairière de ton bras sous les papillons
de tes cheveux
Et quand tu renais du phénix de ta source
Dans la menthe de la mémoire
De la moire énigmatique de la ressemblance dans un miroir
sans fond
Tirant l'épingle de ce qu'on ne verra qu'une fois
Dans mon cœur toutes les ailes du milkweed
Frètent ce que tu me dis
Tu portes une robe d'été que tu ne te connais pas
presque immatérielle elle est constellée en tous sens d'aimants
en fer à cheval d'un beau rouge minium à pieds bleus
André Breton
Sur mer, 1946
* Aube Elléouët, née Aube Breton est fille d'André Breton et de Jacqueline Lamba.
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De loin, le poème d'André Breton que je préfère pour cet émerveillement devant la naissance de sa fille, qui rejoint le sentiment qui fut le mien, au moment où Gaëlle a pris vie. A cette ouverture infinie, qui met à mal l'orgueil et son insidieux avatar (la nostalgie du moment), la mémoire participe avec toute son ambivalence, elle qui voulant retenir transforme et ne peut se résoudre à sa propre alchimie.
[Je dédicaçais "Le Temps des yeux" au Salon de l'Autre livre et mon éditrice me faisait remarquer mon émotion, visible. C'est qu'il y avait alors, resplendissante, l'arrivée d'une inconnue, qui est celle de la vie, sa soudaine densité... On me reprochera d'en parler ainsi, assurément, mais qu'importe ! Je parle à l'enveloppe du désir, de ce corps lumineux qui affine ma pupille pour un autre temps, à venir.] Amitiés partagées, Daniel Martinez
15:30 Publié dans André Breton | Lien permanent | Commentaires (0)
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