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16/07/2021

"Journal tunisien"

Pour apporter mon soutien moral aux amis que j'ai laissés en Tunisie, qui ont accompagné à peu prés toute ma scolarité, avant mes études de Droit à Saint-Maur-des Fossés - eu égard à un pays si durement touché par le Covid 19, ces pages de mon "Journal tunisien", inédites :

A Tabarka, au pied d'un phare, une grotte à moitié immergée, où se réfugient les phoques. Entre autres plongeurs, dans la nuit de l'Esprit, nous y découvrons des mérous, des étoiles de mer, des holothuries, des girelles et des castagnoles noires dont les yeux phosphorescents semblent des gemmes. L'on dirait une admirable tonnelle, prémices du premier feu, qui devait illuminer la terre, en majesté. Et j'adore cette image, et j'adore l'or et la douceur absolue de ceux-ci qui me regardent, dans une prairie sous-marine où me cacher de ce monde délétère.

Une forêt de caroubiers, introduits dans le bassin méditerranéen, pour y être cultivés. De dix à douze mètres de haut, sur des sols calcaires, secs et pierreux. Leur troncs sont épais, dans leur partie basale : jusqu'à deux mètres de circonférence. Leurs fruits, les caroubes, sont des gousses de dix à vingt centimètres, d'abord vertes puis brun-noir à maturité, comestibles.

Le filet ininterrompu des jardins dont les cyprès, les orangers, les palmiers, les daturas géants, les bougainvillées, ont abrité Gide m'aident à apprendre l'étendue, sa gloire, devant l'ombre grise de mes doigts, rien qu'ombre, saisie entre les marbres et les mosaïques à la gloire de Poséidon.

Oracles donnés là dans la Rome antique, dont ces lieux empreints d'histoire continuent de témoigner, une voix soudain s'élève. D'où surgie ? Tandis qu'un fennec apeuré court sur les dalles du forum.

Des jarres où l'on stocke l'huile et le grain. Des gourbis de pierres sèches ou de briques crues, avec comme enclos des branches de jujubier. Le décor s'ouvre en éventail. A fleur de terre : une cuve baptismale.

Face au mausolée d'un marabout, proche du puits de tes pensées, tu te recueilles : on y égorgeait au printemps une vache noire, que l'on suspendait ensuite à un olivier. On la coupait en quatre quartiers que l'on débitait en soixante tas de douze morceaux chacun. Les soixante familles qui composent l'actuelle Dougga en recevaient chacune une part.

Des oliviers centenaires dont les troncs, les années passant, se sont ouverts. Leur cime sert de perchoirs aux tourterelles et aux ramiers. Folie que de se défier de la flamme qui t'habille. Aussi le temps que tu parcours, souverain, ignore-t-il le temps des horloges. Ce ne sont qu'arbres qui frémissent, que routes cahotantes qui bougent, couvertes de légendes dans l'eau pure du matin.

Trompettes abaissées, écloses dans le souffle, bu par les yeux d'ocre et de nacre d'un pur imaginaire, que le langage traduit à sa façon, imparfaite toujours.

Le destin lui, ne s'écrit qu'en marge de nos vies, s'il accompagne dans leur course hasardeuse les stratus, il réfléchit et diffracte de même les ornements de femmes conversant, nonchalantes, sous un ciel imperceptiblement mobile.

A la rose des vents cette soif des hauteurs, à la mesure du vertige originel.


Daniel Martinez

11:42 Publié dans Journal | Lien permanent | Commentaires (0)

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